mardi 31 janvier 2017

Ukrainian forces attempt to break through DPR defences on south axis, losses reported

JANUARY 31, 2017 12:55 source : donetsk news agency
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Donetsk, Jan 31 – DAN. Ukrainian forces attempted to break through DPR defence lines in Kominternovo village area on south axis, DPR Operations Command said.
“Taking advantage of the situation in Avdeyevka industrial area, an enemy force of up to two platoons from 36th separate marines brigade, Praviy Sector (Right Sector, a far-right Ukrainian nationalist political and paramilitary group of neofascist ideology) gunmen and three infantry fighting vehicles made a breakthrough attempt in Kominternovo area on Mariupol axis,” a DPR Operations Command officer said.
According to DPR Operations Command, Kiev gunmen lost about 14 killed and dozens wounded. DPR militia rebuffed the attack forcing the enemy to retreat to initial positions. *jk

La construction en paille se développe en France

31 janvier 2017 Martin Cadoret (Reporterre) 

  

    
Écologique, pourvoyeuse d’emplois, disponible localement, économique… la paille se révèle un matériau de construction de premier choix. Encore peu populaire, elle pourrait le devenir comme les collectivités territoriales s’y intéressent.
  • Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), reportage
C’est une inauguration étonnante qui a eu lieu à Rosny-sous-Bois, vendredi 27 janvier. Ce matin-là, le maire a participé à la pose, non pas de la première pierre, mais de la première botte de paille de la nouvelle école primaire. Dans l’inconscient collectif, la seule manière d’utiliser de la paille pour un bâtiment serait en chaume pour les toits. Ici, dans l’école en cours de construction, les murs seront constitués de bottes de paille empilées les unes par-dessus les autres. Un enduit en terre appliqué directement sur les bottes doit leur donner l’apparence d’un mur normal. Enfin, pour éviter d’avoir recours à de nouvelles charpentes en bois, la structure de l’ancien marché, qui occupait auparavant cet emplacement, a été conservée et constitue l’ossature du nouveau bâtiment.
Au départ utilisée par une poignée de particuliers à la conscience écologique, la paille est de plus en plus employée par les collectivités locales pour les bâtiments publics. Ses avantages sont nombreux. « Comme c’est un déchet, la paille permet d’avoir un impact minimum sur l’équilibre environnemental. Celle de l’école, c’est de la paille bio qui vient de la Seine-et-Marne », détaille Emmanuel Pezres, l’architecte de la ville. Elle permet aussi d’obtenir une isolation optimale, idéale pour réaliser des bâtiments passifs, qui consomment très peu ou pas du tout d’énergie. Généralement, la paille joue le rôle d’isolant dans une structure en bois déjà fabriquée, c’est d’ailleurs le cas pour l’école maternelle voisine. Mais ici, l’école sera construite en « paille porteuse », c’est-à-dire que les murs seront uniquement constitués de paille, sans structure de bois.
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Les plans de la future école.
La paille est également très économique : il s’agit simplement de bottes de paille format parallélépipède, empaquetées par une botteleuse classique. « Au mètre carré, il faut compter de 3 à 6 euros, contre 70 euros environ pour un isolant écologique du type feutre de bois », explique Dirk Eberhart, président du Réseau français de la construction paille (RFCP), une association qui promeut ce type de construction et qui regroupe des professionnels du bâtiment. « Il y a aussi un facteur social : pour construire en paille, il faut plus de main d’œuvre. Mais comme le matériau est moins cher, ça s’équilibre et finalement ça ne coûte pas plus cher qu’une construction en béton. » Le maire Les Républicains de Rosny, Claude Capillon, a fait les comptes. « In fine, nous avons fait un million d’euros d’économies. »

« Forcément, les gens pensent aux Trois Petits Cochons. C’est un long travail de les convaincre »

