jeudi 21 février 2019


Quand les citoyens se mobilisent contre le glyphosate et portent plainte (France)
 Le 21 février 2019 source : Kaizen
Avons-nous tous des pesticides dans notre organisme ? C’est ce que questionne la Campagne Glyphosate, lancée en avril 2018 en France, par le collectif Les Faucheurs volontaires.L’objectif ? Prélever et analyser les urines des citoyens pour mesurer le taux de glyphosate qu’elles contiennent et ainsi porter plainte collectivement pour «mise en danger de la vie d’autrui».

«Je suis bio à 90%, végétarien depuis quarante ans, je vis dans une petite ville sans culture autour et j’ai pourtant un taux de glyphosate qui est trente fois plus élevé que la dose autorisée dans l’eau potable.»

Dominique Masset ne s’attendait pas à dépasser les 3 mg/ml de pesticides dans son organisme – contre la moyenne européenne autorisée dans l’eau du robinet établie à 0,1 mg/ml. En 2018, il décide alors de lancer en Ariège, avec le collectif des Faucheurs volontaires, une campagne contre le glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde pourtant classé «cancérogène probable» depuis 2015 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[1]. Le but ? Prélever et analyser les urines de citoyens et mesurer le taux de glyphosate qu’elles contiennent et ainsi alerter sur l’omniprésence des pesticides de synthèse dans l’environnement.

Des résultats 100% positifs au glyphosate

Pour ce faire, les volontaires sont invités à se rendre le matin et à jeun dans une salle réservée par l’association à une date précise – généralement par groupes de cinquante personnes – pour effectuer un prélèvement d’urine en présence d’un huissier de justice. Les échantillons prélevés sont stérilisés puis envoyés dans un laboratoire spécialisé en Allemagne.  «Sans exception, les trois cents personnes testées en Ariège, quels que soient leur âge, leur situation géographique et leur mode de vie, ont du glyphosate dans leur corps… Personne n’y échappe», constate Dominique. « Les enfants ne sont pas épargnés avec des taux à 0,9 mg/ml… Ce qui représente une quantité énorme par rapport à leur masse corporelle », précise-t-il.

Après un succès rencontré auprès des citoyens ariégeois, la campagne s’est rapidement étendue dans cinquante-cinq départements français avec près de sept cents prélèvements déjà effectués – un chiffre qui évolue chaque semaine. «Depuis la rentrée scolaire 2018, on a fait un gros travail de contact, d’explications téléphoniques, de rencontres et d’envoi de maquettes pour que chaque département lance son groupe de prélèvement et soit autonome», détaille Dominique. «On devrait atteindre les quatre-vingt départements d’ici les prochaines semaines», ajoute-t-il.

Plus de six cents plaintes déposées contre dirigeants et fabricants

Pour agir de manière concrète, la campagne ne s’arrête pas simplement aux prélèvements mais invite chaque participant à se rendre ensuite au tribunal et à porter plainte pour «mise en danger d’autrui», «tromperie aggravée» et «atteinte à l’environnement». «La particularité de notre plainte est qu’elle s’attaque à des personnes et non à des entités morales», explique Alain Boyer, président de la campagne glyphosate dans le Tarn-et-Garonne, ouverte en ce début 2019.

Ainsi, dans le viseur, des dirigeants de Bayer-Monsanto, Barclay Chemicals, Adama France, mais aussi les décideurs à l’origine de la commercialisation du glyphosate comme les membres de la Commission européenne ou encore l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). «On est conscients qu’au niveau juridique, tout cela prendra énormément de temps puisqu’on s’attaque à des monstres en puissance mais ça ne nous fait pas peur», ajoute Alain Boyer. «C’est peut-être le plus gros scandale sanitaire du XXIesiècle, donc il faut foncer.»

Même si la démarche globale a un certain coût – le citoyen volontaire prépaye son prélèvement et les frais d’huissier à hauteur de 85 euros et ajoute, s’il le souhaite, 50 euros pour déposer plainte – les gens sont nombreux à répondre à l’appel. «À ce jour, 645 plaintes ont été déposées ou sont en cours de dépôt», se réjouit Dominique Masset. «Je pense que c’est une réelle prise de conscience pour les gens et cette campagne permet aux citoyens de poser un acte de défense et de sortir de l’impuissance», conclut-il.
Lien entre glyphosate et modes de vie

Pour appuyer la Campagne Glyphosate, les initiateurs du projet ont mis en place un groupe de scientifiques composé de médecins, biologistes, sociologues, statisticiens et autres spécialistes dans le but d’établir des corrélations entre les modes de vie des personnes prélevées et les taux de glyphosate observés.
«Ces spécialistes se basent sur les questionnaires que nous avons distribués aux personnes volontaires pour tout analyser et tirer les premières conclusions», explique Dominique Masset. «Nous allons réaliser d’autres prélèvements sur les mêmes personnes à des dates différentes pour avoir un échantillon le plus représentatif possible car les taux varient selon les saisons, sans doute liés aux périodes de traitement des espaces agricoles», précise-t-il.

Plusieurs députés dépistés

Au-delà de l’action citoyenne, la campagne prend aujourd’hui une dimension politique et s’invite même jusqu’aux bancs de l’Assemblée nationale. Plusieurs députés – dont certains de La République en marche et de La France insoumise – ont participé à un prélèvement d’urine ce mercredi 20 février 2019 à Paris pour analyser le taux de glyphosate dans leur organisme.
«C’est une façon, pour beaucoup de citoyens, par cette stratégie de harcèlement judiciaire, d’obliger les pouvoirs publics à agir et à protéger la santé, celle des agriculteurs mais aussi celle de toute la population», a expliqué Delphine Batho, députée et présidente de Génération écologie sur France inter. La plupart d’entre eux, après avoir reçu les résultats de leurs analyses dans les dix jours, déposeront plainte au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris pour faire pression, avec les citoyens, sur le gouvernement.

Pour rejoindre la Campagne Glyphosate et trouver un bureau de prélèvements près de chez vous : ICI

Par Maëlys Vésir 
[1] Une nouvelle étude, publiée le 10 février 2019 par des chercheurs américains, vient confirmer les constats de l’OMS. Elle établit un lien direct entre cancer du sang et glyphosate et souligne que le risque de développer ce lymphome est 41% plus élevé pour les personnes les plus exposées.


Aucun commentaire: