jeudi 9 mars 2017

Que ce soit Fillon ou Macron, l’Institut Montaigne et AXA sortent vainqueurs et le citoyen plumé, des parcours éclairants

05MAR

François Fillon et Henri de Castries source : histoireetsociete

On sait que Fillon est très étroitement lié à l’institut Montaigne par son ex- président, inspirateur de son programme, Henri de Castries qui est aussi un des PDG d’Axa, la société d’assurance qui a tout à gagner au démantèlement de la sécurité sociale. Hier encore, l’ex patron d’Axa et de l’Institut Montaigne, Henri de Castries maintenait son soutien à Fillon, il déclarait: « Moi je n’ai jamais eu de doutes sur la force de son caractère et la profondeur de sa détermination », indique ce proche de l’ancien Premier ministre.
François Fillon et Henri de Castries se connaissent depuis le milieu des années 1990. Le premier est alors ministre des Télécommunications du gouvernement Balladur ; le second, administrateur de France Télécom, le conseille à propos du projet d’ouverture du capital de l’entreprise publique. Au fil des années, leur amitié prend corps et ne sera jamais démentie. Ils partagent les mêmes valeurs, étant tous les deux catholiques pratiquants, mais aussi semble-t-il un goût pour les profits nés du démantèlement du service public.
Né en 1954 dans une famille de la noblesse, le comte Henri de La Croix de Castries, qui a épousé l’une de ses cousines éloignées, compte dans son arbre généalogique une ribambelle d’aïeux remarquables : des militaires, des ministres, La Fayette, ou encore le marquis de Sade. Mais aussi le vicomte de Noailles, député qui vota en 1789 l’abolition des privilèges dans « un moment d’égarement », plaisante Henri de Castries dans les colonnes du Monde.
Blague sérieuse ou non, Henri de Castries pourrait en tout cas observer l’attitude inverse si François Fillon remporte la présidentielle et s’il venait alors à prendre des responsabilités. Comme ministre de l’Economie et des Finances, poste qui pourrait lui échoir, il se retrouverait alors à porter la suppression de l’impôt sur la fortune – c’est une promesse de campagne du candidat de la droite – alors que lui-même y est assujetti. Il possède notamment un château dans le Maine-et-Loire, dont il ouvre le jardin au public en été, mais aussi un hôtel particulier près du boulevard Saint-Germain, dans les beaux quartiers de Paris, et surtout près de 45 millions d’euros d’action Axa. Un possible conflit d’intérêts, quand on sait que la réforme de la Sécurité sociale proposée par François Fillon envisage de donner plus d’importance aux mutuelles ? « Il existe des solutions simples pour confier la gestion de ces actions à des tiers », assure-t-il.

Dans la même promo que Hollande à l’ENA

Sa réussite, Henri de Castries dit ne la devoir qu’à lui-même. « Mon patrimoine n’est pas un héritage. C’est le fruit de mon travail », plaide-t-il dans Le Figaro. « Riton » – c’est son surnom – a suivi un parcours modèle. Après sa scolarité, de l’école au lycée, à l’établissement privé catholique Saint-Jean-de-Passy, dans le 16e arrondissement de Paris, il fait HEC, puis l’ENA, dans la très célèbre promotion Voltaire, celle des François Hollande, Ségolène Royal, Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet, Dominique de Villepin… Il en sort deuxième de la voie économique, entre dans l’inspection des finances, puis à la direction du Trésor.
Henri de Castries au côté de ses camarades de la promotion Voltaire à l\'ENA.
Henri de Castries au côté de ses camarades de la promotion Voltaire à l’ENA. (REA)
Henri de Castries aurait pu poursuivre une brillante carrière de haut-fonctionnaire, voire se lancer en politique, comme l’y incitait son grand-père. Il restera certes conseiller municipal d’Abitain, un minuscule village des Pyrénées-Atlantiques, pendant dix-huit ans (de 1983 à 2001), mais c’est une autre voie qu’il choisit. En 1989, recruté par le PDG de l’époque, Claude Bébéar, il rejoint la direction d’Axa, qui n’est pas encore le mastodonte de l’assurance qu’on connaît aujourd’hui. Mais dans l’ombre de Bébéar, Henri de Castries va justement jouer un rôle-clé dans l’absorption de l’UAP, alors numéro 1 français du secteur, en 1996. L’opération donne naissance au leader mondial de l’assurance. Quatre ans plus tard, le dauphin devient à son tour PDG.
Le mouvement d'Emmanuel Macron est lié à L'Institut Montaigne.

