Ouvrir les yeux : Le « CPA » et l’avenir de la Sécurité sociale vu par l’Institut Montaigne
source : Les Brindherbes engagés
MACRON/FILLON : y AXA de vrai… ou l’avenir de la Sécurité sociale vu par l’Institut Montaigne
(NDLR : CPA = Compte Personnel d’Activité)
Le président d’AXA, du Groupe de Bilderberg et de l’Institut Montaigne, De Castries, est tuteur de l’un. Le président d’honneur d’AXA, vieux parrain du capitalisme français, Bébéar, est tuteur de l’autre.
Alors quand Fillon et Macron voguent dans un bateau armé par l’Institut Montaigne et battant pavillon « Mort à la sociale », et que l’un des deux tombe à l’eau, que reste-t-il ?… : l’autre.
Le Medef, en misant sur ces deux VRP, joue donc à qui perd gagne, tant l’objectif de tordre le cou de la Sécurité sociale en la vidant de ses cotisations sociales (notamment maladie et chômage pour commencer) est au centre de leurs programmes communs.
Une illustration récente en est le récent rapport de l’Institut Montaigne, un Institut qui est un Medef ++, rassemblant toutes les tendances mais aussi de grands groupes hors Medef (Caisse des dépôts, EDF, Orange, La Banque postale, RATP, SNCF).
Ce rapport consacré au devenir souhaité du Compte Personnel d’Activité (C.P.A) résonne avec les volontés brutalement exprimées par l’un, et algorithmiquement susurrées par l’autre. Pour vider la Sécurité sociale, il y a la technique Uber, discrètement consacrée par la loi travail, qui permet d’en priver des travailleurs en les déclarant « indépendants ». Et puis il y a la technique qui consiste à transformer le C.P.A. en le remplaçant par un « Capital Emploi Formation » (C.E.F), une ode à la liberté individuelle…
Le rapport commence par le constat satisfait d’une casse des garanties des travailleurs bien engagée par les gouvernements successifs, en ajoutant que dans les programmes des candidats à la présidentielle, on peut enfin espérer la fin du CDI. Mais continuer la casse va nécessiter de la « pédagogie » : le rapport évoque la difficile « acceptabilité politique et sociale de la flexibilité », car, malgré tous les bienfaits de celle-ci, les esprits de la masse ignorante ne semblent pas encore prêts : « la grande majorité des salariés du pays ne peut pas percevoir aujourd’hui en quoi une flexibilisation de leur CDI pourrait accroître leur bien-être ».
La tactique est la suivante, on va continuer à raboter les droits conquis aux XIXème et XXème siècles sur le contrat de travail, mais on va rassurer sur les ruptures de contrat qui vont se multiplier : « une réforme d’ampleur visant à flexibiliser le droit du contrat de travail ne sera viable politiquement que si elle est accompagnée de l’invention de nouvelles protections volontaristes et concrètes, visibles de tous et raisonnablement efficaces ».
Raisonnable :
Premier principe, que cela ne coûte pas plus cher aux employeurs : « l’enjeu est moins de recourir à des ressources financières supplémentaires que de mobiliser beaucoup plus efficacement les ressources existantes ».
Deuxième principe : que cela coûte plus cher au salarié : « Il doit également être encouragé et incité financièrement à investir personnellement dans la préservation ou le développement de son employabilité ».
Après avoir rappelé tous les espoirs mis dans le C.P.A (« Les ambitions de ce compte sont considérables »), la promotion du C.E.F qui le remplacerait passe par une opération vérité : le C.P.A tant vanté par les « partenaires sociaux » était bien l’arnaque que nous étions très peu nombreux à dénoncer. Ce compte ne créé pas de véritables droits. Le nombre d’heures de formation est trop faible pour permettre une vraie formation ; les heures de formation prévues ne sont pas financées (« l’équilibre financier du système actuel ne sera assuré que si, comme c’est le cas aujourd’hui, les salariés restent très mal informés de leurs droits ») ; le droit à la formation est soumis à l’accord de l’employeur et le contenu de la formation est contraint, ce qui heurte la conception que l’Institut Montaigne se fait de la liberté !
Pour les rédacteurs du rapport, ce qu’il convient de faire est limpide :
1/ D’abord simplifier en enlevant du C.P.A le C.E.C (« Compte Engagement Citoyen ») et, après les présidentielles, le C.P.P.P (le mal nommé « Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité »).
2/ Transformer le C.P.A en un C.E.F, qui serait un C.P.F (« Compte Personnel de Formation ») tel que le rapport préparatoire à la loi travail l’avait prévu : un décompte en points des droits transformables en euros, constituant un capital déposé à la Caisse des dépôts et consignations.
