samedi 23 novembre 2013

(blog à finir et à corriger)

Un petit rappel, mes chers cinq lecteurs, du pourquoi a été construite l'Europe.

(source : Wikistrike)

UE: L'incroyable article 63, un article qui mérite l'attention

91682726.jpgL'article 63 du Traité fondateur de l'Union Européenne est l'article qui entame la lente et insidieuse prise de pouvoir de l'Union Européenne sur ses États membres. Écrit dans le cadre de l'instauration du marché commun, cet article a bouleversé le rapport de force entre État et entreprises privées, menant petit à petit à la périclitation des économies nationales, aux seuls profits des entreprises privées.


Inconnu du grand public et pourtant si important, cet article s'inscrit dans le même mode opératoire que le marché transatlantique : une collaboration aux bénéfices des grands groupes financiers négociée dans les alcôves opaques des organisations européennes.
Le traité sur le fondement de l'Union Européenne, plus communément appelé « le traité de Rome », est l'accord qui met en place entre les six États membres de l'époque, le marché commun et l'Euratom. Sa ratification a été approuvée par l'Assemblée Nationale le 9 juillet 1957. La ratification du traité ne faisait pas l'unanimité puisqu'il a été l'objet de vifs débats à l'Assemblée Nationale. Les principales considérations qui alimentaient le débat étaient, pour les uns, les dangers à la fois économiques et politiques qu'allaient engendrer le marché commun, et pour les autres, sa nécessité pour dynamiser l'économie française et la faire peser à l'internationale. Voici une petite sélection des arguments en opposition au traité qui, vous le verrez, sonnent très contemporains :
Pierre Cot (PCF)
« Ce ne sera ni l'Europe de la démocratie chrétienne, ni l'Europe social-démocrate qui sortira du marché commun : ce sera l'Europe des grands industriels, des ententes industrielles, des Konzern, de ces cartels dont les industriels allemands et, notamment ceux de la Ruhr, depuis près de trois-quarts de siècle - car ils ont commencé à la fin du dix-neuvième siècle - connaissent magnifiquement le maniement. »
Pierre André (UNION DES INDÉPENDANTS ET PAYSANS)
« Notre pays se trouve placé sous une autorité européenne qui peut lui imposer, au besoin contre son gré, ses lois économiques, ses règlements et ses décisions. Le marché commun établit un mécanisme vaste qui ne tient aucun compte ni de la puissance économique réelle des associés, ni de leurs charges.
Le traité de marché commun ne défend pas l'Europe des Six contre le développement, dont personne n'a parlé, mais qui me paraît cependant inévitable, de toutes les entreprises américaines déjà installées sur le sol de l'Europe.
Enfin, je veux faire remarquer à l'Assemblée Nationale que les traités sont fondamentalement illégaux, parce qu'ils disposent de l'usage et de la propriété de biens qui appartiennent à la nation »
Jacques Duclos (PCF)
« La petite Europe du marché commun n'est pas et ne peut pas être une association des peuples. C'est une sorte de syndicat d'exploiteurs capitalistes ayant à leur tête ceux qui firent surgir Hitler du néant et le portèrent au pouvoir.(...) Si la petite Europe devait être une rivale des États-Unis, ceux-ci seraient hostiles aux traités européens. Or, il n'en est rien. Au contraire la petite Europe est considérée à Washington comme devant être la base économique et militaire du dispositif stratégique que constitue l'O.T.A.N. (...) Avec le marché commun, des capitalistes français, associés aux trusts allemands, réaliseraient sans doute de substantiels bénéfices, mais le déclin économique de la France deviendrait inévitable. Si ce traité était ratifié, les travailleurs français pourraient s'attendre à voir s'aggraver leur situation sur le plan des salaires, de la sécurité sociale, du chômage ».
À la suite de ces débats, l'Assemblée Nationale autorisa la ratification du traité par 342 voix (celles des socialistes, UDSR, une partie des radicaux, le MRP et la droite modérée), et 239 voix contre (celles des communistes, des gaullistes, des poujadistes et l'autre partie des radicaux). (i)
Au-delà du marché commun, les dispositions du traité de Rome portent un coup à la souveraineté nationale puisqu'elles ne donnent plus le choix aux gouvernements nationaux de la gestion de leur politique, notamment économique. L'article 63 est un de ces exemples, en voici le contenu :
Article 63 (ex-article 56 TCE)
1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre (Chapitre IV- Les capitaux et les paiements), toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
En clair, il s'agit d'interdire les gouvernements nationaux de s'interposer face à une entreprise qui voudrait se délocaliser à l'étranger. Autrement dit, les entreprises sont totalement libres de délocaliser leur production vers un pays à la main d'œuvre moins coûteuse, sans que l'État ait son mot à dire.
