Le GIEC planche sur la manipulation du climat
Prévu pour 2021-2022, le prochain grand rapport de synthèse du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), 6ème du nom, devant évaluer l’état du réchauffement planétaire, ses impacts et les moyens de le limiter, va également analyser les moyens de… manipuler le climat: captage du CO2 atmosphérique, gestion du rayonnement solaire… Nous en sommes là .
Cela va sans doute étonner, et même choquer bon nombre de militants « climat » sincères, qui espèrent qu’avec le temps on va finalement changer le système pour arrêter de changer le climat, qu’on va enfin faire preuve d’humilité face à notre Terre mère, qu’on va faire passer l’économie derrière la nature parce que la nature est en fait la base même de notre richesse, qu’on va restaurer les écosystèmes, développer l’agroécologie, la permaculture, et finir par vivre en harmonie avec notre environnement. En fait, de tout cela peu de choses semblent encore vraiment au programme.
Géo-ingénierie: un rapport intitulé « La grande fraude climatique »
Du côté du prestigieux Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), même si ce n’est pas encore ouvertement affiché, on en est plutôt à étudier les technologies de géo-ingénierie qui pourraient permettre soit de siphonner du CO2 qu’on a accumulé dans l’atmosphère depuis environ deux siècles du fait de l’utilisation d’énergie fossile (charbon, pétrole, gaz naturel), soit même de gérer le rayonnement solaire qui atteint la surface de la Terre, cela afin de refroidir la température…
Attendu pour 2021-2022, le 6ème rapport d’évaluation du GIEC, devant actualiser l’état du réchauffement planétaire, ses impacts, ainsi que les moyens d’adaptation et d’atténuation possibles, doit même faire une belle place à la géo-ingénierie, selon l’ONG nord-américaine ETC Group. « La géo-ingénierie fait de fréquentes apparitions dans la version préliminaire » du rapport, qui a été approuvée, souligne cette ONG dans un rapport intitulé « La grande fraude climatique« , réalisé avec l’ONG Biofuelwatch et la Fondation Heinrich Böll. Les techniques de manipulation du climat figurent surtout « dans les travaux du groupe de travail III, responsable des mesures d’atténuation, mais il en est également question dans ceux du Groupe de travail I, qui se charge de la science du climat », précise ETC. Et elles font également partie des questions « transversales » abordées par l’ensemble des groupes de travail.
Des scénarios du GIEC qui intègrent déjà des techniques de géo-ingénierie
En fait, alors que la géo-ingénierie n’était pas évoquée de manière sérieuse par le GIEC avant les années 2010, elle a commencé à s’installer à sa table lors de son 5ème rapportd’évaluation, en 2014. Le concept d’émissions négatives de CO2, qui correspond à des technologies futures qui parviendraient à retirer massivement du CO2 de l’atmosphère, y a notamment été développé. Ainsi, s’inspirant des technologies de captage et stockage de CO2 chères aux pétroliers (et pourtant très peu développées), les bioénergies avec captage et stockage du CO2 (BECSC, plantations massives dont la vocation serait de produire de l’énergie avec captage et stockage du CO2 durant le processus de fabrication) ont dès lors été intégrées (tout comme à un degré moindre l’afforestation) dans la plupart des scénarios du GIEC qui permettent de limiter le réchauffement planétaire à 2°C, en retirant du CO2 de l’atmosphère. Dit autrement, on continue à brûler les réserves de pétrole, de gaz et de charbon; on dépasse la concentration de CO2 qu’il ne faudrait pourtant pas dépasser pour limiter le réchauffement à quelque chose de viable; et on laisse le soin aux générations futures de développer la parade !
Le récent rapport du GIEC relatif à un réchauffement de +1,5°C rend même les BECSC « indispensables ». Mais sans que l’on sache si cela est vraiment faisable et efficace, ou si cela ne va pas poser de multiples problèmes: monopolisation et appauvrissement de terres, concurrence avec la production alimentaire, épuisement de la ressource en eau, émissions de protoxyde d’azote (autre gaz à effet de serre), utilisation massive de fertilisants et de pesticides, perte de biodiversité…
Des techniques pour « retirer du CO2 de l’atmosphère »
Il existe bien d’autres approches qui espèrent retirer du CO2 de l’atmosphère (technologies rassemblées sous l’acronyme CDR comme Carbon Dioxide Removal): captage direct dans l’air (avec de grosses machines équipées de ventilateurs et de filtres), biocharbon (biomasse consumée enfouie dans le sol), amélioration de la photosynthèse de certaines plantes grâce à la génétique, accélération de l’altération de silicates par le CO2 en pulvérisant des roches, traitement des océans (au fer pour stimuler la production de plancton, à la chaux pour renforcer son alcalinité et sa capacité à capter chimiquement du CO2 atmosphérique), brassage des eaux profondes (pour faire remonter des nutriments et favoriser la production de plancton), séquestration dans les océans de résidus carbonés, modification des courants océaniques…
Des techniques pour « gérer » le rayonnement solaire qui atteint la Terre
Il existe en plus une deuxième grande catégorie de technologies de géo-ingénierie. Celles-ci visent pour leur part à refroidir la température à la surface de la Terre en limitant le rayonnement solaire absorbé par son atmosphère (technologies SRM, comme Solar Radiation Management). On trouve notamment dans cette catégorie tous les projets qui consistent à renforcer l’albédo terrestre, c’est-à-dire sa blancheur, sa brillance: peindre en blanc toitures et revêtements de sol, couvrir de blanc déserts, glaciers, montagnes, rendre plus brillantes les mers (grâce à des microbulles favorisant l’écume), abattre les forêts boréales (pour augmenter la réflectance du sol), modifier génétiquement des plantes pour que leurs feuilles renvoient plus de lumière vers l’espace, ensemencer (avec de l’eau de mer par exemple) les nuages bas (qui ont plutôt tendance à refroidir la température au sol) pour qu’ils soient plus blancs… D’autres tentations consistent à disperser des particules dans les nuages élevés (les cirrus, plutôt réchauffants) pour les altérer, à envoyer dans l’espace des milliards de petits engins en guise de pare-soleil ou bien des miroirs pour bloquer une partie du rayonnement, et même à injecter du soufre ou diverses particules dans la stratosphère pour imiter l’action d’une grosse éruption volcanique ! Sans parler des désirs de modification de la météo: faire pleuvoir ou au contraire éviter qu’il pleuve, faire maigrir les grêlons, empêcher ou dévier les tempêtes, etc.
