(Maintenant, on va voir. note de rené)
Hier, 21 juillet 2019, avaient lieu en Ukraine les élections législatives anticipées, organisées à la demande du nouveau président, Volodymyr Zelensky. Le parti de Zelensky, a obtenu plus de 42 % des voix après dépouillement de 75 % des bulletins, lui accordant ainsi la majorité des sièges du parlement.
Immédiatement après son inauguration, Volodymyr Zelensky avait dissout le parlement ukrainien, la Rada, plusieurs mois avant la fin prévue des mandats des députés, afin d’obtenir une majorité lui permettant de gouverner. Malgré les tentatives de certains députés et du président de la Rada, Andry Parouby, de faire annuler le décret présidentiel pour « inconstitutionnalité », la Cour Constitutionnelle ukrainienne avait refusé les arguments avancés et validé la décision de Zelensky.
Comme prévu par le décret, les élections législatives anticipées ont donc eu lieu le 21 juillet 2019. Le premier chiffre frappant est celui du taux de participation : 49,84 %, soit moins de la moitié des votants qui se sont déplacés. Un chiffre inférieur à celui de 2014 (52,42 %) qui semble indiquer qu’une grande partie des Ukrainiens est lassée de voter pour voir la situation empirer sans fin, et a fini par se désintéresser de la vie politique du pays.
Achats de vote et corruption
Un chiffre qui s’explique peut-être par le nombre de fraudes et violations enregistrées. Ainsi, dimanche soir, la police nationale ukrainienne indiquait sur sa page Facebook avoir déjà enregistré 1 225 rapports de violations concernant le processus électoral, la plupart venant des régions de Donetsk, Dnipropetrovsk et Zaporojié.
Des violations rapportées pour certaines par les observateurs de l’OSCE, qui ont aussi dénoncé le manque de transparence de ces élections.
Ainsi, le coordinateur spécial et chef de la mission d’observation de l’OSCE en Ukraine, Ilkka Kanerva, a déclaré que l’organisation avait, entre autres, enregistré des cas d’achats de votes lors de ces élections législatives.
« L’organisation des élections a été généralement compétente et efficace, malgré le peu de temps alloué à la préparation des élections, qui ont été considérées comme une occasion de dégager un consensus en vue des réformes et du changement politique que les électeurs ukrainiens espéraient », a déclaré Mr Kanerva, avant de souligner que dans le même temps « dans un contraste frappant avec cela, la campagne a été marquée par une pratique généralisée d’abus, ou d’aveux pour cause d’incompétence, d’achat de votes, et de pratiques visant à utiliser toutes les failles de la loi » afin de changer les chances des candidats de gagner.
Le parti Serviteur du Peuple a dénoncé ces fraudes et a fait appel des résultats du vote dans 10 circonscriptionsoù des achats de vote ou des tentatives de corrompre les membres de la commission électorale locale.
Des fraudes manifestes qui sont venues se rajouter au manque de transparence, un manque de règles uniques pour tout le monde, et le manque d’indépendance des médias, comme l’a déclaré Albert Johnson, le chef de la mission d’observateurs du Bureau des Institutions Démocratiques et des Droits de l’Homme de l’OSCE.
« La campagne électorale a été caractérisée par diverses violations : inégalité des chances et absence de règles du jeu uniformes, ainsi qu’un manque de transparence dans le processus électoral », a-t-il déclaré lors d’un point sur la situation.
Selon l’évaluation de la mission de l’OSCE, « les principaux obstacles à un processus pleinement transparent et véritablement démocratique en Ukraine se trouvent dans la composante majoritaire du système électoral, ainsi que dans le financement des campagnes électorales, et enfin, la situation des médias est un facteur d’influence négative ».
Pour ce qui concerne la situation avec les médias, Johnson a noté qu’en Ukraine, la majorité des propriétaires de médias sont des hommes d’affaires et des acteurs politiques influents, et que les politiques éditoriales de ces médias privés ne servent que les intérêts de leurs propriétaires, ce qui compromet l’indépendance des médias et la confiance que leur accorde public (or il n’y a pas qu’en Ukraine qu’une telle mainmise du business sur les médias existe, mais ailleurs, ça reste des pays démocratiques soi-disant, et puis cela n’est pas une nouveauté, cette situation était déjà en place en 2014 lors des élections précédentes).
