dimanche 28 avril 2013

Aujourd'hui, juste un article de 7 Lames la Mer au sujet du combat entre David et Goliath, c'est-à-dire, des paysans malgaches et la compagnie Rio Tinto.


Un jour de plus derrière les barreaux pour Perle Zafinandro-Fourquet et six membres de l’association Fagnomba. Un jour de plus d’angoisse pour les familles, les proches... les enfants. Dans le bras de fer engagé entre le trust minier QMM, filiale de Rio Tinto, et Fagnomba qui regroupe des villageois s’estimant lésés par la compagnie minière, la puissance est du côté de la multinationale. Mais il se pourrait bien qu’un élan de sympathie et de solidarité naisse au niveau international et influe sur le cours de cette affaire. Une pétition a été mise en ligne et atteint actuellement les 3000 signatures.
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Depuis le 12 Mars, Perle Zafinandro-Fourquet, une franco-malgache de 46 ans, et six membres de l’association Fagnomba croupissent derrière les barreaux, à Fort-Dauphin. Il leur est reproché d’avoir, le 27 février dernier, porté atteinte (dégradations et vol de matériel, notamment trois disques durs) à un bureau de la CENIT, Commission électorale nationale indépendante de transition. Fagnomba dément formellement.
Porte-parole de Fagnomba, Perle Zafinandro-Fourquet, qui a vécu plus de 20 ans à La Réunion, s’est engagée depuis 2010 auprès des villageois de la région de « Anosy » qui s’estiment spoliés par le trust minier QMM. Faut-il voir dans cet engagement les raisons de l’arrestation et de l’incarcération de Perle et du « noyau dur » de Fagnomba ?
QIT Madagascar Minerals (QMM), détenue à 80% par Rio Tinto et à 20% par l’Etat malgache, exploite l’ilménite de Madagascar, espèce minérale prisée pour sa teneur en bioxyde de titane de 60% — utilisée pour la fabrication de peinture —, qui lui confère une qualité supérieure à celle de la plupart des autres gisements dans le monde.
Cachée pendant deux mois
L’association Fagnomba réclame « le droit à une indemnisation décente des propriétaires expulsés de leurs terres pour le besoin de cette firme (beaucoup n’ont jamais été payés) ». Elle lutte par ailleurs pour « la protection de l’environnement malmené durement (les poissons disparaissent depuis l’installation d’un barrage...) ».
Au début de l’année, les actions menées par Fagnomba (barrages de routes, manifestations) ont été réprimées par l’armée appelée en renfort. Dans le même temps, les membres actifs de Fagnomba, et particulièrement sa porte-parole Perle, ont été la cible de menaces de mort. Craignant pour sa vie, Perle Zafindro-Fourquet est alors entrée en « clandestinité », cachée pendant deux mois dans divers endroits, jusqu’à son arrestation, le 11 mars et son incarcération le 12 mars.
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Perle entourée de sa famille.
Dans une lettre adressée ce jour au Ministre des Outremer, Victorin Lurel — actuellement à La Réunion — la soeur de Perle, Olga Zafinandro précise : « ma sœur a été accusée à tort d’avoir porté atteinte à une infrastructure électorale de la collectivité malgache : la CENIT. Alors que rien ne peut étayer, de la moindre manière que ce soit, cette affirmation, ma sœur, mère de quatre enfants dont deux sont encore mineurs (9 et 11 ans), a été jetée en prison ainsi qu’une quinzaine de membres de l’association « Fagnomba » dont six sont aujourd’hui toujours incarcérés. »
Sur les cinq continents
Le groupe minier multinational anglo-australien, Rio Tinto, est présent dans une cinquantaine de pays et sur les cinq continents. Réputée pour être l’un des leaders mondiaux dans le domaine de l’exploitation minière, Rio Tinto a soulevé plus d’une fois des mouvements de contestation au sein des populations, dans les régions où elle a implanté ses filiales.
Ainsi, il y a quelques mois, au Paraguay, une campagne sur le thème « Non au coup de Rio Tinto » a été lancée, suivie d’une pétition qui a recueilli 25.000 signatures. Selon le site « IndustriALL Global Union », « le jeudi 20 décembre, (…), une manifestation a eu lieu devant le ministère du Commerce et de l’Industrie pour protester contre la construction prévue du haut-fourneau, en raison de son impact sur l’environnement et parce que Rio Tinto a enfreint tout au long de son histoire la législation sur le travail et les syndicats ».
« Vous venez de réveiller un géant »