Le mouvement lancé  par Emmanuel Macron est hébergé au domicile particulier du directeur de l’Institut Montaigne, d’inspiration libérale, a découvert Mediapart.

Mais ce sur quoi il est peu insisté c’est à quel point Axa et l’institut Montaigne ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier puisqu’il y a un an (le 7.04/2016), l’ Express, que l’on ne saurait soupçonner de gauchisme, mettait en évidence les mêmes liens à propos de Macron. Celui qui soutient ce dernier c’est Claude Bebéar. A l’origine du phénomène Macron, il y a la commission Attali qui veut prouver que droite et gauche peuvent s’entendre sur des réformes. C’est dans l’air du temps, Nicolas Sarkozy pratique l’ouverture avec les mêmes. Une décennie s’est presque écoulée, mais de nombreux membres de la commission Attali sont toujours là, autour d’Emmanuel Macron. Pas dans son staff de campagne bien sûr, mais prêts à distiller un avis ou donner un coup de main. Pierre Nanterme, le patron monde d’Accenture, a versé 7 500 euros, « parce qu’Emmanuel Macron n’a pas accès au financement public », précise-t-il. Plus discrètement, Stéphane Boujnah lui a présenté Christian Dargnat, aujourd’hui chargé de la gestion des dons. Et qui sait que Guillaume Liégey, qui a orchestré la campagne de porte-à-porte d’En marche !, était en 2008 l’un des consultants mis à la disposition de Jacques Attali par le cabinet McKinsey ?
Emmanuel Macron n’a pas 30 ans lorsqu’en août 2007 il est bombardé rapporteur adjoint de cette commission. Jacques Attali ne le connaît pas encore, mais il veut des rapporteurs indépendants du pouvoir : il puise dans le vivier du Conseil d’État et de l’inspection générale des Finances, dont Emmanuel Macron assure alors la direction par intérim. Cette commission, l’ancien sherpa de François Mitterrand veut qu’elle marque l’histoire : toutes les réunions sont enregistrées, puis versées aux archives nationales.
En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/week-end/business-story/enquetes/0211727035374-aux-origines-du-phenomene-macron-2060624.php#3yjCmfTQgiC5PfqG.99
La polémique est elle aussi « en marche ». Le mouvement politique lancé le 6 mars par le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, En Marche, n’est peut-être ni de droite ni de gauche. Mais il est très proche de l’idéologie libérale de l’Institut Montaigne, lui-même parfaitement compatible avec les idées du Medef. Découvert par Mediapart, le lien était à chercher dans les mentions légales du site du mouvement (elles ont été modifiées depuis la publication de l’article, mais Mediapart en a conservé une capture d’écran).
En Marche, domicilié chez le directeur de l’Institut Montaigne
Celles-ci faisaient apparaître le nom du directeur de la publication du site, Véronique Bolhuis, et son éditeur, En Marche, association loi 1901 domiciliée au 33 rue Danton, 94270 Kremlin-Bicêtre. Véronique Bolhuis est la compagne de Laurent Bigorgne, le directeur de l’Institut Montaigne, détaille Mediapart. Et l’adresse de l’association est celle du domicile privé du couple.
L’Institut Montaigne est un groupe de réflexion proche des idées du Medef. Durant les dernières années, il s’est notamment positionné pour donner la priorité aux accords d’entreprises sur le code du travail, pour supprimer les allocations logement (APL) pour les étudiants non-boursiers, pour travailler plus sans gagner plusrendre dégressives les indemnités chômage, supprimer la prise en charge du congé parental, et porter l’âge de départ à la retraite à 63 ans. Il a également conceptualisé le « choc de compétitivité » repris à leur compte par Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Communauté de vues sur les « blocages politiques et sociaux »?

Un programme qui pourrait éventuellement se résumer dans ce que le ministre de l’Economie dénonce, dans son clip de lancement, comme les « blocages politiques et sociaux » qui « préservent les privilèges de quelques-uns au détriment de millions d’autres ».
Quant au directeur de l’Institut Montaigne Laurent Bigorgne, il faisait partie, en 2015, de la dizaine de Français invités à participer au très restreint groupe Bilderberg, forum qui passe pour être une version « top secrète » de Davos.
De son côté, le président du Medef Pierre Gattaz a déclaré mercredi sur France inter « bien aimer l’initiative » d’Emmanuel Macron, qu’il juge « rafraîchissante ». Les socialistes, eux, sont plus dubitatifs.

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