mardi 29 décembre 2020

 

Le dioxyde de titane est finalement interdit des produits alimentaires

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Confiseries et gâteaux suspectés de contenir des nanoparticules
Crédit : Agir pour l'Environnement - Licence : CC BY

source : Notre Planete.info

Un bonbon ou un sort ? Il semblerait que la question ne se pose plus pour les petits monstres d'Halloween - célèbre fête folklorique et païenne traditionnelle originaire des Iles Anglos-Celtes - venant réclamer des friandises en frappant aux portes voisines. Une enquête menée par l'association Agir pour l'Environnement démontre que le mauvais sort est en fait inclus dans certaines confiseries, qui contiennent des nanoparticules dont les effets sur la santé ne seraient pas anodins...

Une centaine de sortes de bonbons au banc des accusés

On le sait, les bonbons n'ont jamais été très sains pour l'organisme (trop de sucre, gélatine de porc, trop d'additifs alimentaires douteux...). Mais lorsqu'ils contiennent des nanoparticules, c'est encore pire.

D'après l'enquête réalisée par l'association Agir pour l'Environnement, une grande quantité de confiseries destinées aux enfants contiendrait des additifs alimentaires susceptibles de contenir des nanoparticules, majoritairement le dioxyde de titane (colorant alimentaire E171), mais aussi des Hydroxydes de fer (E172) et du dioxyde de silicium (E551).

Plus de 300 produits ont ainsi été identifiés par l'association dans une quinzaine d'enseignes de supermarchés. Au banc des produits alimentaires suspectés de contenir des nanoparticules :

  • bonbons : Hema, Little Extra, Netto, Elodie, Fizzy...
  • chewing-gum : Airwaves, Hollywood, Freedent, Malabar, Dietaroma...
  • confiseries : M&M's[1], Skittles...
  • gâteaux : LU, biscuits Delacre "Tea Time"...
  • chocolats : Milka...
  • café : dosettes Cappuccino, Tassimo...
  • décorations gâteaux : Vahiné...
  • assaisonnements : Ducros, Cigalou, Bouton d'Or, sauce Bénédicta...
  • Plats préparés...
Agir pour l'Environnement propose une liste des produits alimentaires qui contiennent ou pourraient contenir des nanoparticules. A découvrir rapidement pour cibler ses achats !

Les risques liés à l'utilisation des nanoparticules

Les nanoparticules, également appelées particules ultrafines, sont des molécules de taille nanométrique, c'est-à-dire entre 1 et 100 nanomètres, approximativement 1/50 000 de l'épaisseur d'un cheveu humain ! Selon l'INRS, "le passage de la matière à des dimensions nanométriques fait apparaître des propriétés inattendues et souvent totalement différentes de celles des mêmes matériaux à l'échelle micro ou macroscopique, notamment en terme de résistance mécanique, de réactivité chimique, de conductivité électrique et de fluorescence."

C'est pourquoi, les nanoparticules, fabriquées depuis environ 25 ans, ont envahi notre quotidien. On les retrouve dans des domaines aussi divers que l'électronique, l'énergie, le textile, la construction, les cosmétiques, les produits pharmaceutiques et même l'alimentation !

Si les nanoparticules possèdent des propriétés physiques et chimiques remarquables, elles peuvent faire courir des risques pour la santé des professionnels qui y sont exposés mais aussi de ceux qui les ingèrent ou les respirent. En effet, plus fines que les cellules du corps humain, elles pénètrent sans difficulté dans le cerveau, les reins, les intestins, s'y logent et peuvent s'y accumuler. De plus, l'impact des nanoparticules sur l'environnement est également loin d'être neutre, car leur petite taille empêche la filtration dans l'eau ou dans l'air, où elles se répandent librement.

Malheureusement, on ne mesure pas encore ni la nature ni l'ampleur de ces risques, car l'usage des nanomatériaux ne date que des années 1990, comme le rappelle Novethic : "L'évaluation des risques liés aux nanotechnologies a du retard. Et si les experts sont unanimes sur la nécessité d'augmenter les recherches, l'ampleur de la tâche est titanesque. Des centaines de nanomatériaux différents sont déjà sur le marché français."

Dans le domaine alimentaire, la législation sur l'usage des nanoparticules reste insuffisante.

