mercredi 20 mars 2019


Les pollueurs doivent être condamnés à la hauteur des dégâts environnementaux générés
Parti de Hambourg pour normalement rejoindre Casablanca, le navire de l’armateur italien Grimaldi transportait 2200 tonnes de fuel lourd de propulsion, 365 conteneurs, dont 45 répertoriés comme transportant des matières dangereuses et 2000 véhicules.

19 mars 2019 - Laurie Debove source : La Relève et la Peste


Après le naufrage du Grande America le 12 mars, les autorités ont maintenant les yeux rivés sur la progression des nappes de fioul lourd qui s’en échappent et devraient bientôt frapper les côtes françaises. L’ONG Surfrider Europe nous alerte sur une une pollution tout aussi grave et trop souvent ignorée : celle des produits toxiques des conteneurs qui reposent désormais au fond des océans. 
Une pollution tout aussi dangereuse que celle provoquée par le naufrage d’Erika
Le Grande America a coulé le 12 mars à 333km à l’ouest de La Rochelle, après deux jours d’un violent incendie qui s’était répandu sur ce navire de 214 mètres de long. Les 27 personnes à bord ont pu être évacuées rapidementmais les conditions météorologiques très difficiles (mer forte et rafales de vent de 90 à 100km/h) ont compliqué la mise en place des barrages anti-pollution, déployés depuis le début de cette semaine seulement.
Parti de Hambourg pour normalement rejoindre Casablanca, le navire de l’armateur italien Grimaldi transportait 2200 tonnes de fuel lourd de propulsion, 365 conteneurs, dont 45 répertoriés comme transportant des matières dangereuses et 2000 véhicules.

A Brest, une enquête pour pollution accidentelle a été ouverte. L’ONG Surfrider Foundation Europe, qui lutte contre la pollution en mer et œuvre pour la protection du milieu marin, a décidé de se constituer partie civile dans le cadre des poursuites engagées par le parquet « afin de s’assurer que les pollueurs soient condamnés à la hauteur des dégâts environnementaux générés pour l’océan, sa biodiversité, et les côtes. »
« Nous comparons ce naufrage a celui du navire Erika car il y a une similarité sur l’ampleur de la pollution globale. En plus du fioul (2200 tonnes de fioul lourd), ce sont 365 conteneurs qui ont coulé ou sont tombés à la mer, dont 45 comportaient des matières dangereuses (100 tonnes d’acide chlorhydrique et 70 tonnes d’acide sulfurique). En termes de pollution et d’impact environnemental, ce sont des matières extrêmement polluantes qui peuvent être encore plus nocives que du fioul lourd, on est sur une catastrophe écologique. A plus de 4000m de fond, quelle pression va être exercée sur les conteneurs, est-ce qu’ils vont s’ouvrir ? Le pire scénario serait que les déchets des conteneurs se mêlent aux nappes de pétrole. » Antidia Citores, Responsable du Transport Maritime et porte-parole de Surfrider Foundation Europe
L’enquête menée par le Parquet doit notamment permettre de déterminer les circonstances exactes de l’incendie pour savoir si les responsabilités de l’armateur ou du capitaine du navire sont engagées. Construit en 1997,leGrande Americaest l’exemple type d’un bateau vétuste qui pourrait avoir été mal entretenu : il avait été retenu en 2010 au Royaume-Uni pour une série de déficiences techniques puis pointé pour plusieurs problèmes techniques dont l’un concernant les normes incendies.

Renforcer la législation européenne sur les navires transportant des produits dangereux
En plus de se constituer partie civile sur l’enquête du parquet, l’ONG Surfrider Foundation Europe lance une pétition pour renforcer la législation du transport maritime dans les eaux européennes. A ce jour, les armateurs ou capitaines des bateaux ne sont soumis à aucune obligation légale de déclarer les conteneurs perdus en pleine mer : il n’existe donc aucun document officiel répertoriant les conteneurs et ce qu’ils renferment. Pour en savoir plus, Surfrider Foundation Europe a mené une grande enquête : entre 1994 et 2018, l’ONG de protection des océans a répertorié et tracé plus de 16 000 conteneurs perdus en mer, dont à peine 2 % ont pu être récupérés.

« D’un conteneur vide à des produits radioactifs, tout est possible sur le type de conteneurs qui sont perdus chaque année dans l’océan. Lorsqu’un navire déclare qu’il a perdu des conteneurs, il n’est pas obligé de préciser le nombre exact et peut indiquer avoir égaré « quelques conteneurs » sans préciser si c’est 3, 10 ou 15 ! Pour ne pas qu’on nous accuse de gonfler les chiffres, nous avons donc pris une fourchette très basse, à savoir deux conteneurs, mais nous sommes sûrs d’être en-dessous du nombre réel de conteneurs égarés dans la nature. » Antidia Citores, Responsable du Transport Maritime et porte-parole de Surfrider Foundation Europe

SurfriderEurope demande aujourd’hui aux autoritéspubliques européennes et internationales:
  • Le renforcement de la réglementation internationale en matière de transport maritime lié à la perte de conteneurs
  • L’arrêt de l’utilisation de fuel lourd pour la propulsion des navireset favoriser l’utilisation du GNL (Gaz Naturel Liquéfié) ou à voile (comme le projet Neoline)
  • Plus de transparence sur la perte de conteneurs en mer et l’instauration d’un système de déclaration de perte.
  • Plus de contrôles sur la qualité des navires et interdire la navigation des navires vétustes pour éviter les catastrophes écologiques comme celle de l’Erikail y a 20 ans et du Grande Americaaujourd’hui.
Surfrider Europe remettra la pétition aux représentants des États du monde entier lors de la prochaine réunion de l’Organisation Maritime Internationale qui se tiendra du 13 au 17 mai prochain. Tout comme le naufrage Erika avait permis la création de packs législatifs du même nom, qui ont par exemple interdit les navires transporteurs à simple coque, l’ONG Surfrider Europe aimerait qu’un « pack Grande America » soit créé pour régler le problème des conteneurs et mieux protéger l’environnement. L’ONG va également porter ce sujet dans des groupes de travail européen.

En 2016, des milliers de bidons de lessive Vanish rose fluo s’étaient ainsi échoués sur une plage de Cornouailles en Angleterre suite à la perte d’un conteneur en pleine mer des mois auparavant. En plus de la pollution plastique, les produits détergents toxiques composant la lessive ont causé une pollution chimique mal évaluée dans l’environnement.
Cet épisode, tout comme le naufrage du Grande America, pose la question de la provenance des produits que nous utilisons. Moins consommer, éviter les produits chimiques, privilégier les circuits courts, sont autant de gestes que chacun peut mettre en œuvre au quotidien pour aider à diminuer ces phénomènes. Surfrider Europe travaille également à la création de labels afin d’avoir une meilleure traçabilité des marchandises et du caractère vertueux, ou non, de leur mode de transport.
Le transport maritime représente aujourd’hui 90 % du transport mondial des marchandises. Les pouvoirs publics doivent donc agir pour mieux réguler ce secteur.

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