Le premier élément qui interpelle est que cette disposition concerne non seulement les États membres entre eux, mais aussi « les pays tiers ». La logique européenne aurait été de dire : un état peut se délocaliser librement vers un autre pays membre ainsi les deux états profitent de ce mouvement de capital dans une logique gagnant-gagnant. Or, l'ajout de la mention « pays tiers » signifie qu'il peut s'agir de n'importe quel pays au monde. Donc, non seulement l'État perd les emplois que l'entreprise a délocalisés mais elle perd une seconde fois, puisque la production va revenir dans l'État avec un prix plus compétitif par rapport aux autres entreprises. En conséquence, les bénéficiaires de la procédure ne sont ni les États européens, ni la population mais bien seulement l'entreprise.
L'argument contraire serait de dire que la population est bénéficiaire de cette manœuvre puisqu'elle a accès à un produit moins cher. Or c'est un argument valide d'un point de vue court-termiste. Sur le long terme, on constate que plus les entreprises vont délocaliser plus les autres seront dans l'obligation de délocaliser pour des questions de compétitivité. Ce qui aura pour effet de créer du chômage et donc une baisse du pouvoir d'achat pour les consommateurs, puisque les prix du marché eux n'auront pas baissé. C'est d'ailleurs ce que l'on constate aujourd'hui en France.
Le second point qui nous interpelle à la lecture de cet article 63, c'est qu'il ne défend pas les valeurs morales de l'U.E. Les délocalisations sans restriction amènent les entreprises à s'implanter dans les pays avec la main d'œuvre la moins chère. Or, les pays en question sont souvent ceux qui bafouent les droits de l'Homme en faisant, par exemple, travailler des enfants, ou avec des conditions de travail déplorables pour un salaire de misère, les rapprochant quasiment d'une condition d'esclave.
Au regard seulement de la lecture de l'article plusieurs questions se posent : qui favorise-t-il ? Souhaitons nous continuer d'être les complices de l'enrichissement des entreprises privés, aux dépends de la population européenne et mondiale ?
Nous en sommes tous les témoins quotidiens, l'économie se dégrade et par la même occasion la cohésion sociale se détériore. Le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé, l'INSEE enregistrait un taux de chômage de 3,5% en 1975 et ce même taux est proche de 11% aujourd'hui. L'indice IPI (Indice de la Production Industrielle, qui mesure les variations des quantités produites dans l'industrie (ii)) n'a jamais été aussi bas. L'INSEE nous dit qu'en 1975, l'IPI était de 107,6, aujourd'hui il est tombé à 72,5.
Une fois de plus, on le constate tous les jours, les délocalisations engendrant des fermetures d'usines n'ont jamais été aussi nombreuses (PSA, Renault, Doux, Arcelor Mittal...). Aux vues de ces quelques statistiques, est-il tiré par les cheveux de faire un lien entre celles-ci ? Je laisse la réponse à votre libre interprétation.
Les hommes politiques français, conscients du haut de leur tour d'ivoire de la dégradation générale de la France, sortent les uns après les autres les solutions miracles. On peut même observer les gesticulations du ministre du redressement productif, Mr. Montebourg, pour sauver une poignée d'emplois, mais ça ne vous a pas échappé, il est impuissant. Et d'ailleurs, impuissants, il le sont tous, puisqu'il faut le rappeler, l'article 63, qui autorise ces délocalisations sauvages, est issu d'un traité européen, il bénéficie donc d'une supra constitutionnalité. Il est supérieur au droit national des Etats membres. Écoutez donc d'une oreille plus attentive ce que vous disent les politiciens et vous verrez qu'ils vous mentent purement et simplement puisqu'il n'est pas de leur ressort de faire quoi que ce soit.
Imaginons que les politiciens français soient déterminés à réviser cet article et que l'ensemble de la sphère politique se soit mise d'accord sur un projet, voici la procédure qu'ils devraient suivre.
Dans un premier temps, il faudrait que le Parlement français soumette ce projet de révision au Conseil européen (réunissant les exécutifs des États membres). Ensuite, le Conseil européen devrait consulter le Parlement européen et la Commission européenne. Puis, le Conseil européen pourrait voter le projet sachant que l'unanimité serait requise pour être adopté. Et enfin, son entrée en vigueur se ferait après l'approbation des États membres (iii). Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'une procédure longue et fastidieuse. Une autre solution est possible, il s'agirait de saisir l'article 50 du traité de Lisbonne et de se retirer de l'UE. Je vous renvois aux nombreuses conférences de Monsieur Asselineau disponibles sur internet pour plus de détails.
En conclusion, ce qu'il faut retenir de l'article 63 du TFUE, c'est qu'il est l'illustration parmi tant d'autres de la croissante domination du pouvoir des grandes entreprises privées sur la politique européenne. Les méfaits de son application, déjà soulignés à l'époque par quelques députés français, sont désormais une réalité. L'influence des lobbys à Bruxelles est considérable, et la marge de manœuvre des gouvernements nationaux en est de plus en plus réduite. Les délocalisations rendues légales par l'article 63 ont plongé les pays européens dans un cercle vicieux que seule un action globale pourrait arrêter.
Margaux Hoor

Et, cette article du Monde Diplomatique qui explique pourquoi l'Europe se fait aussi pour :

Une trajectoire financière insoutenable

Alors même que le pouvoir d’achat des Américains stagne, que leur taux d’épargne est quasiment nul (0,4%) et que la valeur de leurs biens immobiliers et de leurs titres en Bourse a sensiblement baissé depuis le début de l’année, l’endettement des ménages atteint un niveau record. Autant dire que la consommation à crédit ne pourra plus venir au secours d’une économie en panne. Or c’est grâce au crédit facile que l’économie des Etats-Unis était sortie des récessions précédentes...
par Gérard Duménil et Dominique Lévy, août 2008
Publié, le 14 juin dernier, à l’issue de la réunion des ministres des finances du G8, le communiqué frappe par son caractère lénifiant :« L’innovation financière a contribué de manière significative à la croissance et au développement mondial, mais, au vu des risques que court la stabilité financière, il est impératif que s’accroissent la transparence et la conscience des risques. » Les mots-clés sont pesés : « développement », « innovation financière » d’un côté, « transparence » de l’autre. D’autres termes sont absents : « instabilité », « réglementation »... Et rien n’est dit des facteurs sous-jacents à la crise : les déséquilibres croissants de l’économie des Etats-Unis.
Or, au cœur des mécanismes qui ont abouti à la crise actuelle, on trouve, au-delà de l’absence d’une réglementation de la finance, ce qu’on peut désigner comme la « trajectoire néolibérale » de l’économie des Etats-Unis. Un itinéraire emprunté au début des années 1980 après trois décennies de keynésianisme. Cinq grandes tendances sont en jeu. En premier lieu, le ralentissement de l’investissement productif. Lequel désigne tous les éléments « physiques » requis par la production : bâtiments, bureaux, machines... Cette diminution s’est accompagnée d’une très forte augmentation relative de la consommation. Rien de semblable n’avait pu s’observer dans le passé. C’est cette surcroissance qui est à l’origine de celle du déficit du commerce extérieur. Enfin, faisant écho à ces tendances, il faut mentionner la double envolée de la dette interne (essentiellement celle des ménages et de la finance) et du financement du déficit extérieur par le reste du monde (1). Une bien étrange trajectoire, tirée par la consommation au détriment de l’investissement productif et se nourrissant des importations ; une demande elle-même soutenue par les crédits qu’ont consentis les institutions financières américaines, sachant que rien n’aurait été possible sans le financement par le reste du monde ! On aurait pu s’en inquiéter ; mais, à l’inverse, la propagande néolibérale répandait l’image flatteuse des Etats-Unis « locomotive » de la croissance mondiale.