En France, depuis la loi Grenelle 2 de 2013, les fabricants, ainsi que les importateurs et les distributeurs doivent déclarer tous les ans les quantités et les usages des nanoparticules qu'ils utilisent auprès de l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire).

Pourtant, l'association Agir pour l'Environnement dénonce encore de nombreuses infractions à la réglementation sur l'étiquetage : malgré le règlement européen INCO 1169/2011, de nombreux fabricants occultent encore la mention "nano" dans la liste des ingrédients qu'ils utilisent.

En France, un arrêté du 5 mai 2017 impose aux industriels de l’agroalimentaire d’informer le consommateur sur la présence de substances sous forme nano particulaires. Malheureusement, cet étiquetage (via la mention "[nano]") ne sera obligatoire que lorsque la teneur en nanoparticule est supérieure à 10 %, conformément aux recommandations des autorités sanitaires européennes.

Janvier 2018 : UFC-Que Choisir dépose plainte pour non respect de la législation

Cette entorse à la loi est également considérée comme "inacceptable" par l'UFC-Que Choisir : "alors que la réglementation oblige les fabricants à faire figurer clairement la mention [nano] sur l’emballage dans la liste des ingrédients, nous avons procédé à l’analyse de 16 produits alimentaires et cosmétiques de consommation courante pour vérifier la présence ou non de nanoparticules: dioxyde de titane, de silicium, oxyde de fer et de zinc et noir de carbone, et le cas échéant leur signalement sur l’emballage. 100 % des produits analysés contiennent des nanoparticules, MAIS (...) 8 aliments et cosmétiques analysés sur 10 contenant des nanoparticules ne le signalent pas !".
Résultat : le 23 janvier 2018, UFC-Que Choisir à déposé 9 plaintes contre des fabricants de produits alimentaires et de cosmétiques pour non-respect de l’obligation légale de signalement sur l'emballage.

Et pour cause : la DGCCRF a présenté, le 10 novembre 2017, au cours des Etats généraux de l'alimentation, un premier bilan de ses contrôles dans les denrées alimentaires. Sur 40 analyses de produits cosmétiques, 35 ont révélé la présence de nanoparticules. De même, la présence de nanoparticules a été détectée dans 29 des 74 analyses de produits alimentaires effectuées. Mais, un seul produit mentionnait, sur son étiquetage, la présence de tous les nanomatériaux identifiés !

Le dioxyde de titane en question

Le dioxyde de titane (ou TiO2 ou CI77891 ou E171) est composé de titane et d'oxygène. Il a différentes propriétés intéressantes pour les matériaux (auto-nettoyant), les cosmétiques comme les crèmes solaires (absorbe les rayons UV), les dentifrices (blanchiment), les médicaments et pour l'alimentation en tant que pigment alimentaire blanc (colorant E171) qu'on trouve dans diverses confiseries, sauces, pâtisseries, etc.

Malgré son usage répandu, l'innocuité du dioxyde de titane est de plus en plus controversée et les études sur la question restent insuffisantes et contradictoires : "les études de toxicité des nanoparticules par voie orale sont limitées, bien plus que celles portant sur la toxicité par inhalation. L'une des raisons en est la difficulté de les suivre dans les aliments en cours de digestion et dans l'organisme. " note l'Anses dans son rapport de 2015 : "Nanomatériaux et santé - Comprendre où en est la recherche.

Cependant, "quelques travaux ont été menés sur le dioxyde de titane ingéré. Ils donnent des indications sur le fait que les nanoparticules peuvent franchir la barrière de l'intestin et atteindre d'autres organes. Ce défaut de barrière pourrait non seulement favoriser la pénétration des nanoparticules vers l'organisme, mais aussi l'inflammation propice au développement de la carcinogenèse si l'effet s'avérait chronique." ajoute le rapport de l'Anses. Le projet NanoGut, en cours, devrait répondre à ces questions importantes pour notre santé.

En attendant, l'Anses a préconisé en 2014 un classement des nanoparticules de dioxyde de titane comme substances dangereuses afin de permettre des mesures de restriction. D'autant plus que le Centre International de Recherches sur le Cancer (CIRC) classe depuis 2010 le dioxyde de titane dans la liste des éléments potentiellement cancérogènes pour l'Homme, par inhalation.
En outre, le 15 avril 2019, l'Anses a réitéré ses recommandations "visant à limiter l’exposition des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement dans le cadre d’une approche graduelle, notamment en favorisant des produits sûrs et équivalents en termes de fonction et d’efficacité, dépourvus de nanomatériaux."

