samedi 1 septembre 2018

Quand l’Allemagne joue avec le feu en cherchant une nouvelle fois à faire venir des immigrés hors UE pour satisfaire les besoins de son économie


source : Atlantico Laurent Chalard
Laurent Chalard est géographe-consultant, membre du think tank European Centre for International Affairs.

Dans un contexte d'une économie allemande qui flirte avec le plein emploi, le gouvernement d'Angela Merkel chercherait à trouver une solution au manque de personnel qualifié. Ainsi, dans un pays ou plus de 1 million d'offres d'emplois ne trouvent pas preneur, l'Institut de l’économie allemande estime que 440 000 postes ne pourront être occupés par des travailleurs locaux, ouvrant la voie à la solution d'une immigration de personnes hors Union européenne.

Atlantico : Comment comprendre le gouvernement allemand dans cette volonté, alors même que le continent se trouve politique fracturé sur cette question migratoire, et que l'Allemagne connaît elle-même des tensions, notamment à Chemnitz ces derniers jours ? 

 
Laurent Chalard : La position du gouvernement allemand s’explique par sa vision purement économiciste de la gestion de son pays, du fait d’une difficulté à envisager les conséquences de l’immigration sur le plan culturel consécutive de son histoire. En conséquence, face à un manque de main d’œuvre, lié à une dénatalité qui dure depuis plus de 40 ans, il ne voit comme seule porte de sortie que l’importation importante de travailleurs qu’ils souhaitent désormais qualifiés, étant donné la sérieuse déconvenue de l’immigration « syrienne », sous-qualifiée, ne répondant pas aux besoins de l’économie allemande.
Cependant, cette prise de décision serait très risquée politiquement car il ne sera pas évident d’expliciter aux citoyens allemands que l’arrivée des migrants syriens n’a servi à rien et qu’il faut désormais faire venir encore d’autres étrangers pour remplir les besoins de main d’œuvre. 
 
Manifestement, l’Allemagne s’est aveuglée pendant des décennies sur les conséquences de sa dénatalité à long-terme, se retrouvant dans une situation de dernière extrémité, où elle ne sait plus quel moyen utiliser pour attirer de la main d’œuvre qualifiée, une main d’œuvre, par définition, rare à l’échelle internationale. La démographie est en train de jouer un mauvais tour à une élite trop sûre d’elle, persuadée de la supériorité de son modèle de développement économique, qui n’a pas voulu voir venir les problèmes, alors que les experts internationaux avaient tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps. 
 

Dans un tel contexte, quelles sont les autres solutions de court terme qui peuvent s'offrir à l'Allemagne ? 

 
Il n’existe pas beaucoup de solutions de court terme pour résoudre le problème. En effet, sur le plan démographique, l’hypothétique baby boom allemand n’aurait un effet sur le marché du travail qu’à moyen-terme. La principale solution de court terme est donc d’ordre technologique, une augmentation soutenue des gains de productivité, par une poursuite de la robotisation dans le secteur secondaire, mais surtout par une meilleure organisation de la production dans le secteur tertiaire, où les potentialités de gains de productivité demeurent importantes. Par exemple, l’arrivée des intelligences artificielles devrait réduire le nombre de personnes nécessaires pour la réalisation de certaines tâches. L’immigration est une solution de facilité pour des élites politiques en manque d’imagination. Une autre solution pourrait être aussi la délocalisation des activités demandeuses de beaucoup de main d’œuvre dans des pays étrangers disposant d’un stock suffisamment important de main d’œuvre qualifiée, mais, en règle générale, un gouvernement préfère que ce soit la main d’œuvre qui vienne à son pays plutôt que ses entreprises qui aillent à la main d’oeuvre !
 
 

Sur le plus long terme, et au regard de la démographie allemande en berne, quelles sont les solutions qui pourraient permettre à l'Allemagne de traiter efficacement cette question ? 

 
Sur le long terme, seule la remontée de la natalité allemande au taux de remplacement des générations (2,1 enfants par femme) est une solution durable, sinon, le pays se transformera en tonneau des danaïdes, c’est-à-dire qu’il sera éternellement appelé à importer de la main d’œuvre pour remplacer une population de base disparaissant au fur-et-à-mesure du temps, les nouveaux arrivants adoptant les comportements de basse fécondité des autochtones. Or, le gouvernement allemand a réagi beaucoup trop tard face à la situation et les incitations actuelles à la natalité sont très insuffisantes pour être efficaces. Tant que les allemands n’auront pas repris goût à avoir des enfants, l’avenir du pays demeurera précaire. Plus globalement, la situation démographique de l’Allemagne constitue un avertissement sérieux pour les autres Etats de la planète connaissant une dénatalité soutenue sur un long-terme, si vous ne vous attaquez pas au problème maintenant, il finira par vous rattraper un jour !
 

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