3/ Avec ce capital, désormais non plafonné, le salarié et le faux indépendant (« indépendant dépendant ») pourraient acheter avec un « chéquier électronique » des formations ainsi que d’autres prestations, car, point essentiel, il n’y aurait plus de distinction entre formation et accompagnements divers tel que coaching, bilan de compétences, prestations de placement et d’accompagnement à la recherche d’emploi. Pôle emploi (ou plutôt la filiale qui serait créée) deviendrait un opérateur parmi d’autres, car il faut mettre fin à cette situation où Pôle emploi « empêche la création d’un véritable marché de l’accompagnement ».
4/ Pôle emploi ainsi délesté de ses missions, le versement des cotisations patronales à l’UNEDIC (2,12 milliards d’euros) ne se justifierait plus (c’est là qu’il faut se souvenir des propos de Macron sur la « nationalisation » de l’UNEDIC…).
5/ Les cotisations salariales, elles, continueraient à être versées (1,28 milliards) car elles pourraient servir à rémunérer les salariés qui se formeraient pendant le temps de travail. En effet les employeurs ne pouvant plus refuser les demandes de formation dans le nouveau système C.E.F, la contrepartie naturelle de cette incroyable liberté du salarié, c’est qu’il ne serait pas payé s’il prenait les heures de formation sur le temps de travail (p 51 du rapport). Si on ajoute qu’en page 52, il est raisonnablement rappelé que, bien entendu, l’employeur pourra refuser les formations pendant le temps de travail si cela est préjudiciable à « la bonne marche de l’entreprise », il n’y aura plus de formation pendant le temps de travail. De même toutes les prestations autres que la formation se feraient hors temps de travail.
6/ Autre liberté offerte au salarié, son choix ne serait pas réduit aux seules formations aujourd’hui « éligibles ». Il choisira librement parmi celles proposées par les opérateurs. Ce seraient les organismes de formation qui deviendraient éligibles, labellisés par un « organisme certificateur indépendant » et faisant l’objet d’un arrêté. Au bout du compte, les formations seront les mêmes qu’avant, c’est-à-dire celles que les employeurs estiment utiles pour eux, mais c’était quand même audacieux d’envisager cette nouvelle liberté.
7/ L’essentiel est de savoir ce que vont payer les employeurs pour le C.E.F : au total moins qu’aujourd’hui mais on le dira pas. En effet :
. Pour la formation, ce sera à peu près la même chose qu’aujourd’hui en fusionnant le C.P.F (DIF) et le CIF (qui disparaîtrait) ;
. Plus rien pour le fonctionnement de Pôle emploi, on l’a vu ;
. Et une contribution au C.E.F lors des ruptures de contrat, calculée en pourcentage des salaires versés, contribution dont serait déduite une partie des indemnités de rupture actuelles (à hauteur de 35 % pour les CDI ; 1,5 % pour les CDD dont l’indemnité de précarité passerait donc de 10 à 8,5 %).
8/ Ce nouveau mode de financement permettra d’avancer discrètement vers la casse du droit social poursuivie :
. tout d’abord toutes les sommes versées au C.E.F seraient « exonérées de toutes charges sociales et fiscales » (et le rapport anticipe que pourront être affectées au C.E.F les heures supplémentaires à paiement différé, comme les « RTT » et autres « compte épargne temps » …) ;
. ensuite les employeurs ne verseront plus de cotisations à l’UNEDIC pour le fonctionnement de Pôle emploi ;
. enfin le versement d’une contribution à la rupture en fonction des salaires versés est une anticipation de la fin du CDI : « Elle supprime aussi tout effet de seuil et efface en grande partie la distinction entre CDD et CDI, comme celle entre les types de rupture (période d’essai, licenciement, rupture conventionnelle) ».
9/ Si le salarié n’a pas assez de capital pour acheter ses formations, pas de difficulté, l’Etat ou les régions pourront faire un effort de solidarité nationale…, les salariés paieront donc avec leurs impôts.
10/ Quant au chômeur, il reviendra moins cher avec la disparition du Contrat de Sécurisation Professionnelle lié aux licenciements pour motif économique, qui permet une meilleure indemnisation du chômage pendant 12 mois ; mieux, l’obligation d’utiliser son « capital » dans les six mois va permettre d’alimenter les caisses des opérateurs privés de l’ « accompagnement ».
Le VRP Fillon veut diminuer les indemnités des privés d’emploi, quant au derviche tourneur Macron, il veut les « responsabiliser », par exemple avec l’interdiction de refuser plus d’une offre d’emploi…
Pour les présidentielles, un décodeur va devenir indispensable.
Richard Abauzit
SOURCE : http://www.filoche.net/
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