vendredi 17 août 2018

Les années 2018-2022 pourraient être encore plus chaudes que prévu

Vincent Lucchese source : Usbek et Rica


Jusqu’en 2022, chaque année pourrait connaître un climat deux fois plus chaud que ce que laissait prévoir le changement climatique crée par l’homme. En cause, des phénomènes naturels qui devraient venir s’ajouter au réchauffement d’origine anthropique. C’est ce que suggère des chercheurs ayant mis au point une nouvelle méthode de modélisation climatique.

Pour ceux qui ont du mal avec les notions abstraites, le réchauffement climatique a offert cet été un aperçu bien concret de ses conséquences, vouées à s’amplifier dans les années à venir. Records absolus de température au Japon, à Montréal, en Algérie, dans le cercle polaire et jusqu’à 50°C ressentis au Portugal. Le plus haut sommet de Suède a fondu, et n'est désormais plus en tête du classement. Des feux de forêt dévastateurs ont ravagé la Grèce et la Californie où ils ont déjà brûlé la superficie record de 121 000 hectares. La canicule a fait des centaines de morts, du Canada au Japon. Les sécheresses ont détruit une partie des récoltes, de la Russie à la France, faisant grimper les cours du blé de 20 %.
2018, Annus horribilis ? Non, juste la nouvelle norme
Annus horribilis ? Non, juste la nouvelle norme. D’ici quelques décennies, la situation pourrait même être bien pire étant donnée notre incapacité collectiveà prendre des mesures à la hauteur des enjeux. Mais ce que suggère une nouvelle étude, c’est surtout que l’avenir immédiat risque d’être encore plus chaud que prévu. « La température moyenne de l’air risque d’être anormalement élevée entre 2018 et 2022, au-delà des valeurs induites par le réchauffement climatique anthropique seul », précise le communiqué qui accompagne une étude publiée le 14 août dans Nature Communications.

Réchauffement anthropique, réchauffement naturel

En clair, les chercheurs du CNRS, de l’université de Southampton (Royaume-Uni) et de l’Institut royal météorologique des Pays-Bas ont dissocié dans leurs travaux deux phénomènes. Il existe d’un côté une tendance de fond au réchauffement du climat provoqué par les activités humaines. De l’autre, des phénomènes naturels, dont le plus connu est El Niño, qui induisent des cycles de quelques années ou quelques décennies et qui refroidissent ou réchauffent le climat.
Ce graphique montre l'évolution des températures de surface de la planète par rapport à la moyenne établie entre 1951 et 1980. Les trois dernières années 2015, 2016 et 2017 constituent les trois années les plus chaudes jamais enregistrées. L'année 2016 est plus chaude que l'année 2017, en partie à cause du phénomène El Niño, présent cette année là et absent en 2017. (© Nasa / GISS)
Cela explique pourquoi le réchauffement ne suit pas une courbe linéaire mais subit des fluctuations d’une année sur l’autre. Ces phénomènes servent de prétexte aux climatosceptiques pour nier la réalité du réchauffement créé par l’homme. Un argument récurrent des chantres du complot climatique : le « hiatus climatique », moment entre 2000 et 2010 où la vitesse du réchauffement climatique s’est notablement ralentie. « Le refroidissement naturel avait alors presque compensé le réchauffement climatique et certains disaient que celui-ci s’était arrêté. On croit comprendre aujourd’hui que c’était dû à ces variations naturelles », nous explique Florian Sévellec, chercheur CNRS au Laboratoire d’océanographie physique et spatiale et qui a dirigé l’étude.
Partant du principe qu’on pouvait étudier séparément ces deux phénomènes, les chercheurs ont mis au point un modèle pour prédire l’évolution de ces cycles naturels. Résultat : ceux-ci ont de fortes chances de réchauffer le climat dans les années à venir et de s’additionner avec les effets du réchauffement anthropique. « On voit que pour les années en cours, on va avoir une température de l’ordre de 2 ou 3 centièmes de Kelvin d’anomalie. On est pas loin de doubler le niveau d’un réchauffement climatique anthropique typique », détaille Florian Sévellec.

Fortes probabilités

Les chances que des phénomènes naturels très froids surviennent dans les 5 prochaines années sont quasi-nulles. Pour la période 2018-2022, la probabilité serait de l’ordre de 60 % d’avoir des phénomènes plus chauds et la probabilité monte à 70 % si l’on se cantonne à 2018-2020, précise le chercheur. Et les risques d’augmentation anormale de la chaleur seraient encore plus marquées pour les eaux de surface des océans.
Les scientifiques sont parvenus à ces résultats en puisant dans une dizaine de milliers de cas climatiques prédits par les modélisations réalisées dans les principaux centres de recherche climatiques au cours des XXe et XXIe siècles. À l’aide d’un algorithme, ils ont ensuite identifié des cas où les cycles naturels semblaient être dans des situations analogues à celle que nous connaissons aujourd’hui. Ils ont ainsi prédit comment ces cycles allaient s’ajouter au réchauffement d’origine humaine dans les cinq années à venir.
« Nous avons testé notre modèle en nous plaçant dans les conditions de différentes années, en 1980, 1970 ou 2000, en faisant comme si nous ne savions pas ce qui allait se passer ensuite. Et ces prévisions rétrospectives ont validé nos résultats et ont montré de bonnes capacités prédictives sur cinq ans », assure Florian Sévellec. La méthode serait même « au moins équivalente » en précision et en fiabilité aux méthodes classiques, avec l’avantage d’établir des prévisions en quelques minutes sur un simple ordinateur portable, apprentissage de l’algorithme compris, « quand il faut une semaine à des supercalculateurs pour les méthodes fondées sur des simulations classiques », souligne le communiqué de presse.

Canicule ou hiver doux ?

Reste maintenant à comprendre les conséquences sur le terrain de cette hausse du réchauffement dont l’année 2018, une fois achevée, devrait être une première confirmation. Les chercheurs aimeraient adapter leur modèle pour étudier le réchauffement à l’échelle régionale et ses conséquences en terme de sécheresse et de précipitations.
« On n’a pas prédit que tous les étés seraient comme 2018, prévient Florian Sévellec. Le climat sera plus chaud à l’échelle globale mais on n’a pas les détails pour savoir où et quand ça allait se manifester. Une année chaude peut être une année avec une forte vague de chaleur estivale, mais ça peut aussi être une année avec un été normal et un hiver particulièrement doux. »
Comme toujours, cette étude en appelle donc d’autres. « Il serait intéressant de la comparer à d’autres modèles, d’autres méthodes. C’est comme ça qu’on fait de la science, en comparant et confrontant les études », souligne le chercheur. La comparaison de milliers d’études accumulées depuis des dizaines d’années a déjà permis de conforter un fait scientifique : à moins d’un sursaut radical de notre part, les vagues de chaleur mortelles ne feront que s’amplifier.
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 (C'est la guerre des experts en ce qui concerne le réchauffements climatiques depuis l'élection de trump. Mieux vaut chercher les informations et se faire sa propre opinion. Les industriels disent que non ou disent que oui et ne changent pas leur politique de développement et les populations disent que oui. note de rené)

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