vendredi 24 juin 2016

Par : Mary Glensor
Publié le : 17/06/16

ERYTHREE ETHIOPIE2
Les hostilités ont repris entre l’Éthiopie et l’Érythrée, les deux pays s’accusant mutuellement d’avoir provoqué les affrontements.
Les combats qui se sont déroulés à la frontière sud de l’Érythrée, depuis dimanche 12 juin, auraient fait de nombreuses victimes. Ce ne sont pas les premiers accrochages entre les deux pays, depuis 2000 et la fin de la guerre meurtrière qui les a opposés de 1998 à 2000. Aujourd’hui, la situation pourrait rapidement dégénérer en un conflit plus large.
Les relations entre les deux pays, avant même l’indépendance de l’Érythrée, en 1993, sont marquées par une longue histoire de guerres qui trouvent leurs racines, comme ailleurs en Afrique, dans le colonialisme et la rivalité des puissances occidentales. Occupée par l’Italie dans sa partie sud actuelle en 1882, puis nord, en 1885, l’Érythrée intègre, en 1936, après la conquête de l’Éthiopie par les Italiens, l’« Afrique orientale italienne ». En 1941, les Alliés libèrent cette dernière du joug mussolinien. L’Éthiopie retrouve sa souveraineté. L’Érythrée, administrée par le Royaume Uni jusqu’en 1952, est fédérée à sa voisine éthiopienne par décision de l’ONU.
Neuf ans plus tard, le premier mouvement de libération érythréen, le Front de libération de l’Érythrée (FLE), lance ses premières opérations militaires et gagne, en cinq ans, le soutien populaire. Les tentatives de l’empereur Hailé Selassié 1erpour corrompre la population érythréenne par l’attribution de titres, argent et fonctions officielles aux opposants se soldent par un échec, la résistance se développe. La loi martiale est décrétée en Érythrée en 1971.
En 1972, une scission du FLE génère le Front populaire de libération de l’Érythrée(FPLE), suivie d’affrontements entre les deux mouvements jusqu’en 1974, année du coup d’État qui renverse l’empereur et la prise du pouvoir par le Derg, la junte militaire dirigée par Mengistu Hailé Mariam, d’obédience prosoviétique. Le FPLE devient le premier mouvement de libération national, au détriment du FLE. La guerre contre les indépendantistes prend un nouveau tournant avec, en 1977, le soutien en armement apporté à l’Éthiopie par l’URSS. La même année, le Derg doit faire face à une offensive de l’armée somalienne qui déclenche la guerre visant à « libérer » l’Ogaden et restaurer la « Grande Somalie ». Soutenu par l’URSS et Cuba, l’Éthiopie sort victorieuse du conflit.
Cependant, la guerre civile se poursuit en Ethiopie même. Les offensives du Derg en Érythrée n’atteignent pas non plus leur objectif, le FLE résiste. En 1991, les États-Unis entrent en scène en apportant leur soutien à un nouveau mouvement, le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), au pouvoir aujourd’hui en Éthiopie. L’URSS est en pleine Perestroïka et Glasnost. Incapable d’être présent sur tous les fronts, elle suspend son soutien au Derg, renversé le 21 mai 1991 par la coalition FLPT et FPLE, qui forment le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDPRE), un gouvernement provisoire est mis en place. À l’issue de négociations de paix à Washington, le FDRPE reconnaît le droit de l’Érythrée à l’autodétermination, l’Indépendance est déclarée le 28 mai 1993.
Cependant, avec l’indépendance, les désaccords entre les deux États ne disparaissent pas pour autant. Entre autres, celui des régions frontalières revendiquées par les deux parties, où la situation tendue nécessite la mise en place d’une commission mixte de surveillance. Cinq ans plus tard, en 1998, l’entrée de soldats érythréens à Badme, contrôlée par l’Éthiopie sonne le glas d’une paix fragile. Malgré les médiations de l’ONU et de l’OUA, une guerre meurtrière s’installe, alors même que la Somalie achève son processus de désintégration, qui ouvre la voie aux seigneurs de guerre et aux groupes islamistes (les Tribunaux islamiques/shabab) et rebelles.
Des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés et de réfugiés, des économies en faillite aggravée par la sécheresse, cette guerre meurtrière prendra fin en décembre 2000, avec un accord définitif signé à Alger, dans le cadre duquel est créée une « zone de sécurité temporaire » de 25 kilomètres à l’intérieur de l’Érythrée contrôlée par la MINUEE, les forces de paix de l’ONU, qui se retirera en 2007, sur un échec.
Plaintes et commissions arbitrales rejetées, menaces en mobilisation militaire, la paix ne s’est jamais installée, le conflit frontalier n’a jamais été réglé, l’Érythrée réoccupant progressivement les zones de sécurité. La « drôle de guerre » des frontières perdure, marquée par des affrontements sporadiques. L’Éthiopie, pays enclavé de 90 millions d’habitants, économie émergente, stratégique pour les grandes puissances, l’Érythrée, pays pauvre qui en compte 5 millions, qui contrôle désormais les ports d’Assab et Massawa traditionnel débouché de l’économie éthiopienne (qui s’est tournée depuis vers Djibouti), deux pays aux régimes autoritaires, qui auraient pu être liés pour le meilleur, ils le sont, encore aujourd’hui, pour le pire.

(Ils ont rien de mieux à foutre ? note de rené)

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