À l’heure actuelle, le RFCP recense 5.000 bâtiments en paille sur le territoire français, un chiffre en augmentation. « Et chaque année, 500 nouveaux bâtiments sont construits. Le boom se voit surtout au niveau des marchés publics », précise Benoît Rougelot, le responsable du collectif en Île-de-France. L’usage de la paille pour la construction n’est pourtant pas récent. En témoigne l’existence de la maison Feuillette, construite en 1920. C’est le plus vieux bâtiment au monde construit en ossature bois et en isolation paille. Mais la redécouverte du matériau a pris une autre dimension avec la mise en place de règles professionnelles pour la première fois en 2011, sorte de catalogue des bonnes pratiques de construction. Elle a permis de rassurer les assureurs et d’établir des standards à même d’être vérifiés par les bureaux de contrôles.
Le Réseau français de la construction paille estime même que 10 % de la paille de blé produite en France suffirait à isoler tous les nouveaux logements construits chaque année. « Au niveau écologique, c’est la seule ressource massivement disponible, contrairement au chanvre, au lin ou à la laine de bois, poursuit Dirk Eberhart, le président du RFCPC’est une évidence que ce type de construction va se multiplier. » La filière est progressivement en train de se constituer. « Au début, dans notre réseau, il y avait beaucoup de particuliers autoconstructeurs. Maintenant, il n’y a quasiment plus que des entreprises », précise le responsable.
Même si les constructions en paille sont de plus en plus nombreuses, l’usage du matériau est encore loin d’être une évidence. Il y a déjà la contrainte d’accès à la ressource. « Quand il y a un champ à côté, cela fait sens, mais en plein milieu de Paris, ça ne serait peut-être pas très pertinent », concède Benoit Rougelot. De même, certains départements ne sont pas en situation d’excédent de paille, comme le Limousin. Et puis, à un niveau plus global, les préjugés restent tenaces. « Forcément, les gens pensent aux Trois Petits Cochons. C’est un long travail de les convaincre », sourit Dirk Eberhart. La résistance au feu, en l’occurrence, est aussi bonne que pour d’autres matériaux, en conformité avec le règlement de sécurité relatif aux établissements recevant du public.
La mise en place de tels bâtiments publics est également plus longue qu’à l’accoutumée, car il faut pouvoir penser la construction de manière globale. « L’usage de la paille n’est qu’un élément du processus global de construction », concède même Emmanuel Pezres. Lui met aussi en avant les avantages sociaux du projet, qui crée des savoir-faire susceptibles d’être réutilisés pour de futurs projets. L’inclusion des habitants de Rosny a aussi été prise en compte : des pierres en terre cuite, qui vont servir à isoler les salles de repos, ont été fabriquées par les habitants.

Frilosité des assureurs

Pour Christian Hackel, l’architecte montreuillois qui a conçu la plus grande école en paille de France, ouverte en 2014, c’est un changement de paradigme. « En France, il y a encore cette culture du béton, amplifiée par le lobby des industriels du bâtiment. Construire en paille, c’est un cheminement culturel, ça implique de repenser l’acte de construire », avance-t-il. Son école est d’ailleurs un modèle de construction écologique : en plus de la paille, elle possède des panneaux solaires sur les toits pour produire de l’énergie et chauffer l’eau, le tout agrémenté d’un système de récupération des eaux de pluie. « Après, au niveau étatique, le “biosourcé” [les matériaux issus de la biomasse végétale ou animale] commence à rentrer dans les vocables », reconnaît l’architecte.
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L’inauguration du chantier de l’école de Rosny-sous-Bois.
L’autre handicap de la construction en paille, c’est que les assureurs sont encore frileux. « Pour cette construction en paille portée, ça a été sportif de convaincre notre assureur, et on paye plus cher que la moyenne. La technique n’est pas si ancienne et ils ne veulent pas prendre de risque », concède Rémy Beauvisage, de l’entreprise Apijbat, qui construit l’école de Rosny-sous-bois.
Dans ces conditions, la construction paille reste le fait d’une vraie volonté politique. Dans le cas de Rosny-sous-Bois, celle du maire Claude Capillon, pourtant membre de Les Républicains, un parti peu porté sur les questions d’écologie. Sa ville était présente à la COP21 sur le climat, fin 2015. En 2010, la commune a mis en place un Agenda 21 et multiplié les mesures en matière d’écoconstruction : « Nous avions commencé par une façade bioclimatique dans une autre école. Elle avait permis une économie d’énergie de l’ordre de 25 %. C’est à ce moment-là qu’on a réfléchi à l’écoconstruction, avec pour objectif de faire au moins 50 % d’économies d’énergie. »
Lui est convaincu que le système de fabrication des bâtiments publics « arrive en bout de course », d’où cette nécessité de repenser la construction des équipements publics. « L’intérêt, c’est que notre projet est reproductible, ajoute l’architecte communal. On est dans un établissement recevant du public, qui doit satisfaire les plus hautes exigences en matière de réglementation. Cela va peut-être faire sauter quelques verrous psychologiques. » La ville, elle, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : un nouveau centre de loisirs, conçu de la même manière, est en gestation.



