Allemagne - Target: La fin de l'Euro est désormais exigée par le Comité économique de la CDU au pouvoir à Berlin
Lorsque je taquine l’une de mes connaissances européistes sur le thème de la « sortie furtive » de l’euro, j’obtiens en général la réaction suivante : l’européiste grommelle quelques mots rageurs, desquels il ressort que je ferais partie de tous ces universitaires, dont le métier est de penser, et dont l’avis n’aurait au fond aucune importance ; et que ce n’est pas comme si des politiques au pouvoir, dont le métier est de décider, se laissaient aller à ce genre d’idées hérétiques et grotesques annonçant l’inéluctable fin de l’euro.
Je paraphrase un peu, mais c’est le sens.
Eh bien, ce n’est plus vrai. Désormais, en Allemagne, la fin implicite de l’euro fait partie, non plus seulement des réflexions mais aussi des exigences des cercles du pouvoir stricto sensu : il est dans tous les esprits dans le parti dominant, la CDU-CSU.
Le Conseil économique de la CDU a pris position sur le solde Target
Rappelons d’abord de quoi il est question. Avant toute chose, je voudrais présenter au lecteur, peu au fait des choses financières, un mot qui revient souvent dans les discussions d’experts : celui de « collatéral ».
Le collatéral désigne une sûreté réelle qu’un emprunteur met en gage auprès du prêteur quand il emprunte. Dans la vie courante, les hypothèques prises sur la maison que vous êtes en train d’acheter, ou les objets de valeur que vous laissez en gage au Mont-de-piété quand vous lui emprunter quelque argent, sont des exemples de collatéral, bien que, dans ces contextes, ce mot précis ne soit pas employé.
En finance, le collatéral est surtout constitué de titres obligataires (un actif parfaitement fongible et négociable à un montant précis), déposés chez le prêteur de l’argent liquide.
Ce que l’UPR appelle la « sortie furtive » (de l’Allemagne de la zone euro) est la décision qui consisterait à exiger que les nouvelles dettes Target ne puissent se faire que contre le dépôt d’une garantie saisissable par le créancier. On dirait alors que les Targets sont « collatéralisées ». Je rappelle que les « soldes Target », par abréviation les Targets, sont des dettes et créances entre banques centrales membres de l’Eurosystème, leur somme faisant zéro (si l’on compte les dettes avec un signe moins) parce que ce sont des dettes et créances dans un système fermé. Je renvoie pour des explications plus poussées à nombre de mes articles antérieurs et notamment à celui intitulé « Les miracles d’Alexandrie ont des limites », publié sur le présent site le 12 octobre 2016.
L’exigence de « collatéraliser » les Targets peut être justifiée de manières diverses, toutes excellentes et toutes frappées au coin du bon sens ; la seule justification qui n’est jamais avancée – parce qu’elle se heurte au Dogme de la Foi européiste-, et qui est pourtant la vraie, est que cette décision tuerait l’euro. Exiger le dépôt d’une garantie saisissable sur les Targets susciterait aussitôt l’apparition de cours de marchés (variables) entre les euros émis par les différentes banques nationales de la zone. J’en ai parlé bien des fois et je renvoie le lecteur qui découvrirait le sujet à mes quatre articles sur la question.
- « Pourquoi l’euro est condamné », notamment le paragraphe intitulé « La cautèle de M. Weidmann », publié le 16 février 2016
L’idée fait son chemin.
Elle fut d’abord défendue par tel ou tel économiste isolé, puis par tels ou tels économistes conjointement. Le 22 mai 2018, nous reportions avec gourmandise que 154 économistes allemands, et non des moindres, avaient signé un manifeste où figurait, entre autres, cette demande précise que les nouvelles dettes Targets soient « collatéralisées », c’est-à-dire, donc, garantis par le dépôt d’une valeur quelconque. Ce qui revenait, de la part de ces 154 économistes allemands, à exiger que l’Allemagne tue l’euro comme Sainte Nitouche, sans le dire.
Cette fois-ci, c’est encore plus grave – ou réjouissant -, cela dépend du point de vue.
On vient d’apprendre par la presse allemande, notamment via le magazine hebdomadaire d’affaires allemand Wirtschafswoche, que le Conseil économique de la CDU (Wirtschaftsrat) réclame désormais à son tour que soient « collatéralisées » les nouvelles dettes Targets.
Or, le Wirtschaftsrat (Conseil économique) de la CDU, ce n’est pas de la gnognotte. C’est la structure qui regroupe ce que l’on appellerait, chez nous, les responsables nationaux des questions économiques et monétaires de ce parti. Et la CDU, ce n’est pas l’AfD : la CDU est actuellement le parti politique le plus important d’Allemagne, c’est le parti de la Chancelière Angela Merkel, c’est le parti qui est au pouvoir à Berlin depuis treize ans (novembre 2005). Les opinions qui sont formulées au sein de son Conseil économique officiel ne sont donc pas à prendre à la légère, et n’ont d’ailleurs pas été rendues publiques à la légère non plus !
Pendant que les médias français étaient tous occupés à scruter les frasques élyséennes, le Wirtschaftsrat (Conseil économique) de la CDU a publié deux textes officiels consacrant ce tournant majeur de la pensée de la CDU sur l’euro.
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