L’Italie révèle pourquoi la France continue d’imprimer le franc CFA à Lyon
De Rome, Mourad Rouighi – Dans ce qui s’apparente au dernier épisode du feuilleton de guerre diplomatique larvée entre Paris et Rome, le vice-Premier ministre italien, Luigi Di Maio, du Mouvement des 5 étoiles, s’en est pris violemment au rôle de la France en Afrique et a fustigé l’usage qu’elle fait de la monnaie de la communauté financière africaine, le franc CFA hérité de la colonisation et qui lui sert à maintenir une quinzaine de pays dans une dépendance aussi injuste que dangereuse à très court terme.
Des déclarations qui, comme il fallait s’y attendre, ont fortement irrité le Quai d’Orsay qui a immédiatement convoqué l’ambassadrice d’Italie à Paris, Teresa Castaldo, pour lui signifier que ces accusations sont «inacceptables» et «dénuées de tout fondement», tout en ajoutant que «ce n’est pas la première fois» que les autorités italiennes proféraient des commentaires offensifs à l’encontre de la France.
Cette querelle diplomatique s’est enrichie d’un nouvel épisode, ce mardi à Bruxelles. Le commissaire aux Affaires économiques de l’Union européenne, le Français Pierre Moscovici, ayant stigmatisé «certaines déclarations lancées pour un usage local, qui sont autant de provocations au contenu vide et irresponsable».
De fait, l’étincelle à l’origine de cette affaire nous renvoie à la guerre de positionnement entre Paris et Rome en Afrique et, notamment, en Libye et dans la région du Sahel, sur fond de déferlante de migrants touchant davantage l’Italie pour des raisons géographiques évidentes.
C’est que Di Maio, connu pour son franc-parler et en marge d’un meeting électoral, avait condamné sans demi-mesures l’utilisation du CFA comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus d’une quinzaine de pays africains et qui permet au passage, selon le vice-Premier ministre italien, à la France de financer sa dette.
«Macron, très souvent, se permet de nous critiquer, tandis que lui continue, sans gêne, de financer sa dette publique par l’exploitation des ressources d’une quinzaine de pays africains. (…) Si nous voulons réellement trouver une solution au phénomène des migrants, commençons par aborder cette question éminemment politique au niveau le plus haut, les Nations unies. (…) L’Italie doit hausser le ton et promouvoir une initiative internationale appelant à imposer des sanctions contre les puissances qui rechignent à décoloniser l’Afrique car, il faut le dire, ce que nous vivons en Méditerranée aujourd’hui est le fruit de politiques de pays qui se permettent de surcroît de critiquer les autres», a martelé Di Maio.
Sur la question de la monnaie africaine, un autre membre influent du Mouvement des 5 étoiles, Alessandro Di Battista, est allé encore plus loin et a été encore plus direct et explicite en indiquant qu’«actuellement, la France, dans les environs de Lyon, imprime une monnaie utilisée par 14 pays africains, presque tous dans la zone subsaharienne qui, au lieu de leur garantir un développement, sont plombés dans une dépendance très dangereuse à court terme».
«Mais, surtout, la France, à travers le contrôle géopolitique de cette région où vivent plus de 200 millions de personnes qui utilisent cette monnaie, gère de fait la souveraineté de ces pays et empêche toute véritable politique de développement alternatif et durable», a-t-il ajouté, estimant que «tant que cette monnaie continuera à dicter l’avenir de millions d’Africains, nous verrons ces milliers de jeunes, fuyant misère et faim, tenter de gagner nos côtes dans l’espoir d’une vie meilleure».
Des mots lancinants, hors des sentiers feutrés et nuancés des salons et des conventions de la diplomatie, qui témoignent qu’entre Rome et Paris, décidément, rien ne va plus.
M. R.
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