L’administration Trump sommée d’arrêter de droguer les enfants détenus (USA)
© Jahi Chikwendiu/The Washington Post via Getty Images
« On m’a donné neuf pilules le matin et sept le soir. Je ne savais pas pourquoi je les prenais ; personne ne m’en a parlé, » a témoigné un enfant
Bien avant que l’administration Trump prenne la terrible de décision de séparer les enfants migrants de leurs parents, en avril dernier, 10 000 enfants étaient déjà placés en détention pour une durée moyenne de huit mois. Ils sont installés dans des camps disséminés un peu partout sur le territoire, camps gérés par des dizaines d’organismes privés financés par le Bureau de réhabilitation des réfugiés. Beaucoup d’entre eux ont déjà été pointés du doigt – négligence, abus physiques et sexuels – mais il y’en a un en particulier qui reste gravé dans la mémoire des enfants qui y ont été placés : le Shiloh Treatment Center de Manvel, au Texas.
Lundi dernier, un juge fédéral a ordonné au gouvernement de retirer ces enfants du centre, et a exigé auprès de l’administration Trump que les foyers cessent de prescrire de puissants psychotropes sans une ordonnance judiciaire ou l’accord des parents.
Des enfants hébergés à Siloh ont raconté à leurs parents et à leurs avocats avoir été drogués, parfois sous la contrainte, en plus d’avoir été abusés par certains membres du personnel. Le Center for Investigative Reporting vient tout juste de découvrir qu’un des docteurs responsables des prescriptions, Dr. Javier Ruíz-Nazario, a perdu son droit d’exercer des années auparavant.
« On m’a donné neuf pilules le matin et sept le soir. Je ne savais pas pourquoi je les prenais ; personne ne m’en a parlé, » a témoigné un enfant détenu à Shiloh à ses avocats. Ces pilules étaient couplées à des injections utilisées par le personnel pour garder le contrôle. « Ils venaient et me piquaient pour me calmer… À ce moment-là je me sentais lourd et fatigué, comme si je n’avais plus de force. Je me réveillais 3 voire 4 heures après, et c’est seulement là que je commençais à recouvrer mes forces. »
Ce jeune témoin – balloté entre six refuges et trois états depuis son arrivée du Mexique en 2014 – n’est qu’un parmi une multitude d’autres ayant rapporté les mêmes histoires à une équipe d’avocats chargés de s’assurer que le gouvernement met à disposition un environnement sain et décent aux enfants placés en détention.
La décision du juge Dolly Gee n’est qu’en partie une victoire pour les avocats : sa décision ne relève pas des enfants considérés comme « des risques » envers eux-mêmes ou les autres, qui eux, pourraient rester à Shihoh. Les défenseurs des enfants ont rappelé avec inquiétude qu’un autre centre, situé dans la même ville et appartenant à la même personne, avait fermé en 2011 après qu’un quatrième enfant soit mort asphyxié sous une contrainte physique. Bien avant la fermeture du Daystar Treatment Center, des enfants auraient été « suspendus au plafond, » auraient été abusés sexuellement, et des rapports indiquent que certains membres du personnel forçaient de jeunes filles mentalement instables à se battre pour de la nourriture.
« ils sont littéralement enfermés dans des cellules minuscules en béton »
Les avocats s’inquiètent également de comment sont jugés les enfants « à risque, » de qui prend la décision et de comment cette conclusion est adoptée. Aujourd’hui, la loi autorise les dirigeants des centres à prendre cette décision de façon unilatérale, leur permettant d’envoyer le garçon ou la fille en question dans un centre beaucoup plus strict – et dont il est beaucoup plus difficile de sortir.
D’après le Bureau de réhabilitation des réfugiés, les refuges sont divisés en trois catégories : les foyers, les « centres sécurisés » (plus restrictifs), et les « centres de soin, » considérés comme des prisons pour mineurs. Jusqu’à récemment, la seule manière pour un enfant d’être libéré d’un centre appartenant aux deux dernières catégories, était d’obtenir une permission exceptionnelle accordée par le directeur du Bureau, un homme appelé Scott Lloyd.
L’an passé, ce sont pas moins de 750 enfants qui ont été touchés par ce strict règlement. Seulement 12% d’entre eux ont pu sortir, contre 90% auparavant d’après les New York Civil Liberties qui, grâce à une ordonnance spéciale, ont pu bloquer temporairement la procédure.
D’après Leccia Welch du National Youth Law Center, dans la plupart des cas, les enfants ne sont même pas au courant qu’ils sont catégorisés « à risque » et qu’ils peuvent, par conséquent, être transférés vers un centre plus sécurisé. « Vous êtes réveillé en pleine nuit, sans savoir où on vous amène, on vous met dans un avion, vous êtes enchaîné pendant six heures et on vous met en prison – c’est ce qui peut arriver, et c’est qui est arrivé à un jeune garçon à qui j’ai parlé le mois dernier, » raconte-t-elle à nos confrères américains.
« Le Bureau traite ces enfants comme des prisonniers, et je pèse mes mots : ils sont littéralement enfermés dans des cellules minuscules en béton, et ont droit à une heure – au mieux – de soleil par jour, » poursuit-elle. « Ils sont enfermés là-dedans sans qu’aucune explication ne leur soit donnée sur les raisons de cet enfermement, ni même sans qu’ils puissent donner leur version des faits.«
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire