jeudi 17 octobre 2024

 

“Merci de m’avoir sauvé la vie” : les mots de Julian Assange à Anthony Albanese à sa libération

“Je tiens à vous remercier, vous m’avez sauvé la vie”. Ce sont les termes forts que Julian Assange, fondateur deWikileaks, a adressés au Premier ministre Anthony Albanese alors qu’il posait le pied sur le sol australien plus tôt cette année.

Dans un vibrant appel à l’action au SXSW de Sydney [rassemblement annuel de talents émergents de la région Asie-Pacifique avec plus de 1 000 événements et sessions de réseautage autour des piliers clés de la technologie et de l’innovation, des jeux, de la musique et de l’écran], l’avocate en charge de la défense d’Assange depuis plus de 14 ans a partagé ces mots qui, jusqu’à présent, étaient restés confidentiels entre Albanese, Assange et ses soutiens et alliés les plus proches. Ce moment marque l’aboutissement de plus d’une décennie d’intenses batailles juridiques et de protestations publiques en faveur de la libération du fondateur de WikiLeaks après des années de détention et d’emprisonnement.

Jennifer Robinson et Narelda Jacobs au SXSW de Sydney

Après des années d’assignation à résidence, d’asile à l’ambassade d’Équateur et d’emprisonnement dans la prison de haute sécurité de Belmarsh au Royaume-Uni, le retour de M. Assange en Australie a été une expérience éprouvante sur le plan émotionnel et physique, à juste titre. La tension s’est intensifiée jusqu’au moment où l’avion le transportant a atterri en Australie.

Mme Robinson a décrit la nature surréaliste de cette journée, révélant qu’au moment de la descente dans l’espace aérien australien, la première personne à accueillir M. Assange lors d’un appel FaceTime a été son père, un éleveur de chevaux australien.

“Nous étions en train d’atterrir quand mon père m’a contactée via FaceTime”, s’est souvenue Mme Robinson. Je lui ai passé Julian, qui lui a dit : “Salut, Terry”, et mon père lui a simplement répondu : “Ah, bravo, mon pote”.

Cependant, c’est le coup de fil suivant qui a revêtu une importance que peu de gens soupçonnent. Comme le raconte Robinson :

“L’appel suivant est venu du Premier ministre Anthony Albanese, qui a souhaité la bienvenue à Julian et s’est assuré qu’il allait bien. C’est alors que Julian lui a dit : ‘Je tiens à vous remercier, vous m’avez sauvé la vie’”.

“Je ne pense pas qu’il ait eu tort”, a expliqué M. Robinson. “Pendant plus de 14 ans, la liberté de Julian a été soumise à toutes sortes de restrictions : assignation à résidence dans un premier temps, sept ans à l’ambassade d’Équateur, plus de cinq ans dans une prison de haute sécurité pour avoir publié des preuves de crimes de guerre et de violations des droits de l’homme dans le monde entier, pour les mêmes publications qui lui ont valu des prix de journalisme dans le monde entier et d’être nommé pour le prix Nobel de la paix”.

“En fait, il a dû plaider coupable d’avoir pratiqué le journalisme et d’avoir été primé, et le gouvernement américain a dû reconnaître que ces publications n’avaient causé aucun préjudice. Je pense que notre retour en Australie a été une histoire tellement positive”, a-t-elle expliqué.

Cet échange privé empreint d’émotion a été jusqu’à présent passé sous silence. Il résume le profond sentiment de soulagement et de gratitude ressenti par M. Assange après avoir vécu pendant des années, menacé d’une éventuelle extradition vers les États-Unis, où il était menacé de prison à vie.

La libération de M. Assange, a souligné Mme Robinson, ne signifie pas la fin des défis posés au journalisme et à la liberté d’expression. Mme Robinson a profité de son discours pour mettre en garde contre le dangereux précédent que les poursuites engagées contre M. Assange créent pour les journalistes du monde entier.

“Ce que les États-Unis font avec la loi sur l’espionnage, c’est criminaliser le journalisme”, a averti Mme Robinson. “Julian est peut-être le premier journaliste poursuivi en vertu de la loi sur l’espionnage, mais en fonction de l’issue des élections américaines, je ne pense pas qu’il sera le dernier”.