Pour la première fois, une étude de l'Inra publiée le 20 janvier 2017 dans Scientific Reports montre les conséquences sur la santé de l'animal d'une exposition orale au E171 : celui-ci "pénètre la paroi de l’intestin et se retrouve dans l’organisme". Les conséquences sont inquiétantes:

  • troubles du système immunitaire ;
  • lésions prénéoplasiques dans le côlon, un stade non malin de la cancérogenèse, chez 40% des animaux exposés ;
  • accélération du développement de lésions induites expérimentalement avant exposition.

Si l'étude se garde bien d'extrapoler à l'Homme, "ces résultats témoignent d’un effet initiateur et promoteur des stades précoces de la cancérogenèse colorectale".

Les enfants : les premiers intoxiqués par les nanoparticules

Des études scientifiques ont montré que les enfants seraient en première ligne : ils ingéreraient deux à quatre fois plus de titane que les adultes du fait de leur consommation de sucreries. En plus d'être particulièrement exposés, les enfants seraient également plus sensiblesque les adultes aux effets du dioxyde de titane à cause de leurs poids plus faible.

C'est pourquoi, l'Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) et l'Agence Française de Sécurité Sanitaire, de l'Environnement et du Travail (AFSSET) conseillent d'éviter les produits - cosmétiques ou alimentaires - contenant du dioxyde de titane chez les enfants en bas âge.

Le dioxyde de titane est finalement interdit depuis le 1er janvier 2020

Suite aux alertes de la société civile, fin août 2017, le gouvernement français a rappelé aux industriels leurs obligations de transparence et d'étiquetage sur la présence de nanomatériaux manufacturés dans les produits de consommation.

De plus, le gouvernement français a demandé en février 2018 à la Commission européenne de suspendre l’utilisation du dioxyde de titane et de réévaluer ses impacts. L'agence européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) avait alors été saisie, mais son avis rendu fin juin 2018 sur la base de 4 études scientifiques, a conclu à de grandes incertitudes qui ne méritaient pas un nouvel avis sur la question...

L'article 53 de la loi agriculture et alimentation débattue et votée le 28 mai 2018 avait confirmé la suspension de l'additif de dioxyde de titane E171 ainsi que les denrées alimentaires en contenant.

Après des propos contradictoires, le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Lemaire s'est finalement engagé le 11 janvier 2019 à interdire le dioxyde de titane.
À compter du 1er janvier 2020, suite à un arrêté conjoint des ministres de l'Économie et des Finances et de la Transition écologique et solidaire, le dioxyde de titane (E1741) sera donc interdit dans les denrées alimentaires.

Enfin, aux Etats Unis comme dans l'Union Européenne, le dioxyde de titane est exclu de la filière d'alimentation biologique, vous pouvez donc proposer à vos enfants des bonbons bio qui constituent un substitut intéressant pour les gourmands irréductibles. En outre, certains fabricants de bonbons comme les Smarties contiennent des colorants alimentaires naturels, comme la fameuse spiruline.

Le 23 décembre 2020, l'arrêté reconduisant la suspension du dioxyde de titane (E171) dans l’alimentation pour une durée d’un an a été publié. Pour Agir pour l’Environnement : "Prolonger la suspension du dioxyde dans l’alimentation est une bonne nouvelle mais bien insuffisante. Il faut être logique : cette suspension aurait du être élargie aux dentifrices et aux médicaments. Le dioxyde de titane fait courir des risques graves à la population alors qu’il n’a pas de vraie utilité et peut être facilement substitué".

Pensez-y ! Et merci de ne pas distribuer aux enfants des bonbons dangereux pour leur santé !

Notes

  1. En réponse aux nombreux commentaires Facebook sur la présence de dioxyde de titane dans les M&M's, le groupe Mars répond : "nous avons pris l'engagement et initié la démarche, l'année dernière, de supprimer les colorants artificiels – y compris le E171 – de l’ensemble de nos produits d'alimentation humaine." Cela ne signifie pas qu'il y en a plus mais qu'à moyen terme, les M&M's en seront dépourvus.

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