mardi 29 novembre 2016

La facture de Fukushima explose et les contribuables paieront

29 novembre 2016 Laure Hänggi (Reporterre) 

  

    
Le gouvernement japonais a revu à la hausse, et ce pour la troisième fois depuis 2011, le coût de la catastrophe de Fukushima, désormais chiffré à 170 milliards d’euros. C’est quatre fois plus que le montant annoncé au lendemain de la catastrophe.
Mais jusqu’où grimpera la facture de la catastrophe nucléaire de Fukushima ? Le gouvernement japonais a une nouvelle fois réévalué à la hausse son coût, annonçant un montant de 170 milliards d’euros (20.000 milliards de yens), a rapporté le quotidien économique japonais Nikkei, dimanche 27 novembre. Un chiffre salé, bien loin des précédentes estimations : 42 milliards d’euros en 2012, puis 92 milliards d’euros en 2013.
Pour Yûki Takahata, cofondatrice du réseau Yosomono-net, un collectif français créé au lendemain de la catastrophe de Fukushima et visant à rassembler des ressortissants japonais pour proposer des initiatives de transition énergétique, cette annonce n’est pas surprenante : « Ça ne m’étonne pas du tout. C’est partout pareil, quand on présente des coûts, on a tendance à les minimiser pour ne pas effrayer la population. Depuis le départ, il y a eu un déni de la part du gouvernement japonais. Je pense qu’en réalité, le coût de l’accident est bien plus élevé que ce que les autorités disent. »
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Les unités 1 et 2 de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi et un employé de l’entreprise japonaise Tepco, en avril 2013.
Un avis partagé par le quotidien Nikkei, qui met en avant le manque d’anticipation du gouvernement japonais à deux niveaux pour expliquer cette nouvelle estimation à la hausse : l’augmentation constante du nombre de personnes éligibles à la réception de dommages et intérêts, mais aussi une sous-estimation de l’ampleur du travail de décontamination de la centrale.
Sur le sujet, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Évalués à 5,4 milliards d’euros au lendemain de la catastrophe, les frais d’indemnisation sont désormais chiffrés à 67 milliards d’euros. Quant à ceux de décontamination, ils ont doublé depuis 2013 et pourraient atteindre plus de 40 milliards d’euros.

« Les gens vont devoir payer leur propre indemnisation » 

Déjà, en octobre dernier, le ministère de l’Industrie japonais avait déclaré que le devis de 17 milliards d’euros pour démanteler la centrale de Fukushima Daiichi ne serait pas respecté. Les experts n’avaient alors même pas osé avancer un autre chiffre, évoquant seulement des coûts annuels de plusieurs milliards d’euros, alors que le chantier doit durer entre 30 et 40 ans…
Des montants qui donnent le tournis et qui posent la question de leur financement. Selon le journal Nikkei, qui cite des sources proches du dossier, une partie de cette augmentation de la facture de Fukushima devrait être financée par une hausse du prix de l’électricité. « Une augmentation de la charge publique est inévitable », affirme d’ailleurs le quotidien. Le contribuable devrait donc mettre la main à la poche.
« Les gens vont devoir payer leur propre indemnisation », s’insurge Yûki Takahata, qui réfute l’argument selon lequel Tepco, l’entreprise en charge de la centrale, ne pourrait gérer seule ces dépenses. « L’État a aidé Tepco après la catastrophe, il a fait comme s’il l’avait nationalisée, mais, en fait, l’entreprise est restée indépendante et elle choisit toujours ses dirigeants. Seuls quelques-uns ont été mis en examen. C’est une escroquerie. Aujourd’hui, l’entreprise n’est plus du tout déficitaire, elle a survécu, aux frais du contribuable. » Le ministère du Commerce, lui, est resté silencieux sur la question.
Pourtant, pour la militante, la question n’est pas tant celle du montant de la facture — « c’est tellement énorme, c’est dur de se rendre compte si le montant est justifié » —, mais plutôt celle de la destination de cet argent. « L’argent a été mal utilisé. Au lieu de s’en servir pour bien indemniser les victimes, le gouvernement a financé des décontaminations inutiles alors que, en définitive aujourd’hui, la contamination n’est toujours pas maîtrisée. »

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