dimanche 19 février 2017

source : Le blog de Algérie-Infos
Publié par Saoudi Abdelaziz
Vandana Shiva raconte les méfaits de la "Révolution verte". Photo DR
Vandana Shiva raconte les méfaits de la "Révolution verte". Photo DR
Des dizaines de milliers d'hectares commencent à être attribué à des consortiums américains. Objectif -non avoué- : importer la "Révolution verte en Algérie en intensifiant l'exploitation des terres et en imposant des variétés de semences. Première protestations en  Algérie. Vandana Shiva, l'écologiste indienne raconte la genèse et les méfaits de la "Révolution verte".
L'économiste algérien Ferhat Aït Ali alerte sur leméga projets agricoles engagés avec un consortium américain, parrainé par les pouvoirs publics. Selon lui, Les projets d’El Bayadh et d’Adrar peuvent nécessiter le pompage en eau «chaque année de l’équivalent du barrage de Beni Haroun sans aucune garantie de résultat». Et d’ajouter : «Pour nourrir en même temps un cheptel, de nature à produire 190 millions de litres de lait et 20 000 tonnes de viande, il faut tabler sur place pour un cheptel global de 22 000 vaches laitières et de 100 000 bovins, soit des besoins en terres pour le fourrage uniquement de l’ordre de 110 000 hectares, soit 770 millions de mètres cubes d’eau, par projet et 1,4 milliard pour les deux.»
La "Révolution verte" racontée par Vandana Shiva.
La militante écologique indienne Vandana Shiva, évoque les méfaits de cette "révolution" là où elle a été imposée en l'Afrique : "Le lac Tchad, d’une surface de 22 000 km, a vu ses eaux détournées afin d’irriguer le modèle de production intensive imposé par la Révolution verte, tourné vers l’export et le profit. 80 % des eaux n’allaient plus dans le lac ; il a donc séché, telle la mer d’Aral, à cause du coton. Ce modèle d’agriculture chimique intensive tournée vers le profit implique une surconsommation qui assèche les ressources en eau, et génère des conflits." Vandana Shiva a accordé une longue interview à la revue Ballast. Quelques extraits:
L'expérience de l'Inde
Cette « révolution » a été imposée par les États-Unis et le secteur des affaires en 1965. Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie chimique (qui avait produit des substances destinées à un usage militaire) recherchait des marchés où s’étendre afin de pouvoir vendre ces mêmes produits… au secteur de l’agriculture. L’Agent orange fut utilisé lors de la guerre du Viêt Nam et le zyklon B dans des camps de concentration.
Son concepteur, la société IG-Farben [IG-Farbenindustrie AG, qui comprend également l’entreprise Bayer, ndlr], avait des partenariats avec tous les géants américains de la chimie, dont l’entreprise Monsanto. Celle-ci avait par ailleurs lancé une compagnie en commun avec Bayer, MOBAY. En tant que concepteurs de chimie militaire, la fabrication de ces produits relevait de leur cœur d’activité. Mais ils ont été suffisamment intelligents pour se dire qu’ils allaient cibler un nouveau marché et vendre leurs produits en tant qu’engrais chimiques : ils ont attendu.
Mais l’Inde n’a pas accepté cette « révolution ». Les plantes non plus, car les semences indigènes ne supportent pas les fertilisants : elles poussent de manière très égale et ont un problème de verse [la « verse » des plantes est la tendance à s’effondrer, à se plier, rendant la récolte difficile et le rendement moindre, ndlr] lorsqu’elles y sont exposées. En partant de cette observation, Norman Borlaug, le scientifique à la tête du laboratoire de défense chez DuPont, a mis en chantier la production de variétés naines qui pouvaient supporter plus de produits chimiques : voilà ce qu’a été la Révolution verte.