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La Fondation Bill & Melinda Gates s’engage à octroyer 21,4 millions $ pour l’amélioration de la production de volaille en Afrique

La Fondation Bill & Melinda Gates s’engage à octroyer 21,4 millions $ pour l’amélioration de la production de volaille en Afrique
(Agence Ecofin) - La Fondation Bill & Melinda Gates a annoncé qu’elle fournirait, sur 4 ans, une subvention de 21,4 millions $ à la Fondation mondiale pour la volaille (WPF) pour le financement d’un programme d’amélioration de la production avicole en Afrique. C’est ce que révèle internationalsupermarketnews.
Ce programme bénéficiera principalement à la Tanzanie et au Nigéria, en raison du taux relativement élevé de pénétration de la téléphonie mobile dans ces pays et de la coopération de leurs gouvernements, selon Randall Ennis, directeur général de la WPF.
Au terme de la mise en œuvre du programme, plus de 2,5 millions de familles en Tanzanie et au Nigéria devraient bénéficier d’une assistance et d’une formation approfondie. Cette formation portera notamment sur les bonnes pratiques qui permettront aux bénéficiaires d’élaborer des formules alimentaires convenant à une production avicole saine.
Dans cette logique, le programme devrait s’appuyer sur l’application mobile FreedMix développée en 2016, à cet effet, par le département de la science de la volaille de l’Université de Géorgie des USA, conjointement avec l’Association ghanéenne des éleveurs de volailles.
Outre le volet formation, le programme permettra de créer, d’après R. Ennis, plus de 1500 entreprises de femmes spécialisées dans l’approvisionnement en poussins en bonne santé aux petits éleveurs ruraux des pays bénéficiaires.
(Eux, le couple maléfique, lorsqu'il s'engage dans une action à but humanitaire, il faut se demander, si, le but n'est pas d'introduire des poules génétiquement modifiée puisqu'ils sont l'un des actionnaires majoritaires de mosanto qui a des élevages de poules génétiquement modifié. Et, naturellement, une bonne opération à déduire des impôts. note de rené)

dimanche 29 janvier 2017

Le régulateur néerlandais révèle «par erreur» le pari baissier de Soros sur les marchés financiers

29 janv. 2017, 16:19 source : RT en français
Le régulateur néerlandais révèle «par erreur» le pari baissier de Soros sur les marchés financiers© Shannon Stapleton Source: Reuters
George Soros
Après la victoire de Trump, le milliardaire qui avait soutenu Hillary Clinton, reste au centre de l’attention publique. Il y a une semaine, on a su qu’il a perdu près d’un milliard en soutenant Hillary, maintenant, la liste de ses paris est révélée.
Le site du régulateur néerlandais des marchés financiers, AFM, a publié, à la suite d'une négligence, la listes des titres financiers sur lesquels George Soros a parié à la baisse, depuis 2012 pour certains.
Les noms des entreprises concernées aurait dû rester confidentiels mais, compte tenu de cette «erreur humaine», ils ont été dévoilés sur la place publique.
L'année 2017 commence donc dans l'adversité pour le financier américano-hongrois. Selon des révélations faites par le Wall Street Journal, le célèbre milliardaire de 86 ans avait parié sur un effondrement des marchés financiers avec la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine.
Erreur d'appréciation. Loin de s'effondrer, les marchés financiers sont partis crever de nouveaux plafonds depuis le 8 novembre 2016 : l'indice S&P 500 de la Bourse de New York s'est apprécié de 5,6% depuis l'élection de l'ancien magnat de l'immobilier alors que l'indice Dow Jones s'est littéralement envolé de 9%.
D'après les estimations du quotidien financier américain, cette erreur d'appréciation de George Soros lui aurait coûté près d'un milliard de dollars.
Revenu garanti, une utopie à portée de main
source : Le Monde Diplomatique, mai 2013

En Inde, l’expérience revitalise les villages

Dans l’Etat indien du Madhya Pradesh, un syndicat de femmes a lancé en 2011 une expérience-pilote de revenu inconditionnel. La somme versée ne suffit pas pour se passer d’emploi, mais favorise les initiatives individuelles ou collectives, et permet de mieux vivre.
Atrente kilomètres au sud de la ville d’Indore, dans l’Etat central du Madhya Pradesh, la route rocailleuse fend en deux le village de Panthbadodiya et le plonge dans un constant halo de poussière. C’est dans cet immense « cœur de l’Inde », qui abrite dans ses paysages arides la plus grande population dite « tribale » du pays, que la malnutrition frappe le plus durement. Sur un versant de la route, à l’écart des autres habitations, les femmes de l’ethnie bhil se rassemblent sur une natte posée au sol, devant les maisons faites de terre et de paille séchées. Majoritaires dans le district, les Bhils sont une tribu aborigène, selon la classification héritée de l’occupant britannique, ou scheduled tribe, selon les catégories établies par le gouvernement indien dans le cadre de la politique de « discrimination positive » en faveur des communautés et des castes défavorisées (1).
Mme Mamatabai Punjraj rajuste son foulard violet et ocre, qui la protège du soleil et de la poussière, ainsi que du regard des hommes. Le gouvernement indien, raconte-t-elle, lui a octroyé un bigha (environ un quart d’hectare) de terre à cultiver. Quelques mois plus tard, en tentant de récolter du bois de chauffe sur un arbre, elle a fait une chute et s’est brisé la jambe et la main gauches. « Pour payer les 25 000 roupies [environ 350 euros] d’admission à l’hôpital, nous avons dû hypothéquer notre terre pour 50 000 roupies. Avec les 25 000 restantes, nous avons acheté un demi-bigha que nous cultivons : du maïs à la saison des pluies et des haricots en hiver. Mais, l’an dernier, les pluies ne sont pas venues à temps et nous avons perdu notre récolte. Nous ne savons pas comment rembourser l’emprunt de 25 000 roupies auprès du propriétaire terrien. »

