lundi 4 mars 2019

Les schistes bitumineux ne sont toujours pas rentables. Par Nick Cunningham

  1.mars.2019 // Les Crises
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Source : Wolf Street, Nick Cunningham, 15-08-2018
Cette fois, c’était censé être différent.
Par Nick Cunningham, Oilprice.com
Cette fois, c’était censé être différent. Cette année était censée être celle où l’industrie américaine des schistes bitimineux allait prouver qu’après des années de vaches maigres, ses investisseurs commenceraient enfin à encaisser de forts dividendes suite à d’importants bénéfices.
L’Agence internationale de l’énergie a déclaré il y a quelques semaines que 2018 s’annonçait comme un tournant. « La hausse des prix et les améliorations en matière d’exploitation mettent le secteur américain des schistes bitumineux sur la bonne voie pour atteindre bilan positif en 2018 pour la première fois de son histoire », a déclaré l’AIE.
L’industrie avait réussi à réduire ses coûts à un point tel qu’elle pouvait réaliser un bénéfice – c’est ce qu’on pense – même si les prix du pétrole s’établissaient à environ 50 $ le baril. La hausse des prix du pétrole au cours de la dernière année était censée être un bonus inattendu qui aurait définitivement assuré la rentabilité du secteur.
Mais un nouveau rapport du Wall Street Journal révèle que l’industrie des schistes bitumineux est encore une fois à la traîne. En utilisant les données de FactSet, le WSJ [The Wall Street Journal] a constaté qu’environ 50 grands producteurs de pétrole américains ont dépensé au deuxième trimestre 2 milliards de dollars de plus qu’ils n’en ont gagné. Bien que les foreurs aient réussi à réduire les coûts pendant le ralentissement du marché pétrolier qui a commencé en 2014, ces gains d’efficacité ont été largement épuisés.
De plus, depuis le début de l’année dernière, une nouvelle frénésie de forage, particulièrement dans le Bassin Permien, a entraîné une remontée des coûts. De nombreux cadres du secteur avaient indiqué que les réductions de coûts étaient structurelles, qu’elles étaient verrouillées et qu’elles ne s’inverseraient pas. Mais cela semble aujourd’hui trop optimiste.
Les données financières « se sont améliorées, mais pas au point de faire gagner de l’argent », a déclaré Todd Heltman, analyste principal en énergie de la société d’investissement Neuberger Berman Group LLC, au WSJ. « On se rend compte qu’il leur faudra plus de temps que les investisseurs ne le pensaient pour atteindre la rentabilité et distribuer des bénéfices plus importants. »
Pioneer Natural Resources, un important foreur du Texas, a reconnu que les coûts augmentent plus rapidement que prévu. « Nous avons connu une augmentation plus importante des coûts que nous ne l’aurions supposé », a déclaré Timothy Dove, son PDG, aux investisseurs lors d’une communication sur les résultats financiers. Les coûts de l’électricité ont été plus élevés au Texas en mai et juin en raison du temps chaud. Les coûts de main-d’œuvre ont également continué d’augmenter.
Le problème s’aggrave pour les producteurs du bassin Permien qui n’ont pas obtenu de prix garantis pour leurs ventes de pétrole. Les coûts plus élevés se heurtent à des difficultés liées aux pipelines qui ont entraîné des rabais de plus de 10 $ le baril pour le pétrole de Midland par rapport au WTI [type de pétrole brut utilisé comme standard dans la fixation du prix du brut et comme matière première pour les contrats à terme sur le pétrole auprès du New York Mercantile Exchange (bourse des matières premières) NdT] à Houston.
Les coûts du sable, de l’eau, des équipes de forage, de l’équipement et des autres services ont tous augmenté. Le WSJ rapporte que plus d’une douzaine de sociétés exploitant les schistes ont annoncé à l’occasion de la publication de leurs résultats du deuxième trimestre soit qu’elles devraient dépenser davantage pour produire la même quantité de pétrole et de gaz, soit qu’elles réduisaient leurs prévisions de production pour cette année, soit qu’elles ne publiaient pas les chiffres de production du deuxième trimestre. Le WSJ a épinglé Noble Energy, qui a révisé à la hausse le niveau de ses dépenses prévues pour cette année, tout en admettant que sa production se situerait dans le bas de sa fourchette prévue. (Par ailleurs, Noble est également particulièrement vulnérable à d’éventuelles restrictions de forage dans le bassin « Denver – Julesburg » du Colorado, qui sera soumis à un référendum public en novembre).
Timothy Dove, du groupe Pioneer, a tenté de dire aux actionnaires que la contrepartie du ralentissement de l’activité pourrait être une moindre inflation des coûts. Un ralentissement de la mise en service de nouveaux puits « ne cadre pas avec la perspective d’augmentations de coûts car la période est à la baisse du niveau d’activité », a déclaré M. Dove lors d’une communication sur les résultats financiers. « Et vous voyez certaines des grandes entreprises de services [du secteur] qui disent maintenant qu’elles n’augmenterons pas, par exemple, les parcs d’équipement de fracturation dans le bassin tant que les marges ne seront pas rétablies au-dessus de ce qu’elles sont actuellement ».
Le ralentissement des activités de forage pourrait faire baisser la pression [inflationniste], affirme-t-il. « Je pense donc que nous pourrions nous retrouver dans une situation où, si nous pouvons maintenir les prix du pétrole au niveau actuel, nous pourrions être en mesure, en 2019, de mieux maîtriser l’augmentation des coûts en général et de ceux des services en particulier par rapport à cette année, du simple fait du ralentissement dans la mise en production des nouveaux forages. »
Mais les entreprises qui revoient à la baisse leurs plans de développement ne sont pas tirées d’affaire pour autant. Lorsque les pipelines seront mis en service au cours des prochaines années, les activités de forage reprendront de plus belle. Les entreprises exploitant les schistes bitumineux s’empresseront de mettre en production – peut-être toutes en même temps – les puits déjà forés mais non équipés (PFNE), dont le nombre a explosé au cours des 18 derniers mois. « On pourrait assister à une autre période d’inflation des coûts si tout le monde essayait de réduire le nombre de ses PFNE », a dit M. Dove. « C’est pourquoi je dirais que le plus grand risque sur le plan de l’augmentation des coûts serait après 2019, vraisemblablement en 2020 et 2021. »
Bref, l’inflation des coûts que beaucoup dans l’industrie des schistes bitumineux espéraient contenir ne fait que commencer. Par Nick Cunningham, Oilprice.com
Source : Wolf Street, Nick Cunningham, 15-08-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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