Avec le soutien de milliardaires, de l’industrie du pétrole
« Alors que le 5ème rapport du GIEC place des espoirs démesurés et scientifiquement injustifiés dans la BECSC et l’afforestation, le 6ème discutera en long et en large de presque toutes les techniques de géo-ingénierie existantes— état actuel, coûts, risques et impacts, potentiel », annonce ETC. Et l’ONG alerte: « Le fait que la vaste majorité des personnes qui rédigent, critiquent et révisent la documentation sur la géo-ingénierie fait partie du même cercle de géo-ingénieurs (baptisé « géoclique » par ETC, ndlr) représente un grave problème. Ce dangereux climat autoréférentiel ne laisse aucune place aux points de vue critiques de la société civile et des gouvernements, ni aux solutions qui ne sont pas du ressort de la géo-ingénierie ».
Ce « sauvetage » de notre planète par des technologies est notamment soutenu par des milliardaires comme Bill Gates ou encore Richard Branson, ainsi que par des industries, notamment l’industrie du pétrole et l’industrie militaire. Par exemple, ExxonMobil s’est déjà intéressé au chaulage de l’océan, Shell, Chevron et ConocoPhillips au biochar tandis que Bill Gates a octroyé des millions de dollars à des géo-ingénieurs qui travaillent notamment sur l’injection de particules dans la stratosphère et que Richard Branson est connu pour avoir lancé le prix « Virgin Earth Challenge » afin de récompenser une solution technique pour le climat. Richard Bronson a également cofondé une sorte de QG de la géoingénierie: la « Carbon War Room« . L’actuel président du GIEC lui-même, un économiste ancien d’Exxon, considère que la géo-ingénierie doit être prise en compte.
Vers une entente climatosceptiques – géo-ingénierie ?
Aux Etats-Unis, la DARPA, une agence rattachée au Pentagone et dont l’objectif est de « préserver la supériorité technologique de l’armée des États-Unis », a lancé dès 2009 une initiative sur le thème de géo-ingénierie. Et la CIA a financé en 2013 une étude de la National Academy of Sciences, également relative à la manipulation du climat.
Pour ETC Group, les partisans de la géo-ingénierie peuvent également développer leurs liens avec les climatosceptiques: « Bien que ces deux groupes ne s’entendent pas quant aux responsables des changements climatiques, ils peuvent s’accorder sur des « solutions» techniques permettant de régler tous les problèmes découlant des changements climatiques sans se soucier de savoir qui en sont les responsables », souligne l’ONG. Par exemple, pour l’ancien secrétaire d’Etat de Donald Trump, et ancien directeur général d’ExxonMobil, Rex Tillerson, le réchauffement planétaire est « un problème d’ingénierie » et « il y aura une solution d’ingénierie ».
Une « tentative de prise de contrôle de la planète »
Outre le profond manque de débat démocratique et la question de la gouvernance de la géo-ingénierie (de plus en plus structurée par les brevets privés), ETC s’inquiète de l’illusion qu’entretiennent les travaux des géo-ingénieurs chez les décideurs politiques: l’illusion « qu’il est possible de continuer d’émettre d’importantes quantités de gaz à effet de serre ». De plus, « légitimer la géo-ingénierie comme solution aux changements climatiques nous détourne de mesures radicales et systémiques qui nous permettraient de lutter efficacement contre les changements climatiques et d’instaurer une justice climatique », souligne-t-elle.
Et d’ajouter: « Le discours sur l’« urgence climatique » a contribué à renforcer l’opinion selon laquelle la géo-ingénierie serait prétendument une solution inévitable. Ce type de « stratégie du choc» sert à vaincre les inquiétudes de la population au sujet de la géo-ingénierie, et à obliger le monde à acquiescer au déploiement à grande échelle de solutions techniques dont les risques et les conséquences sont inacceptables. De la sorte, la géo-ingénierie constitue davantage une tentative de prise de contrôle de la planète qu’une tentative de résolution de la crise climatique ».
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