Injection permanente de crédit

La montée des déséquilibres et la crise financière ne sont pas nées en France, ni même au Royaume-Uni, mais bien aux Etats-Unis, et rien n’aurait été possible sans la domination que ce pays exerce sur le reste du monde. Toutefois, le néolibéralisme se trouve également mis en accusation. Car les profits, dont une large part était précédemment conservée par les entreprises en vue de l’investissement, sont désormais payés aux créanciers sous forme d’intérêts, et aux actionnaires sous forme de dividendes. Les entreprises conservent donc par-devers elles de moins en moins pour investir. Par ailleurs, les frontières commerciales sont largement ouvertes, notamment vers des pays de la périphérie où les coûts de la main-d’œuvre sont faibles (Chine, Mexique, Vietnam...). Une fraction accrue de la demande se dirige ainsi vers des importations, au point qu’aux Etats-Unis on peut parler d’une « déterritorialisation » de la production.
Ainsi, la nécessité de maintenir une consommation de biens et de services produits sur le territoire américain impose une injection massive de crédit. Chaque année toujours davantage, alors qu’une part croissante de la demande fuit vers le reste du monde et que la production est peu soutenue par l’investissement. Une telle configuration requiert donc plus de crédit qu’il serait nécessaire dans une économie peu ouverte et tournée vers sa propre croissance. C’est là le point essentiel, et là que s’effectue le retour au point de départ : la crise financière que prépare cette montée du crédit. Une trajectoire insoutenable se poursuit par le biais d’une stimulation toujours renouvelée, au prix d’un endettement croissant. A l’arrivée, les sables mouvants du subprime.
A cela s’ajoute le rôle central du dollar, mondialement utilisé dans les transactions commerciales et financières comme devise de réserve, et sur lequel bien d’autres monnaies indexent leur taux de change. Le reste du monde collabore assez allègrement à cette suprématie de la devise américaine ; un énorme flux de billets verts, correspondant au déficit commercial des Etats-Unis, se déverse sur la planète. Les étrangers placent les dollars qu’ils ont reçus en paiement des biens qu’ils exportent vers les Etats-Unis. Ils achètent des actions, des obligations privées et publiques, des bons du Trésor, etc. Ils n’ont d’ailleurs pas le choix. Aucun moyen d’éponger ces dollars n’existe depuis que cette monnaie n’est plus convertible en or. Certes, un désir général de s’en défaire peut entraîner la baisse de son taux de change et, en réaction, rendre nécessaire la hausse du taux d’intérêt aux Etats-Unis. Mais, depuis le début des années 2000, les taux d’intérêt à long terme sont restés bas.
Ainsi l’économie des Etats-Unis glisse-t-elle le long de cette trajectoire où les déséquilibres internes et externes, réels et financiers, vont en s’amplifiant. Les détenteurs de capitaux et les étages les plus élevés de la pyramide des salaires (les uns et les autres se recoupent) prospèrent et s’éloignent du reste de la population. Mais la part de la production manufacturière se réduit, et le pays dépend de plus en plus de la générosité des étrangers. Etrange divergence entre l’enrichissement d’une minorité et les déséquilibres croissants de l’économie nationale. Etrange concomitance entre l’augmentation de la consommation des plus favorisés et l’aggravation des dérèglements d’une économie.
Comment expliquer la poursuite de ce cheminement pendant tant d’années ? Après les récessions de 1982 et 1990, l’activité fut, en fait, soutenue par la poussée miraculeuse des nouvelles technologies dites « de l’information ». D’abord lentement mais de manière particulièrement tenace, la vague de fond s’accéléra dans la seconde moitié des années 1990 : pendant les quatre années de boom boursier, le cours des valeurs technologiques fut propulsé à des hauteurs sans précédent : Nasdaq, le 2 janvier 1996, 1 053 ; le 10 mars 2000, 5 132. Le capital étranger affluait pour profiter de l’aubaine. Mais le boom fut suivi du krach retentissant après 2000 : Nasdaq, le 9 octobre 2002, 1 114.
Avec l’éclatement de la bulle Internet vient, en 2001, la récession que double la crise boursière. C’est à cette occasion que vont se révéler les effets pervers de ces tendances longues. La Réserve fédérale entre en scène, et fait son travail habituel : elle stimule le crédit. Mais les entreprises non financières ne répondent pas à l’appel. Si elles empruntent, ce n’est guère pour investir sur le territoire des Etats-Unis mais pour se livrer à la petite bataille des fusions et acquisitions, ou pour racheter leurs propres actions (2). M. Alan Greenspan met alors les bouchées doubles (lire l’encadré). Il baisse de façon spectaculaire le taux auquel son institution refinance les banques. Toujours plus bas, celui-ci devient même négatif en termes réels, c’est-à-dire une fois soustrait le taux d’inflation.
Le remède produit enfin son effet. Mais à quel prix ? Le secteur financier, ou une fraction de ce secteur, se précipite dans l’espace ouvert par la baisse des taux d’intérêt. Les ménages vont être les acteurs de ce soutien de la demande. Car, aux Etats-Unis, l’expansion formidable du crédit hypothécaire sert à financer à la fois la consommation (comme le paiement des études des enfants, ou les soins, coûteux, dans un pays où la protection sociale est déficiente) et l’immobilier lui-même. Après 2000, la consommation, qui a atteint un niveau très élevé, arrête de croître plus vite que la production totale. Le relais est alors assuré par la construction, en plein boom du fait de la hausse des prix de l’immobilier. L’économie sort de la récession.
Cette issue a plusieurs conséquences : l’entrée en scène d’un secteur financier peu scrupuleux précipitant des ménages potentiellement insolvables dans l’endettement ; la hausse accélérée du déficit du commerce extérieur et la croissance correspondante du financement de ce déficit par le reste du monde ; la baisse des taux d’intérêt, qui encourage les stratégies les plus aventureuses des sociétés financières.
On peut interpréter la conjoncture de sortie de la crise de 2001 en termes de convergence d’intérêts entre la politique de la Réserve fédérale et une grande fraction du secteur financier privé. Trois éléments au total : une politique de stimulation très hardie, rendue nécessaire par une trajectoire insoutenable ; une réponse efficace à court terme, mais également impossible à prolonger, qui va conduire au choc des subprime ; une folle effervescence financière, prolongeant au-delà du raisonnable la trajectoire, et qui va multiplier les conséquences de la crise du crédit hypothécaire. La relation entre la crise et les tendances de la macroéconomie est donc bien réciproque. L’endettement de ménages insolvables a permis la continuation aux Etats-Unis d’une trajectoire périlleuse, mais au prix d’une croissance de la dette, à la fois en valeur et en proportion du revenu national.
La folie financière n’a pas « causé » la tendance, car cette trajectoire est beaucoup plus ancienne et profonde ; elle en a prolongé la durée. Ce n’est pas d’« inconscience » de la part des autorités monétaires qu’il est ici question, mais de réticence à sortir des règles néolibérales ainsi que le réclamerait une correction de trajectoire. Le néolibéralisme n’est pas une affaire de principes mais d’intérêts ; les règles recouvrent donc des desseins beaucoup plus pesants et sacrés que les principes affichés. On va le vérifier dans les mois et les années à venir.
L’ampleur de la crise surprend, et l’urgence de l’intervention est évidente. Nous ne sommes plus en 1929, et « tout » est mis en œuvre pour soutenir le système financier. D’abord, les robinets de la politique monétaire sont ouverts : au total plus de 600 milliards de dollars, et davantage à l’avenir si nécessaire ! Car il s’agit désormais de maintenir en état le système financier qui s’écroule. Mais cela ne suffira pas ; on s’émeut : « Ce qui a débuté comme une détérioration relativement bien contenue de certaines fractions du marché américain des subprime a dégénéré par métastase en dislocation sévère sur les marchés plus larges du crédit et du financement, ce qui menace désormais les perspectives macroéconomiques aux Etats-Unis et dans le monde (3). »
A court terme, il sera difficile d’éviter un accroissement du déficit budgétaire, lequel correspond déjà à 2,9 % de la production du pays. Pas très néolibéral. Surtout, cette stimulation ne remédiera pas au déficit extérieur croissant. Derrière ce déficit se profilent non seulement l’Europe, mais, de plus en plus, les « pays émergents ». Compte tenu des formidables réserves financières de ces challengers et de la chute du dollar, l’économie des Etats-Unis devient pour eux un fromage.

