Votre employeur a-t-il le droit de vous géolocaliser ? (France)
GÉOLOCALISATION SUIVRE CE SUJET
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Téléphone professionnel, GPS du véhicule de société… votre employeur peut-il utiliser des outils pour vous géolocaliser ? Décryptage de Margaux Berbey, juriste en droit social pour les Éditions Tissot, éditeurs de documentations spécialisées en droit du travail depuis plus de 40 ans pour les RH et les CSE.
Par Margaux Berbey
Publié le 29/11/2021 à 9h10 & mis à jour le 29/11/2021 à 10h12
La géolocalisation permet de situer les véhicules ou autres matériels appartenant à l’entreprise (téléphones, badges, etc.) grâce à un dispositif GPS permettant leur localisation géographique immédiate. Par là même, la géolocalisation permet de connaître la position géographique des salariés. Un tel dispositif peut présenter un intérêt pour l’employeur, lorsqu’il s’agit par exemple de suivre l’activité des salariés et leur temps de travail, de gérer en temps réel les interventions auprès des clients ou encore de lutter contre le vol. D’après une étude récemment dévoilée par GetApp, 26% des salariés affirment être géolocalisés par leur employeur dans le but de contrôler leurs horaires et 25% le sont pour assurer leur sécurité.
Mais une telle pratique est-elle autorisée ? Dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, l’employeur dispose d’un pouvoir de direction, qui lui permet de contrôler l’activité de ses salariés. Mais ce pouvoir de contrôle connaît des limites, notamment lorsqu’il s’agit d’utiliser des outils susceptibles de porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux des salariés. C’est le cas des systèmes de géolocalisation, qui peuvent rapidement constituer une intrusion dans la vie privée des salariés. C’est pourquoi leur mise en place, bien qu’autorisée dans certaines situations, est strictement réglementée.
Géolocalisation des salariés : un outil très encadré
Comme pour toute restriction aux droits et libertés des salariés, la mise en place d’un système de géolocalisation doit être justifiée par la nature de l’activité de l’entreprise et proportionnée au but recherché. Ainsi, la géolocalisation des salariés pour contrôler leur durée de travail doit être utilisée uniquement en dernier recours, lorsque ce contrôle ne peut pas être opéré par un autre moyen. Dès lors que le contrôle du temps de travail peut être effectué par un autre outil, par exemple via une badgeuse, un système auto-déclaratif ou un compte-rendu journalier de vos horaires de travail, la mise en place de la géolocalisation est illicite. L’employeur doit alors privilégier cet outil alternatif à la géolocalisation, quand bien même il serait moins efficace.
Le recours à la géolocalisation doit également être exclu dès lors que le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail. Ainsi, si vous êtes relativement indépendant dans l’organisation de votre activité et dans la gestion de votre emploi du temps, l'utilisation d'un système de géolocalisation n’est pas justifiée. Vous êtes dès lors en droit de refuser la mise en place de ce dispositif, et votre refus ne pourra pas constituer une faute.
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Une obligation d’information préalable des salariés et du CSE
L’employeur a l’obligation d’informer chaque salarié préalablement à la mise en place d’un dispositif de géolocalisation, lorsque ce dispositif a pour finalité de contrôler l’activité des salariés. Cette information doit être individuelle : il peut s’agir par exemple d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service transmise et signée par chaque salarié. Si vous n’avez pas été informé de l’installation du dispositif de géolocalisation, alors les éléments recueillis via ce dispositif sont illicites : votre employeur ne pourra pas les utiliser pour prouver une faute que vous auriez éventuellement commise.
L’employeur doit également informer et consulter les représentants du personnel avant toute décision de mise en œuvre de moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. L’absence de consultation du CSE constitue un délit d’entrave, qui expose l’employeur à une amende de 7.500 euros. Enfin, la mise en place de la géolocalisation implique le traitement de données à caractère personnel concernant les salariés. De ce fait, l’employeur doit respecter les dispositions du RGPD, et notamment inscrire le dispositif dans le registre des activités de traitement.
Attention : le système de géolocalisation ne peut pas être utilisé par l’employeur pour une autre finalité que celles qui ont été portées à votre connaissance. Toute autre utilisation, par exemple pour contrôler l’activité des salariés alors que le dispositif a été déclaré dans le but de lutter contre le vol, est illicite et pénalement sanctionnée.
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Utilisation des données de géolocalisation par l’employeur : quelles limites ?
Si votre employeur a mis en place un système de géolocalisation dans votre entreprise, dans le respect de la réglementation, sachez que l’utilisation des données collectées par ce système est également très encadrée. D’abord, la géolocalisation ne doit jamais être utilisée pour contrôler en permanence les salariés. Cela signifie que votre employeur ne doit utiliser aucune donnée qui serait collectée en dehors de vos heures de travail, c'est-à-dire pendant les temps de pauses, les temps de trajets domicile-lieu de travail, etc. La Cnil précise d’ailleurs que vous devez pouvoir, quelle que soit la finalité du dispositif, désactiver la fonction de géolocalisation à l’issue de votre temps de travail ou pendant vos pauses. Votre employeur pourra toutefois vous demander des explications s’il constate des désactivations trop fréquentes ou trop longues du dispositif. Dans le cadre d’un outil de géolocalisation installé dans un véhicule de société, l’employeur ne peut pas se servir des données collectées pour contrôler le respect des limitations de vitesse. Enfin, sachez que vous disposez d’un accès aux données vous concernant enregistrées par l’outil de géolocalisation.
Notez-le : un dispositif de géolocalisation ne peut en aucun cas être utilisé pour suivre les déplacements des représentants du personnel dans le cadre de l’exercice de leur mandat.
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