En 2012, Rio Tinto avait aussi été pointée du doigt notamment par la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie qui reprochait au Comité International olympique que les métaux nécessaires à la fabrication des médailles décernées aux athlètes soient fournis par Rio Tinto. « La multinationale Rio Tinto exploite les mines d’or utilisé dans la fabrication des médailles olympiques et se fiche des critères environnementaux et sociaux », déclarait alors Jyrki Raina, secrétaire général de la Fédération, en manifestant devant le siège du Comité international olympique. Cette action symbolique venait en écho à l’élan international de contestation provoqué par la situation de près d’un millier d’employés de Rio Tinto au Québec. Ce conflit social avait suscité la colère et la solidarité des syndicalistes à travers plus d’une dizaine de pays. « Merci Rio Tinto, vous venez de réveiller un géant », avait alors déclaré un des porte-parole de la contestation...
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Construction d’infrastructures pour l’exploitation d’Ilménité à Fort-Dauphin.
L’ambulance de QMM
L’installation de cette industrie minière à Fort-Dauphin s’est accompagnée d’un certain nombre de transformations dans la région — dont l’impact environnemental est source de controverses — : l’approvisionnement en électricité de la ville dépend de la société minière ; un nouveau port moderne en eaux profondes a été construit non loin, à Ehoala, financé « à hauteur de 110 millions de dollars US par Rio Tinto tandis que le Gouvernement a décaissé 35 millions de dollars à travers le Projet « Pôles Intégrés de Croissance » de l’Anosy en utilisant les fonds de la Banque Mondiale  ». Par ailleurs, Rio Tinto soigne son image : financement de clubs de foot, attribution de bourses d’études supérieures pour des étudiants, intervention de l’ambulance de QMM lorsque celle de l’hôpital est en panne [1], etc.
Consciente que sa réputation en matière de respect de l’environnement est pour le moins cible d’attaques multiples, Rio Tinto a marqué l’opinion en faisant appel à l’expertise d’un célèbre écologiste britannique, Tom Burke, réputé avoir, il y a une trentaine d’années, participé à des manifestations « anti Rio Tinto » dans le cadre du projet d’exploitation de cuivre dans un parc national au pays de Galles — projet d’ailleurs abandonné alors. Passé de l’autre côté, Tom Burke est notamment intervenu pour le compte de Rio Tinto afin de défendre le programme QMM à Fort-Dauphin. Un article publié en 2004 sur le site courrierinternational.com met le doigt sur les divergences entre Tom Burke et ses « anciens amis » : « M. Burke fait valoir la croissance économique que le site engendrerait, mais ses anciens amis, eux, soulignent la destruction du mode de vie de villageois majoritairement analphabètes qui tirent leur subsistance de la forêt et de la mer ».
Les « impacts résiduels inévitables »
En engageant le combat contre QMM/Rio Tinto, Fagnomba s’est attaquée à un géant de l’industrie mondiale, soutenu de surcroît par l’UICN [2] qui l’accompagne pour adapter sa politique industrielle aux exigences de protection de l’environnement, démarche qui permet à Rio Tinto de se bâtir une réputation d’entreprise soucieuse de développement durable et de protection de l’environnement. Sur le site de l’UICN, on peut lire un article de décembre 2011 qui précise que Rio Tinto a « récemment » commandé un rapport à l’UICN pour « évaluer les avantages de la préservation de la biodiversité de la forêt Tsitongambarika à Madagascar et examiner les coûts engendrés par sa conservation ». On apprend ainsi que la société — Rio Tinto —, en collaboration avec certains de ses partenaires biodiversité, « explore les possibilités de conservation pour compenser les impacts résiduels inévitables de ses opérations minières dans la région ».
Création d’un comité de soutien
Qui pourra alors nier la réalité « des impacts résiduels inévitables de ses opérations minières dans la région » ? Et comment mesurer les effets réels des actions censées compenser voire gommer les « impacts résiduels inévitables » ?
La tenue prochaine des élections présidentielles à Madagascar, coorganisées par l’Union européenne, va certainement avoir des répercussions sur le traitement de cette affaire. La question est de savoir si cela va bénéficier aux membres de Fagnomba et leur permettre de recouvrer la liberté. La famille et les proches de Perle Zafinandro-Fourquet viennent de créer un comité de soutien et d’adresser une lettre au Ministre des Outremer « afin que cette situation insoutenable trouve au plus vite une issue favorable ».
7 Lames la Mer