Des exceptions au coup par coup

Comment éviter cela ? On peut s’attendre à une plus grande intervention de l’Etat : sauvetage du secteur financier ou rachat des créances douteuses, hausse des dépenses publiques, re-réglementation de la finance américaine (interdiction de certaines pratiques de crédit aux ménages et de titrisation, surveillance accrue des fonds spéculatifs). On peut aussi escompter la mise en place d’une défense des entreprises américaines à l’étranger et aux Etats-Unis. Toutefois, il demeure inconcevable que les prochains dirigeants s’en prennent de front au libre-échange et à la libre circulation des capitaux, essentiels à la domination des sociétés transnationales américaines dans le monde.
On peut donc entrevoir une sortie masquée et limitée des règles néolibérales sous forme d’exceptions au coup par coup. Une nouvelle loi sur les investissements étrangers et la sécurité nationale, le Foreign Investment and National Security Act, voté en 2007, a donné au président américain des pouvoirs importants pour limiter les placements de ce type aux Etats-Unis au nom d’une définition très large de la sûreté intérieure. Ce genre de néolibéralisme « bricolé » incarne bien l’étrange destin d’une puissance hégémonique dont la domination à long terme est en jeu.
Gérard Duménil
Economiste, ex-directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Dominique Lévy
Economiste et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Ecole d’économie de Paris.

vvvv

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