Alors qu’insectes et abeilles disparaissent, deux nouveaux insecticides sont mis sur le marché
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Les mauvaises nouvelles s’enchainent pour les apiculteurs français. La récolte de miel de 2017 s’annonce aussi catastrophique que celle de 2016 [1] – elle n’atteint pas 10 000 tonnes, soit trois fois moins que dans les années 1990. Malgré cela, la France vient d’autoriser la mise sur le marché de deux insecticides, le Closer et le Transform, qualifiés de... « dangereux pour les abeilles ». Une dangerosité spécifiée dans les « conditions d’emploi générales » de ces deux produits développés par la multinationale états-unienne Dow AgroSciences [2].Cliquez sur l’image ci-dessus pour voir les conditions d’emploi du Closer.
Entrée sur le marché de nouveaux néonicotinoïdes ?
Ces deux insecticides contiennent la même molécule active, le sulfoxaflor, autorisée depuis 2015 au niveau européen. Et ce, bien que l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ait pointé dans le dossier d’homologation transmis par Dow AgroSciences « des informations manquantes requises dans le cadre réglementaire ». Certains usages de ce produit comportent « un risque élevé pour les abeilles », ainsi qu’un « risque à long terme élevé pour les petits mammifères herbivores » [3].
Pour l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), le sulfoxaflor est un néonicotinoïde : un insecticide agissant sur le système nerveux central des insectes, même s’il n’est pas classé comme tel par les industriels et les agences réglementaires en Europe [4]. Pour sa part, l’entreprise Dow AgroSciences en France soutient que le sulfoxaflor n’est pas un néonicotinoïde. « Il est autorisé dans quarante-trois pays, est utilisé sur des millions d’hectares et aucun impact négatif sur les abeilles ou les pollinisateurs n’a été signalé », affirme la multinationale [5]. Pourtant, plusieurs publications scientifiques établissent que le sulfoxaflor appartient bien à la famille des néonicotinoïdes [6]. Une décision de justice américaine a par ailleurs annulé en septembre 2015 l’autorisation du sulfoxaflor à la demande d’apiculteurs et d’ONG [7].
Mobilisation face à l’effondrement des populations d’insectes
Alors que la loi biodiversité de 2016 prévoit l’interdiction des néonicotinoïdes d’ici à 2020, l’Agence nationale de sécurité sanitaire française (Anses) a décidé le 27 septembre 2017 d’autoriser la mise sur le marché du Closer et du Transform [8]. Cette autorisation « en catimini » a suscité la colère de plusieurs associations environnementales [9]. Le 20 octobre, les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique se sont finalement fendus d’un communiqué commun demandant à l’Anses d’analyser « des données complémentaires relatives aux risques du Sulfoxaflor » et d’indiquer au gouvernement dans les trois mois si elles sont de nature à modifier les deux autorisations de mises sur le marché.
Notre enquête à relire sur les dysfonctionnements dans les autorisations de pesticides
Plusieurs pétitions ont également été lancées. Plus de 122 000 personnes ont déjà demandé au gouvernement de revenir sur l’autorisation de l’Anses, et près de 190 000 personnes interpellent Nicolas Hulot pour inclure le sulfoxaflor dans le décret d’application de la loi interdisant les néonicotinoïdes qui doit être prochainement publié. Dans son programme lors de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron s’était engagé à définir « un calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé, et le développement d’alternatives » [10].
Ces autorisations d’insecticides « tueurs d’abeilles » interpellent d’autant plus qu’une récente étude internationale pointe l’effondrement de 75 % des populations d’insectes en Europe, en moins de trois décennies [11]. Le facteur majeur permettant d’expliquer un effondrement aussi rapide, avancent les auteurs, serait l’intensification des pratiques agricoles. Le traitement par enrobage des semences, grâce aux fameux insecticides néonicotinoïdes, serait même le principal suspect. Qu’importe, Dow AgroSciences invite d’ores et déjà les agriculteurs à utiliser le Closer et le Transform, comme en témoigne son site internet.
Photo : CC ittou2
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