Le temps de présence des enfants à l’école a triplé

Héritier des terres et de haute caste, comme dans de nombreux villages, le landlord est l’unique employeur et créancier du village. Mme Punjraj n’a pas de travail ; son mari est journalier à la ville. Vinod, son fils aîné, est naukar, employé au service du landlord, corvéable à merci pour un salaire qui n’excède pas 15 000 roupies par an (environ 200 euros). Son deuxième fils, Laxman, est un gwala, un enfant qui travaille pour le landlord en échange d’une réduction de la dette de ses parents. Sa fille va à l’école grâce aux aides de l’Etat, et le plus jeune fils attend d’être gwala à son tour. Ce système de servage féodal contribue à l’échec des nombreux mécanismes que l’Etat indien a mis en œuvre depuis l’indépendance pour sortir de la pauvreté l’immense majorité de sa population. Aujourd’hui, près d’un tiers de celle-ci vit avec moins de 1 euro par jour (2), alors que le pays continue de connaître une forte croissance économique (3).
A Panthbadodiya, une expérience-pilote pourrait changer significativement les conditions de vie des pauvres, ainsi que l’approche de la lutte contre la pauvreté. Le village participe au projet de revenu inconditionnel (Madhya Pradesh Unconditional Cash Transfer Pilot Project) conduit par l’Association des travailleuses autonomes (Self Employed Women’s Association, SEWA), un syndicat qui défend depuis quarante ans les femmes à bas revenus en Inde, avec des subsides du bureau indien du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). « L’expérience consiste à regarder ce qui se passe dans ces familles si cette somme est donnée inconditionnellement », explique Sarath Dewala. Sourire lumineux dans une barbe grisonnante, le directeur de recherche précise les fondements de l’étude : « Il s’agit de procurer aux individus une somme d’argent, modeste mais régulière, en liquide, en supplément à toute forme de revenu. »
Pendant dix-huit mois, Dewala et son équipe ont étudié les effets d’un revenu minimum mensuel attribué à quatre mille individus consentants dans huit villages, sans conditions de salaire, d’emploi, de caste, de sexe ou d’âge, et en leur laissant le libre usage de cet argent. Les adultes se sont vu attribuer chaque mois, en plus de leurs aides sociales, 200 roupies (2,70 euros). Une somme de 100 roupies par enfant est distribuée à la mère. Parmi ces villages-tests, quatre avaient reçu l’appui de la SEWA pendant plusieurs années : organisation de groupes de parole, de coopératives d’épargne (4), prêts bancaires, cours de gestion financière, accompagnement auprès des pouvoirs locaux… Douze autres villages, dans lesquels l’allocation n’est pas distribuée, servent de témoins pour l’étude comparative. L’initiative, qui fait suite à une autre conduite par la SEWA en milieu urbain dans un quartier de l’est de New Delhi, est le premier projet de recherche appliquée sur le revenu inconditionnel en Inde. L’hypothèse testée : le versement direct d’argent induit un changement des comportements qui se traduit par une amélioration des conditions de vie des familles, en particulier dans la nutrition et la santé des enfants.
Trois études — la première au début de l’expérience, la deuxième au milieu et la dernière à son terme — en ont confirmé les effets. Dans les villages bénéficiaires, les gens ont dépensé davantage pour acheter des œufs, de la viande et du poisson, ainsi que pour les traitements médicaux. Les résultats scolaires des enfants se sont améliorés dans 68 % des familles, et leur temps de présence à l’école a pratiquement triplé. L’épargne a également été multipliée par trois, et deux fois plus de personnes ont pu démarrer une nouvelle activité.
« Avec cet argent, nous pouvons acheter davantage de provisions, confirme Mme Punjraj. Je le dépense aussi pour mes médicaments, sans avoir à emprunter. J’ai pu rejoindre les femmes du groupe d’épargne. Je vais garder tout l’argent que je reçois pour les frais du mariage de mon fils. » Jusqu’à l’âge de 13 ans, le frère de son mari, Bahadua, était gwala, payé 4 000 roupies par an. Puis il est devenu naukar pour 13 000 roupies. A cette époque, il devait emprunter sa ressource quotidienne au propriétaire terrien. A présent — il a 22 ans —, le revenu inconditionnel, sans lui permettre de vivre (ce n’est le cas pour personne), l’autorise à refuser ces conditions de travail.

« La régularité permet l’organisation, l’épargne, l’emprunt »