Johnson a aussi souligné que dans le même temps, les médias publics ne reçoivent pas un financement suffisant et ne peuvent donc pas concurrencer les médias privés, et que la situation en termes de sécurité pour les journalistes dans le pays est également préoccupante.
Des faits dénoncés aussi par Rouslan Bortnik, chef de l’Institut Ukrainien d’Analyse et de Gestion Politique.
« Cette élection n’a été ni juste ni démocratique, mais elle a été pluraliste et relativement pacifique », a déclaré M. Bortnik, soulignant l’inégalité de la concurrence et l’utilisation de technologies sales.
Pour lui, le manque de contrôle sur le financement de la campagne électorale, les conditions inégales de présence dans les médias, les processus électoraux « sales » dans les circonscriptions uninominales et les campagnes menées par les hauts fonctionnaires de l’État ont été quelque peu compensés par l’affaiblissement rapide de la pression administrative et l’élimination des réseaux nationaux visant à acheter des voix.
Selon l’expert, ces élections législatives étaient en quelque sorte le troisième tour de l’élection présidentielle. Il a souligné que les gagnants de cette élection sont les grosses pointures, et les petits partis ainsi que les partis ultra-nationalistes, comme le Parti Radical d’Oleg Liachko, ont été littéralement écartés ou sortis de la Rada pour ceux qui y étaient entrés en 2014.
Pour Bortnik, ces élections législatives ont été un vote « protestataire et populiste ». De son point de vue, si pendant l’élection présidentielle, les Ukrainiens avaient voté contre Porochenko et son équipe, c’est désormais contre tout le système des élites ukrainiennes, comprenant tant le gouvernement que l’opposition, que les gens ont voté lors de ces législatives.
« Cependant, un vote de protestation est dangereux parce qu’il augmente le niveau des revendications populistes et qu’il sera très difficile de faire face au raz-de-marée d’attentes sociales », a mis en garde Bortnik.
Résultats des élections
Après dépouillement de 75,04 % des bulletins cinq partis politiques obtiennent plus de 5 % (seuil minimum nécessaire pour obtenir un siège au parlement) :
– Serviteur du Peuple (parti de Volodymyr Zelensky) : 42,76 %,
– Plateforme d’Opposition – Pour la Vie (parti de Iouri Boïko) : 13,01 %,
– Solidarité européenne (parti de Petro Porochenko) : 8,36 %,
– Union panukrainienne Patrie (parti d’Ioulia Tymochenko) : 8,06 %,
– Voix (parti du chanteur Sviatoslav Vakartchouk) : 6,12 %.
– Serviteur du Peuple (parti de Volodymyr Zelensky) : 42,76 %,
– Plateforme d’Opposition – Pour la Vie (parti de Iouri Boïko) : 13,01 %,
– Solidarité européenne (parti de Petro Porochenko) : 8,36 %,
– Union panukrainienne Patrie (parti d’Ioulia Tymochenko) : 8,06 %,
– Voix (parti du chanteur Sviatoslav Vakartchouk) : 6,12 %.
Avec ce pourcentage, le parti Serviteur du Peuple gagne dans 126 des 199 circonscriptions électorales, ce qui lui assure d’avoir au moins 240 députés, soit plus que la majorité qui est de 226 sièges. Et ce, grâce au fait que les élections législatives en Ukraine sont pour moitié à la proportionnelle et pour moitié majoritaire.
Si les bulletins sont encore en cours de dépouillement, il y a peu de chances que cela bouleverse la donne en termes de répartition des sièges. La Commission Électorale Centrale ukrainienne a jusqu’au 5 août pour rendre les résultats finaux officiels.
Ce score assure à Zelensky une majorité parlementaire claire, lui évitant de devoir former une coalition pour gouverner, et lui permettant de nommer librement le gouvernement de son choix. Une première dans toute l’histoire de l’Ukraine !
Désormais, Zelensky n’a plus d’excuses pour ne pas appliquer son programme, et surtout la partie la plus attendue par une majorité de la population ukrainienne : mettre fin à la guerre dans le Donbass. Pour l’instant de ce côté là c’est toujours un zéro pointé, le nouveau cessez-le-feu instauré le 21 juillet à minuit n’ayant pas tenu 13 heures, malgré les mesures de contrôle additionnelles finalement acceptées par l’Ukraine à Minsk.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire