Le régulateur financier européen recommande d'interdire le minage du bitcoin
Trop énergivore, le modèle de la blockchain Bitcoin, celui de la "preuve de travail", est pointé du doigt par un dirigeant de l'Autorité européenne des marchés financiers, qui envisage son interdiction en Europe.
RAPHAËLE KARAYAN | PUBLIÉ LE 24 JANVIER 2022 À 12H30 L'Usine Digitale
Alors que le bitcoin est en plein crash, les nouvelles ne sont pas bonnes pour la cryptomonnaie phare. De plus en plus de nations cherchent à interdire le minage, l'activité qui sert à créer des bitcoins et à valider les transactions passées sur le protocole. L'une des raisons invoquées est le caractère énergivore du minage, qui nécessite de grandes ressources en électricité pour effectuer les calculs informatiques dont il dépend.
UNE MENACE POUR L'ACCORD DE PARIS
La semaine dernière, le vice-président de l'Autorité européenne des marchés financiers (Esma), Erik Thedéen, a déclaré dans le Financial Times qu'il serait bon d'interdire le minage basé sur la "preuve de travail" ("proof of work"), afin de contraindre l'industrie à s'orienter vers le modèle de "preuve d'enjeu" ("proof of stake"). Le suédois estime que le minage de Bitcoin constitue une menace pour la réalisation des objectifs de l'Accord de Paris. Selon l'Esma, le minage du Bitcoin "pourrait consommer autant d'énergie que l'Italie et l'Arabie saoudite réunies d'ici à 2024, s'il n'est pas maîtrisé".
Le modèle de la preuve de travail est utilisé par les deux principales cryptomonnaies en circulation : le bitcoin et l'ether. Il repose sur la réalisation de calculs de plus en plus complexes à mesure que la quantité de bitcoins augmente. Dans le système décentralisé de la blockchain, la sécurisation des transactions est atteinte non pas par un tiers de confiance, mais par la résolution d'équations réalisables en théorie par tous, en parallèle. A l'heure actuelle, seuls des équipements dédiés, consommant beaucoup d'électricité, sont en mesure de parvenir à résoudre ces équations avant les autres. Le premier qui y parvient est récompensé par la création d'un nouveau coin.
LA PREUVE D'ENJEU, LE FUTUR D'ETHEREUM
La preuve d'enjeu propose une forme alternative de consensus. Dans ce modèle, la validation et la création de nouveaux blocs repose sur la mise sous séquestres d'une quantité de cryptomonnaie sur le réseau ("staking"). Au lieu de mettre en commun de la puissance de calcul, on met en commun des fonds. Ce ne sont pas les validateurs les plus équipés qui ont le plus de chances d'effectuer la validation, mais les plus riches. Le modèle assure la sécurisation du processus dans la mesure où s'il y a dysfonctionnement, la somme engagée en garantie peut être perdue. A la fin, celui qui a validé est récompensé en nouvelle unité de cryptomonnaie, comme dans le système de la preuve de travail.
La blockchain Ethereum a prévu de basculer vers ce modèle de la preuve d'enjeu (Ethereum 2.0) dans le courant de l'année 2022.
LA RUSSIE EN PASSE D'INTERDIRE LES CRYPTOMONNAIES
La Suède envisage elle-même d'interdire le minage basé sur la preuve de travail. "Le bitcoin est devenu un problème national pour la Suède en raison de la quantité d'énergie renouvelable dévolue au minage. Il serait ironique que l'énergie éolienne générée le long de nos côtes serve à miner du bitcoin", a expliqué au FT Erik Thedéen, qui est également directeur général de l'autorité de régulation financière suédoise.
D'autres pays ont déjà été plus loin. La Banque centrale de Russie a proposé le 21 janvier d'interdire le minage, les investissements et les paiements en cryptomonnaie dans le pays, où sont installées d'importantes fermes de minage (notamment en Sibérie). La Chine l'a déjà fait en 2021. Dans les deux cas, les raisons ne sont pas seulement environnementales, mais aussi politiques.
Selon un rapport du Congrès américain, d'autres pays ont déjà banni les cryptomonnaies : l'Algérie, l'Égypte, l'Iraq, le Maroc, le Népal, le Quatar et la Tunisie. Quant aux États-Unis, le modèle de la preuve de travail y est également dans le viseur de la Chambre des représentants, qui mène des auditions sur le sujet pour explorer son impact environnemental.
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