Lettre à Victorin Lurel
Monsieur le Ministre des Outremer,
Je me permets d’attirer votre attention sur la situation dramatique dans laquelle se trouve ma sœur, Perle Zafinandro-Fourquet, citoyenne française et malgache, arbitrairement emprisonnée depuis le 12 mars, à Fort-Dauphin (Madagascar).
Son seul « crime » est d’avoir, depuis deux ans, au sein de l’association « Fagnomba » (Entraide), mené une lutte auprès de la population de « Anosy » (à Fort-Dauphin), contre les expropriations, directes ou déguisées, pratiquées par le trust minier « QIT Madagascar Minerals » (QMM), implanté dans la région et détenu à 80% par « Rio Tinto ». Cette multinationale s’emploie en effet à extraire de l’Ilménite — minerai utilisé dans le processus de fabrication de peintures — à des conditions extrêmement défavorables aux habitants de la région. 
Mettant à profit la confusion et les troubles provoqués par un processus électoral dont vous connaissez la complexité, ma sœur Perle a été accusée à tort d’avoir porté atteinte à une infrastructure électorale de la collectivité malgache : la CENIT (Commission électorale nationale indépendante de transition). Alors que rien ne peut étayer, de la moindre manière que ce soit, cette affirmation, ma sœur, mère de quatre enfants dont deux sont encore mineurs (9 et 11 ans), a été jetée en prison ainsi que quinze membres de l’association « Fagnomba » dont six sont aujourd’hui toujours incarcérés.
Le régime carcéral qui est appliqué à ma sœur comporte des risques quotidiens pour sa vie, sa santé et son équilibre psychologique. 
Aux conditions déplorables et violentes qui caractérisent les prisons malgaches, s’ajoute une série de pressions, d’intimidations et de restrictions, portant notamment sur l’alimentation de la détenue. 
N’ayant pu pour l’instant bénéficier de l’aide ou de l’appui des autorités françaises, je me permets de vous demander, Monsieur le Ministre, de bien vouloir faire connaître et porter la juste cause de la libération de ma sœur, Perle Zafinandro-Fourquet, et de ses codétenus, membres de « Fagnomba ». Je m’en remets à vous et à votre humanisme avec l’espoir d’être entendue et que cette situation insoutenable trouve au plus vite une issue favorable.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.
Olga Zafinandro
Pour signer la pétition, cliquer ici.
7 Lames la Mer
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Perle Zafinandro-Fourquet
L’interview de Perle Zafinandro-Fourquet par Enquête Prod (2012)
Je veux ma part de Terre - Teaser 1 by EnQueteProd
Extrait du documentaire « Je veux ma part de terre » réalisé parhttp://www.enqueteprod.com/
• Lire aussi :
- « Perle Zafinandro Fourquet, Une franco-malgache emprisonnée à Fort Dauphin »
- « Madagascar, Fort Dauphin : 16 membres de Fagnomba toujours en prison »
- « Madagascar, Fort Dauphin (suite), Liberté refusée pour Perle Zafinandro Fourquet »
- « Madagascar, Fort Dauphin (suite), Une pétition pour libérer Perle »
- « Madagascar : contre le pillage des mines (suite), Perle, emprisonnée depuis 27 jours »
- « Fort-Dauphin : en prison depuis 30 jours, « Libérez Perle » »
- « Emprisonnée depuis 40 jours, Nouveaux soutiens à Perle Zafinandro-Fourquet »

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A bientôt.
René

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