Chantage
En 1965, nous avons connu une sécheresse — prétexte qui a été utilisé par les États-Unis pour imposer ces mesures à l’Inde —, simplement parce que le pays avait besoin d’un peu plus de blé cette année-là. Le gouvernement américain a dit : « Désolé, nous ne vous livrerons pas de blé à moins que vous n’acceptiez les produits chimiques et que vous ne changiez votre agriculture. »
Notre Premier ministre de l’époque, Lal Bahadur Shastri, a refusé. Il a répondu qu’il ne pouvait faire une telle expérience sur une population aussi grande de paysans mais qu’il accepterait de le tenter à une plus petite échelle. Les États-Unis ont insisté. Lal Bahadur Shastri mourut ensuite de manière très mystérieuse, durant des pourparlers de paix avec le Pakistan, à Tachkent. Indira Gandhi devint alors Première ministre, et c’est sur elle que la pression s’est exercée. La révolution verte, c’est donc cet agro-business américain complètement lié à l’industrie militaire. Comment est-ce que cela se concrétise aujourd’hui ? Cette industrie a réalisé qu’elle pouvait faire de l’argent, pas seulement en vendant des produits chimiques. Grâce à l’ingénierie génétique et à ses instruments, elle peut désormais proclamer qu’elle fait la vie, qu’elle peut donc produire le modèle des semences.
« Rendons illégal de posséder des semences, et ce sera le plus grand profit que nous aurons jamais. Parce que tous les ans, chaque paysan devra nous acheter des semences. » C’est ce que j’ai entendu lors d’une conférence à laquelle j’assistais à Genève, en 1987, et c’est à ce moment que j’ai réalisé ce que je voulais faire. J’ai donc créé Navdanya, avec comme engagement de sauver les semences et la liberté des paysans ; je suis très heureuse de pouvoir dire que Monsanto n’a pas eu gain de cause. L’objectif de la firme était de faire interdire toute conservation de semence par le droit international, mais elle n’y est pas parvenue.
La carte de Bill Gate
En Inde, nous avons dit : « La vie n’est pas une invention, les plantes et les animaux ne peuvent être brevetés. » Le Brésil et l’Argentine ont tenu le même discours. L’attaque se fait désormais par les lois que nous mettons en place. Vous évoquez « l’état des forces en présence » ; nous avons vu, auparavant, la convergence de cette industrie qui, aujourd’hui, se divise désormais en trois : l’alliance entre Monsanto et Bayer, la fusion en cours des groupes DuPont et Dow Chemical, responsable de la catastrophe de Bhopal, Dow ayant racheté Union Carbide, et celle de Syngenta et ChemChina.
Mais ce ne sont pas seulement ces géants-là qui grossissent en fusionnant. Ils fusionnent également avec d’autres secteurs. Les deux plus grosses fusions et convergences de secteurs se font en premier lieu avec l’ingénierie mécanique. Par exemple, la société de machines agricoles John Deere a un accord avec Monsanto. Les tracteurs de l’entreprise viennent sur vos terres et collectent des données sur le sol. Celles-ci vont ensuite à Monsanto, qui pourra les vendre aux paysans comme une nouvelle marchandise. Il faut savoir que Monsanto a ainsi acheté la plus grosse société mondiale de données sur le climat, et la plus importante de données sur le sol. La vente de données est donc leur prochain grand business.
C’est également là que Bill Gates intervient, en imposant la révolution verte en Afrique, pas seulement avec les fertilisants et les semences, mais en utilisant les technologies de l’information pour breveter les semences ancestrales. Or ces gens-là n’ont pas étudié ces semences ! Ils ne savent pas ce qu’il y a en elles, mais ils peuvent produire une carte de leur génome. Tout comme les colons qui prenaient des territoires et dressaient des cartes, ces entreprises font désormais des cartes au niveau du génome. C’est une vision de contrôle total, quand nous avons davantage une vision de la liberté totale ! (rires) Et ces deux visions sont en lutte constante.
Source Ballast

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