lundi 29 janvier 2018

En quelques années, la conquête du Groenland s’est totalement enlisée.
source : La Tribune de Genève

Matières premièresAprès avoir foré sur toutes les côtes de la gigantesque île, les groupes miniers tardent aujourd’hui à concrétiser leurs nombreux projets.

Les inquiétudes liées à la pollution propre à l’extraction minière sont toujours très fortes dans le pays.
Les inquiétudes liées à la pollution propre à l’extraction minière sont toujours très fortes dans le pays.Image: Keystone

Depuis que les glaces fondent au Groenland et que le permafrost dégèle peu à peu, les pétroliers et autres géants des matières premières n’ont pu s’en empêcher… En quête d’un nouvel eldorado, ils sont venus voir ce qui se trouvait sous ces terres longtemps gelées en permanence.
Inexistantes au début du siècle, les dépenses pour explorer le Groenland ont ainsi explosé durant la décennie suivante pour atteindre les 700 millions de couronnes danoises (110 millions de francs) en 2011. Et là, le résultat semble avoir répondu à toutes leurs attentes. Cuivre, zinc, titane, diamant, or, terres rares ou encore uranium, gaz et pétrole: les sols de cette région du monde regorgent de richesses.
«Les découvertes faites sur les côtes sont très probablement représentatives de ce qu’il sera possible de trouver à l’intérieur des terres, pour autant que l’on puisse vraiment y avoir accès un jour»
Cette liste est d’autant plus impressionnante qu’elle ne concerne qu’une infime partie du Groenland, puisque sur les quelque 2,2 millions de km2 que compte l’île, moins d’un quart est actuellement accessible aux explorateurs des groupes miniers. «Les découvertes faites sur les côtes sont très probablement représentatives de ce qu’il sera possible de trouver à l’intérieur des terres, pour autant que l’on puisse vraiment y avoir accès un jour», suppose Lluis Fontboté, professeur au Département des sciences de la Terre de l’Université de Genève. Ce dernier tient toutefois à nuancer «l’aspect eldorado» du Groenland: «Il n’y a pour le moment aucune raison de penser que cette île détienne plus de ressources minérales que le Canada, par exemple», estime l’universitaire.
Dans le Nord de l’Amérique, les terres canadiennes sont effectivement très riches en matières premières. Le pays détient ainsi de vastes réserves de charbon, de gaz naturel, de sables bitumineux et de pétrole. En plus d’être le deuxième producteur de diamant au monde, le Canada exploite également des mines d’or, de zinc, d’uranium, de nickel ou encore de plomb.
Projets paralysés
Mais quelles que soient les ressources réelles encore cachées sous les glaces du Groenland, celles aujourd’hui accessibles ont, dans un premier temps, suscité les convoitises des grands groupes, à tel point qu’en 2011, Jorn Skov Nielsen, le directeur du Bureau des ressources minières du Groenland, décrivait son pays comme «un futur émirat au nord du monde».
Politiquement, cette province autonome du Danemark a surtout vu dans cette manne potentielle l’opportunité de devenir un pays indépendant. Mais c’était sans compter la volatilité des prix des matières premières. La crise économique démarrée en 2008-2009 finit par avoir des conséquences sur la demande, entraînant une chute globale des prix.
«L’industrie minière est effectivement au point mort, sans réelles perspectives d’un retour en force»
Logiquement, l’enthousiasme des compagnies minières et des investisseurs s’est éteint au fur et à mesure de la baisse des prix. Les nombreux projets se sont ainsi retrouvés gelés les uns après les autres. «L’industrie minière est effectivement au point mort, sans réelles perspectives d’un retour en force», se réjouit le chercheur indépendant et spécialiste des questions éthiques et sociales Niels Henrik Hooge. Pour ce dernier, la principale source d’inquiétude concerne actuellement l’extraction des gigantesques réserves d’uranium découvertes au Groenland.
Formellement légale depuis 2013, l’extraction de cette matière radioactive fait actuellement face à de fortes résistances. «Alors que la mine sera peut-être active pendant un siècle, la pollution qu’elle engendrera persistera durant des centaines de milliers d’années», s’alarmait dans les pages du mensuel français Alternative économique Kalistat Lund, l’ancien maire d’un petit village adjacent à ce qui pourrait devenir l’une des plus grandes mines d’uranium du pays.
Tourisme et pêche
Même en cas de reprise marquée et générale sur les marchés des matières premières, les inquiétudes liées à la pollution propre à l’extraction minière sont toujours très fortes dans le pays et devraient continuer de mettre certaines barrières à la conquête de l’eldorado groenlandais.
Que ce soit pour la pêche, principale ressource du pays, ou le tourisme, terreau fertile de croissance au fur et à mesure que la température monte, le Groenland ne pourra en effet se permettre de prendre trop de risques avec son environnement. (TDG)
Créé: 28.01.2018, 20h56

Aucun commentaire: