mercredi 25 mai 2016

Qualité de l'air: quand Montréal est pire que Pékin

À la Ville de Montréal, on rappelle que... (PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE)
À la Ville de Montréal, on rappelle que les conditions de mardi n'ont pas déclenché d'alerte de smog.
PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE
Publié le 25 mai 2016 à 00h00 | Mis à jour à 08h27
<p>Nicolas Bérubé</p>
Pendant plusieurs heures, mardi matin, l'air de Montréal était plus pollué que celui de Pékin, et quatre fois plus pollué que celui de Los Angeles, selon l'indice international AQI. Analyse d'une journée atypique alors qu'un avertissement de smog est en vigueur aujourd'hui même.
Plus pollué
Montréal, plus pollué que Pékin? Bien sûr que non: sur une moyenne annuelle, la comparaison ne tient pas la route. Or, des journées de pollution surviennent régulièrement à Montréal, et il arrive que l'air de la métropole soit aussi - voire plus - pollué que celui de plusieurs grandes villes du monde. Mardi matin, selon l'Indice de la qualité de l'air (AQI), une mesure reconnue internationalement, l'air de Montréal a atteint une lecture de 106, contre 93 pour Pékin - un niveau anormalement bas pour la capitale chinoise. La lecture était de 41 pour Paris, 56 pour New York et 27 pour Los Angeles. L'Indice AQI prend en compte les niveaux de particules fines, d'ozone, de dioxyde d'azote, de dioxyde de soufre et de monoxyde de carbone.
«On le sent»
Quand il a vu «l'air jaune et sale» de Montréal, mardi matin, le Dr François Reeves, cardiologue et professeur à l'École de santé publique de l'Université de Montréal, a tout de suite su que la ville vivait un épisode de pollution. Les données qu'il a consultées ont confirmé que les niveaux de particules extrêmement fines, appelées particules PM 2.5, (de 2,5 microns de diamètre), étaient élevés par rapport à la moyenne annuelle. «On le voit, on le sent, dit-il. Et ça affecte la santé des gens. Une étude récente réalisée à Boston montre que les admissions aux urgences pour un ACV grimpent de 30 à 50% quand la qualité de l'air passe de "moyenne" à "passable". Montréal est loin d'être Pékin, mais pas besoin d'être Pékin pour être affecté par la pollution.»
Anticyclone
Selon Marie-Eve Giguère, météorologue à Environnement Canada, c'est un système d'anticyclone observable dans le sud du Québec depuis la fin de semaine qui explique les niveaux de particules fines élevés de mardi. «On a de belles journées, la pression est haute et il y a peu de vent. La pollution est souvent pire le matin, car le sol s'est refroidi durant la nuit et il stabilise l'atmosphère. Durant la journée, l'atmosphère se réchauffe et le vent peut ainsi chasser les particules.» En matinée, l'air était jugé «mauvais» dans le centre et l'est de l'île de Montréal par le Réseau de surveillance de la qualité de l'air (RSQA) de la Ville de Montréal. En fin d'après-midi, l'air était jugé «acceptable» partout dans l'île. Montréal a enregistré 64 jours de mauvaise qualité de l'air en 2015, soit une journée de plus que dans le bilan de la Ville de 2014.
Activité
Faut-il limiter l'activité physique lorsque la qualité de l'air est mauvaise ou lors d'épisodes de smog? Le Dr Martin Juneau, cardiologue à l'Institut de cardiologie de Montréal, le croit. «Dans les journées polluées, je n'irais pas courir sur le Plateau-Mont-Royal ou au centre-ville, dit-il. Et, de manière générale, jogger ou faire de l'activité physique intense sur le bord d'une route n'est pas une bonne idée, car on s'expose à de grandes concentrations de particules fines et ultrafines, qui pénètrent loin dans les poumons, passent dans le sang et ont un effet inflammatoire sur l'intérieur des artères.» Le Dr Stéphane Perron, médecin à la Direction de santé publique de Montréal, recommande quant à lui à la population de ne pas modifier son comportement. «La façon de se prémunir, c'est d'avoir un coeur et des poumons en santé, et donc de faire de l'activité physique. À long terme, ça protège contre les effets de la pollution atmosphérique.»
Causes
D'où vient la pollution aux particules fines observée dans la région montréalaise? Les voitures, camions et autres véhicules à combustible fossile, de même que le chauffage au bois durant l'hiver, sont les plus grandes sources de pollution locale, dit le Dr Reeves, qui rappelle que 30% de la pollution de l'air observable à Montréal vient du Midwest américain et 30%, de l'Ontario. «La bonne nouvelle, c'est que les journées de forte pollution sont en baisse depuis plusieurs années à Montréal, en partie grâce à la fermeture de centrales au charbon en Ontario et aux États-Unis. Cela dit, Montréal et le Québec pourraient faire beaucoup mieux en brûlant moins de combustibles fossiles, qui sont au coeur du problème.» En Ontario, le programme Drive Clean impose un test antipollution aux véhicules qui ont plus de sept ans, note le Dr Reeves. «Le Québec semble incapable de passer une loi semblable, mais ça aiderait beaucoup. Des Ontariens viennent vendre leurs vieilles voitures au Québec car elles sont trop polluantes pour être immatriculées chez eux.»
Pas de smog
À la Ville de Montréal, on rappelle que les conditions de mardi n'ont pas déclenché d'alerte de smog. «Lorsqu'il y a lieu d'émettre un avertissement de smog, c'est Environnement Canada qui le fait», indique Geneviève Dubé, porte-parole de la Ville. Depuis quelques années, le nombre de jours de smog a beaucoup diminué à Montréal, et les jours de smog surviennent plus particulièrement en hiver. À titre d'exemple, il n'y a eu aucun jour de smog pendant l'été 2015. Selon l'élu Sylvain Ouellet, de Projet Montréal, la Ville pourrait faire beaucoup plus pour prévenir les citoyens lorsque la qualité de l'air est mauvaise. «On n'a peut-être pas beaucoup de journées de smog l'été à Montréal, mais des journées de mauvaise qualité de l'air, on en a énormément. Beaucoup de villes du monde ont un plan d'action pour les jours de mauvaise qualité de l'air. À Laval, le tarif du transport en commun baisse radicalement lors des avertissements de smog. À Montréal, on n'a rien de tout ça.»

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