mercredi 28 mars 2018

Pétrole : la Russie sera le grand perdant

source : Le Figaro.fr
Pétrole : la Russie sera le grand perdant
La chute des cours du baril et les sanctions occidentales vont entraîner une baisse de la production pétrolière en Russie d'ici 2020 selon l'Agence internationale de l'énergie qui voit les États-Unis en gagnant de la période.
«La Russie est la principale victime de la chute des prix du pétrole». C'est l'un des constats du rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) sur les perspectives du marché pétrolier à l'horizon 2020, publié mardi. Dans l'édition 2014 de ce même rapport, l'Agence basée à Paris prévoyait une hausse de la production d'or noir russe de 200 millions de barils par jour (Mb/j), qui aurait dans ce scénario franchi le seuil de 11 Mb/j dès 2019. Un an plus tard, le paysage pétrolier a été profondément secoué par la chute du cours amorcée en juin dernier. Le baril de Brent, à 58 dollars lundi, a perdu 50 % de sa valeur depuis la mi-juin. Désormais, l'AIE prévoit une baisse de la production en Russie, de 560 Mb/j d'ici 2020 soit environ 5 %.

Effet dévastateur des sanctions

«La baisse du prix du pétrole et l'incapacité d'accéder aux marchés des capitaux à cause des sanctions ont un effet dévastateur», résume Antoine Halff, le responsable des marchés pétroliers à l'AIE. Pour simplement maintenir la production à son niveau actuel, la Russie doit investir des sommes colossales pour compenser l'épuisement naturel de ses champs les plus anciens s'épuisent. Certains se vident au rythme de 14 % par an, note le rapport. Or pour les compagnies pétrolières russes, il devient doublement difficile d'investir: leurs recettes ont fondu avec le prix du baril, et leur accès aux marchés de capitaux s'est restreint à l'instigation de Washington et Bruxelles. A tel point que Rosneft, la plus grande compagnie pétrolière russe, avait réclamé fin 2014 l'aide de l'État à hauteur de 48 milliards de dollars, pour honorer ses dettes auprès de ses créanciers internationaux. Le Kremlin a accordé une ligne de crédit d'urgence de 10 milliards de dollars à Rosneft. Conséquence de cette fragilité financière, «les producteurs russes vont suspendre de grands projets» d'exploitation, et le démarrage de la production de plusieurs champs prévu en 2016 et 2017 devraient être retardés, prévoit l'AIE.
Les sanctions de l'Europe et des États-Unis contre la Russie en représailles à l'annexion de la Crimée et à son soutien aux séparatistes ukrainiens ont précisément été calibrées pour affaiblir son secteur pétrolier. Gazprom, Loukoil et Rosneft sont directement concernés par l'interdiction d'exporter des équipements facilitant l'exploration et l'exploitation en eau profonde, en Arctique ou dans le pétrole de schiste. Les compagnies occidentales ont dû appuyer sur le frein dans leurs partenariats en Russie. Total, tout en ayant réaffirmé la poursuite de ses activités en Russie, a reporté un investissement conjoint avec Loukoil sur du pétrole non conventionnel en Sibérie occidentale. ExxonMobil a gelé sa participation dans deux projets avec Rosneft, l'un pour forer en mer de Kara, dans l'Arctique russe, l'autre pour développer un gisement de pétrole de schiste.

Les Américains plus réactifs

Si la Russie est le grand perdant des cinq prochaines années, selon l'AIE, les États-Unis apparaissent comme les grands gagnants. La production de pétrole de schiste est beaucoup plus réactive que les grands projets conventionnels, aussi bien lorsque les prix baissent que lorsqu'ils montent. En ce début d'année, les dépenses d'investissements pétroliers aux États-Unis ont été sabrés de 25 %. La chute des cours va entraîner un recul de la production des pays non membres de l'Opep d'ici la fin de l'année, prévoit l'AIE. Mais la demande mondiale devrait continuer à croître, malgré le ralentissement économique de la Chine et dès 2016, la production mondiale repartira. Les prix aussi, sans doute, même si l'AIE ne fait pas de pronostics. Les pétroliers américains ont toutes les cartes, financières et techniques, pour réagir rapidement. Et selon l'AIE, la production de pétrole des États-Unis augmentera de 2,2 Mb/j d'ici 2020 - près de 20 %! - pour atteindre le record de 14Mb/j, loin devant les 10,4Mb/j de la Russie à cet horizon.

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