Donner de l’argent aux pauvres sans contrepartie ? Dewala rit : « L’idée en a fait sursauter plus d’un. On nous a dit que les hommes allaient le dépenser pour se soûler, les femmes pour acheter des bijoux et des saris. L’idée que les pauvres ne savent pas utiliser l’argent rationnellement est un préjugé de la classe moyenne. L’étude montre que, au contraire, un revenu régulier permet aux gens d’être responsables. Ils connaissent leurs priorités. Quand quelque chose est rare, on en mesure la valeur… De plus, dans les villages tribaux, ils distillent leur propre liqueur », ajoute-t-il avec un clin d’œil, avant de poursuivre : « L’avantage principal est celui de la régularité. La régularité permet l’organisation, l’épargne, l’emprunt. L’idée est qu’une petite somme génère énormément d’énergie dans le village. »
Quelques dizaines de kilomètres de route séparent Panthbadodiya de Malibadodiya, ainsi que dix ans de présence de la SEWA auprès des femmes. Ici, le syndicat leur apporte l’argent directement. Une vingtaine de femmes du groupe d’épargne se réunissent dans une ambiance rieuse, serrées dans un entrelacs de draperies à l’ombre d’un toit de tôle. Fait rarissime, au sein de ces groupes, toutes les castes et origines se côtoient. On discute des projets collectifs : construire un toit pour le temple, des toilettes publiques… « Allez, avouez, qui a acheté des bijoux avec l’argent ? », plaisante Dewala. L’une montre la machine à coudre qu’elle a pu acquérir après avoir épargné pendant douze mois. Une autre affirme fièrement qu’elle a presque fini de payer les traites de sa télévision ; une famille brandit la couverture à 300 roupies, de bien meilleure facture que la précédente, qu’elle a achetée pour l’hiver. Mangu, une jeune femme du village qui a rejoint la SEWA, raconte au milieu des éclats de rire le périple des femmes parties en tracteur soutenir une manifestation en ville contre la vie chère, bravant les remontrances des hommes et les menaces des policiers.
Rashmani fronce les sourcils, faisant ressortir le point rouge entre ses yeux incandescents : « Les femmes n’ont plus peur. Elles deviennent indépendantes, gèrent de l’argent, font des projets. Dans plusieurs villages, elles ont contraint le landlord à augmenter leur salaire. » Après avoir travaillé vingt ans dans une usine de fabrication de beedies (cigarettes), cette militante de la SEWA intervient dans près de trois cents villages. Certaines représentantes syndicales organisent dans leur district des communautés regroupant jusqu’à soixante-quinze mille ouvrières. « Nous voulons montrer que si un syndicat gère l’argent, il sera mieux distribué. Que quand on prend soin des gens, on peut réussir », dit-elle. Dewala renchérit : « Le point crucial que nous voulons démontrer, c’est que l’existence d’un corps de la société civile fait toute la différence. »
A l’origine du projet, il y a une réflexion sur l’échec des politiques publiques de lutte contre la pauvreté. La Commission du plan estime que seules 27 % des dépenses atteignent les personnes à bas revenus (5). Les travailleurs du secteur informel, qui constituent 90 % des actifs, restent privés de toute protection sociale. Le versement direct d’espèces permet d’éviter les nombreuses fuites et la corruption des intermédiaires. « L’idée du revenu inconditionnel vient de la faillite des programmes conditionnels. Dès qu’il y a condition, il y a érosion. Conditionnalité implique intermédiaire, qui implique pouvoir, qui implique corruption », explique Dewala. Selon la SEWA, dans le seul Etat du Madhya Pradesh, il existe pas moins de trois cent vingt et un programmes : distribution de terre, de nourriture, de gaz, de bourses scolaires ou de bicyclettes, travail contre rémunération, etc., en fonction de conditions strictes : sexe, caste, ethnie, âge, nombre d’enfants, activité. « Le “pur” pauvre, celui qui a faim et qui est malade, qui n’a pas de foyer, pas de télévision, etc., n’existe pas, martèle- t-il. Beaucoup de gens oscillent sur la ligne de pauvreté, et perdent leur droit à l’aide publique. » Un seul schéma, l’inconditionnalité, répondrait à ces innombrables difficultés.
Le projet a en tout cas éveillé l’intérêt des autorités. Devant ses résultats enthousiasmants, l’Etat du Madhya Pradesh a demandé à ce que la SEWA y intègre un village tribal isolé, et l’Unicef a accepté de le financer pendant six mois supplémentaires (de juin à décembre 2012), en augmentant l’allocation mensuelle à 300 roupies par adulte et 150 roupies par enfant. De son côté, le gouvernement fédéral de M. Manmohan Singh a créé la surprise en annonçant en novembre 2012 une refondation de l’aide aux familles pauvres, baptisée India’s Cash Transfer for the Poors. Dès le 1er janvier 2013, vingt-neuf programmes ont été convertis en argent versé sur des comptes bancaires, d’abord dans vingt districts répartis dans seize Etats. A partir de juin, ce sera dans l’ensemble du pays. Un tournant inspiré par le succès du programme Bolsa Família (« Bourse familiale ») au Brésil, qui a permis de sortir douze millions de familles de la pauvreté, et fortement contribué au développement du pays… ainsi qu’à la réélection en 2006 du président Luiz Inácio Lula da Silva.