Alors que M. Assange jouit d’une liberté recouvrée – il profite de sa famille et des plages australiennes -, Mme Robinson s’inquiète de savoir s’il pourra un jour se remettre complètement du traumatisme qu’il a subi.

“Il ne s’est toujours pas remis, et je ne sais pas s’il pourra un jour récupérer de cette expérience”, a-t-elle admis.

Cependant, pour l’instant, la vie de M. Assange est redevenue ordinaire.

“Je suis très heureuse de voir des images de Julian Assange et de ses enfants à la plage”,

a déclaré Mme Robinson, rappelant à quel point Julian Assange avait aspiré à ces plaisirs simples pendant ses années d’emprisonnement.

 

Stella et Julian Assange avec leurs enfants Gabriel et Max. (Photo X)

Au début du mois, Julian Assange s’est exprimé publiquement pour la première fois depuis sa sortie de prison. Dans un discours empreint d’émotion prononcé devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) à Strasbourg, M. Assange a donné un premier aperçu de ses années d’incarcération tout en défendant sa foi inébranlable en la liberté d’expression.

“Je ne suis pas là aujourd’hui parce que le système a fonctionné : si je suis libre aujourd’hui après des années d’incarcération, c’est parce que j’ai plaidé coupable de journalisme”, a expliqué M. Assange. “J’ai plaidé coupable d’avoir sollicité des informations auprès d’une source, coupable de les avoir obtenues auprès d’une source, et coupable d’avoir informé le public de la nature de ces informations. Je n’ai plaidé coupable de rien d’autre”.

Julian Assange s’adresse à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) à Strasbourg (Crédit – Reuters Live Stream)

L’intervention de Julian Assange devant l’APCE, le principal organe européen de défense des droits de l’homme, a marqué sa première prise de parole publique depuis sa libération. Bien que l’événement ait été fortement encadré et que l’accès des médias ait été restreint, les propos de M. Assange ont eu des répercussions bien au-delà de l’enceinte de cette assemblée.

Entouré de sa femme Stella et de Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de WikiLeaks, M. Assange a évoqué avec simplicité les conséquences de ses cinq années passées dans une prison britannique de haute sécurité sur sa santé mentale et physique.

“La transition entre des années d’enfermement dans une prison de haute sécurité et le fait d’être ici devant les représentants de 46 nations et de 700 millions de personnes est une transition aussi intense que surréaliste. L’expérience de l’isolement pendant des années dans une petite cellule est difficile à décrire. Elle nous prive de notre identité, ne nous laissant que l’essence brute de l’existence”, a expliqué M. Assange. “Je ne suis pas encore tout à fait en mesure de parler de ce que j’ai enduré dans ma lutte incessante pour rester en vie, à la fois physiquement et mentalement. Je ne peux pas non plus parler des morts par pendaison, des meurtres et de la négligence médicale dont ont été victimes mes codétenus”.

“Je m’excuse par avance si mes mots manquent de clarté ou si mon exposé n’a pas l’éclat que l’on pourrait attendre d’un auditoire aussi prestigieux, car l’isolement a fait son œuvre”.

Bien qu’il soit manifestement fragilisé par son temps d’incarcération, Julian Assange a continué à défendre ardemment la liberté de la presse – ses convictions n’ont jamais faibli.

“La liberté d’expression et toutes ses implications traversent une période sombre”, a-t-il déclaré. “La criminalisation des activités de collecte d’informations reste une menace pour le journalisme d’investigation partout dans le monde”.

“Les journalistes ne doivent pas être poursuivis pour faire leur travail. Le journalisme n’est pas un crime : c’est la pierre angulaire d’une société libre et informée”.

Depuis sa libération, M. Assange se consacre à sa famille. Sa femme Stella a déclaré après l’audience :

“C’est tout ce que nous souhaitions depuis tant d’années. C’est merveilleux. Nous prenons du temps pour nous et pour réfléchir à tout cela”.

Aimee Edwards

 

Article original en anglais :“I Want To Thank You, You’ve Saved My Life”: The Chilling Words Julian Assange Spoke To Anthony Albanese Upon Release, Bandt, le 16 octobre 2024.

Traduction : Spirit of Free Speech

 

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