Pas un substitut aux aides sociales, mais un apport supplémentaire

A un an des élections nationales, l’annonce d’une refondation de la lutte contre la pauvreté, et du versement de l’argent des aides directement à l’immense population de citoyens pauvres, paraît séduisante. L’idée pourrait plaire également aux libéraux, puisque le gouvernement s’est engagé à ramener la facture de l’aide sociale à 2 points du produit intérieur brut (PIB), au lieu des 3,5 actuels (6). Mais la promesse a également été accueillie avec réserve : le ministre du pétrole et du gaz naturel a d’ores et déjà demandé un délai supplémentaire de trois mois pour la conversion des subventions de gaz en allocations (7). Le très libéral quotidien The Economic Times estime quant à lui que le programme ne sera pas opérationnel avant octobre (8).
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la mise en œuvre de cash transfer par la SEWA, même si elle n’a rien à voir avec la politique gouvernementale, suscite des réactions de méfiance. Le projet a fait l’objet de rumeurs affirmant qu’il était le prélude à la suppression des aides publiques. « Pour nous, il ne s’agit pas d’une substitution, mais d’un apport supplémentaire », précise Dewala.
L’économiste de l’étude, Guy Standing, professeur d’études du développement à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’université de Londres et cofondateur du Réseau mondial pour le revenu de base (Basic Income Earth Network, BIEN), défend cette idée depuis vingt-cinq ans. Au bureau du Conseil pour le développement social à New Delhi, où l’équipe du projet se réunit autour de l’évaluation finale, il a les yeux qui brillent : « L’idée redevient fréquentable. Devant l’émergence du secteur informel et la montée des inégalités, de l’insécurité économique, un revenu universel est un outil essentiel pour recréer de la sécurité sociale. » Selon lui, il y a deux conceptions possibles du revenu garanti : l’une libertarienne, qui en fait un outil en faveur de la liberté individuelle, et l’autre progressiste, qui le voit comme une sécurité sociale de base. « La gauche doit revoir sa vision de la société. Il faut penser à partir du précariat, et non plus du prolétariat. Et, pour cela, combiner un financement redistributif avec un renforcement des représentations des précaires. »
Un revenu universel en Inde est-il possible « L’attribuer à toute la population paraît inéquitable et dispendieux, avance l’économiste. Mais il n’y a aucune raison de penser que le gouvernement ne pourrait pas en récupérer le montant chez les individus qui ont un revenu supérieur, soit par l’impôt sur le revenu, soit par la taxation des produits et des services de luxe. » Mme Renana Jabhvala, directrice du bureau national de la SEWA, se montre plus réservée. Elle préfère le terme « inconditionnel » à celui d’« universel ». « Seuls 10 %des Indiens paient des impôts ; 50 % sont leur propre employeur ; moins de 20 % ont un emploi régulier. Rendre ce revenu universel paraît difficile. Mais l’Etat pourrait l’envisager pour la moitié de la population, celle qui en a vraiment besoin. »
Née en 1972 dans les manufactures de textile du Gujarat, la SEWA compte aujourd’hui un million sept cent mille adhérentes dans toute l’Inde. Elle gère cent douze entreprises coopératives, des dizaines de coopératives de crédit, des hôpitaux, des agences de services juridiques et une banque. Qu’est-ce qui a amené un syndicat de femmes à s’engager dans l’expérimentation du revenu minimum inconditionnel « Le débat a commencé il y a quatre ans. Les néolibéraux le défendaient pour faire des économies, et la gauche le critiquait parce qu’elle y voyait une attaque contre les aides publiques. Mais nous dirigeons une banque, nous gérons de l’argent ; nous savons que l’argent entre les mains des gens est quelque chose de puissant. »

« Avec plus d’argent, les gens se tournent vers les services privés »

Le projet ne va pas sans poser quelques questions. Au sujet des services publics, d’abord : « Avec plus d’argent, les gens ont tendance à se tourner vers les services privés, qui ne sont pas forcément meilleurs, mais qui font du marketing, constate Mme Jabhvala. Au Madhya Pradesh, l’école est désastreuse. L’Etat doit continuer de s’engager pour améliorer ses prestations en matière d’éducation et de santé. » La logistique des comptes bancaires, ensuite. Pour lutter contre la corruption, le gouvernement prévoit de mettre en place un programme d’identification biométrique et de délivrer à chaque bénéficiaire un numéro d’identification à douze chiffres. Actuellement, seules deux cent vingt-deux millions de personnes disposent de ce numéro d’identification, qui pourrait en concerner sept cent vingt millions (9). Si l’argent n’arrive pas à temps et avec régularité aux destinataires, la grande révolution annoncée par le gouvernement pourrait être un échec cuisant. « Le gouvernement s’apprête à commettre une erreur, s’inquiète Standing. L’argent doit être distribué en main propre, en attendant que le système bancaire se mette en place progressivement. » Par ailleurs, les banques sont réticentes à coopérer avec cette masse de gens insolvables, fait-il remarquer. « Il faudrait les encourager à ouvrir des unités mobiles dans les villages, à développer l’acheminement de l’argent. »
En s’éloignant de Malibadodiya, il faut encore parcourir quatre-vingts kilomètres vers le sud, aux confins du Madhya Pradesh, avant d’apercevoir Ghodakhurd. L’air se purifie à mesure que la route s’élève dans les collines. Les lignes du paysage plat et aride s’adoucissent peu à peu. Dans ce petit village isolé de sept cents habitants, entièrement composé de familles bhil, le silence et la lenteur ne sont perturbés que par les jeunes enfants aux cheveux hirsutes courant presque nus autour de buffles et de chèvres. Mais l’intérieur des modestes demeures témoigne de récents changements : les murs sont consolidés avec des briques et du ciment, les tas de maïs conservés pour la saison sèche sont imposants.
Ce village tribal, intégré au projet pour les six derniers mois à la demande de l’Etat, fait l’objet d’une attention particulière en raison de son isolement et de son dénuement. Les habitants se consacrent traditionnellement, durant la saison chaude, à la cueillette des feuilles de tandu, que l’entreprise nationale de fabrication de beedies achète 75 roupies le fagot de cinq mille feuilles. Jusqu’alors, l’argent liquide y était pratiquement absent. Grâce au revenu inconditionnel, Dinesh, 21 ans, aîné d’une fratrie de cinq garçons, a pu s’offrir des cours particuliers, passer son examen de fin de lycée et accéder à l’université. Son jeune frère Umesh, 20 ans, suit son exemple et a réussi son entrée en classe de terminale. « Le revenu inconditionnel est comme les parents, dit-il, parce qu’il donne équitablement à chacun. »
Alors que nous quittons Ghodakhurd, le regard de Dewala s’évade vers les pousses de blé qui verdoient au bord du chemin, parsemées de petites fleurs blanches : « Ce sont des besharam, des “fleurs impudiques” en langue malwani. On les appelle ainsi parce qu’elles poussent partout, sans respecter la propriété. »
Benjamin Fernandez
Journaliste.

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(1) Lire Purushottam Agrawal, « En Inde, des quotas pour les basses castes », Le Monde diplomatique, mai 2007.
(2) Banque mondiale, données en parité du pouvoir d’achat 2010.
(3) La croissance, qui avait atteint 8,3 % en 2010, s’établissait à près de de 5 à 6 % pour 2012-2013.
(4) Les femmes mettent en commun de petites sommes d’argent, constituant ainsi un fonds disponible à l’emprunt pour les membres, selon le modèle de la tontine.
(5) « The eleventh five-year plan », Commission du plan, gouvernement indien, New Delhi, 2009.
(6) « Gamechanger ? Why the cash transfer math doesn’t add up », The Times of India, Bombay, 30 novembre 2012.
(7The Indian Express, New Delhi, 5 décembre 2012.
(8) « Did government jump gun on cash transfers ? », The Economic Times, New Delhi, 27 novembre 2012.
(9) Hartosh Singh Bal, « Will vote for rupees », Latitude (blog), The New York Times, 7 décembre 2012.