Afghanistan : les rebelles sont en train de gagner la guerre
Par B.
Paru sur Moon of Alabama sous le titre Disunity Of U.S. Commmand Lets Afghan Rebels Win The War via Entelekheia
Paru sur Moon of Alabama sous le titre Disunity Of U.S. Commmand Lets Afghan Rebels Win The War via Entelekheia
Les États-Unis sont en train de perdre leur guerre en Afghanistan. Les divisions au sein du commandement et le manque de prévoyance politique rendent la défaite des États-Unis inévitable.
Au cours des derniers mois, les ’rebelles modérés’ d’Afghanistan ont fait de grands progrès contre les forces gouvernementales parrainées par les États-Unis.
- La semaine dernière, un convoi d’une quarantaine de camions chargés de matériel militaire a été pris en embuscade et anéanti (photos, vidéos). Il s’agissait du plus grave incident de ce genre depuis que les Soviétiques ont quitté l’Afghanistan.
- La semaine dernière également, une grosse bombe a frappé des installations de sécurité dans le quartier international fortifié de Kaboul. Au moins cinq personnes sont mortes et une centaine d’autres ont été blessées.
- Dimanche, une voiture piégée a frappé le convoi du gouverneur de la province du Lôgar. Huit de ses gardes du corps sont morts dans l’attaque.
Plus tôt aujourd’hui, un raid contre un centre d’entraînement militaire de la Direction de la sécurité nationale, la branche afghane de la CIA, a tué environ 200 soldats. Les rebelles attaquants ont utilisé un blindé Humvee de fabrication américaine pour pénétrer dans le centre et le faire exploser. Une unité d’infanterie est arrivée sur leurs talons pour achever les survivants.
Il y a de nombreux raids couronnés de succès contre des postes de sécurité et des postes de contrôle de la police périphériques, mais ils sont passés sous silence par les médias occidentaux. Le gouvernement afghan a cessé de donner le nombre de victimes.
La politique étrangère des États-Unis à l’égard de l’Afghanistan est plus absurde que jamais. Voyez comment le chef du Conseil des relations extérieures parle avec angoisse de ce qui n’est pas possible de faire :
Richard N. Haass @RichardHaass – 13:36 utc – 14 jan 2019Gagner la guerre, ou négocier une paix durable n’est pas vraiment possible en Afghanistan. Mais partir, comme nous sommes sur le point de le faire en Syrie, serait une erreur. Ce qu’il nous faut, c’est une stratégie ouverte et praticable pour ne pas perdre.
Qu’est-ce que c’est qu’une stratégie pour ne pas perdre, je vous le demande ? Surtout quand la situation sur le terrain s’aggrave depuis des années en dépit de plusieurs énormes opérations étasuniennes.
La guerre soviétique en Afghanistan a duré neuf ans. Mais elle avait réussi à mettre en place un gouvernement stable et les Soviétiques avaient laissé derrière eux une armée afghane relativement compétente. Trois ans plus tard, la Russie a mis fin à son soutien financier au gouvernement afghan. C’est seulement cela qui a donné à la guérilla la possibilité de détruire l’État.
Après 18 ans en Afghanistan, l’armée américaine semble toujours incapable de recruter et de former des forces locales compétentes.
Malgré les 8 milliards de dollars dépensés pour l’armée de l’air afghane, la force aérienne demeure incapable de se passer des Américains pour faire voler ses avions. Tout cela à cause de mauvaises décisions :
Les experts de l’aviation ont critiqué la décision de remplacer progressivement les vieux zincs des forces afghanes – les hélicoptères Mi-17 de fabrication russe – par des Black Hawks UH-60 de fabrication américaine.M. Michel, le général à la retraite, a déclaré que le Mi-17 était ’l’hélicoptère parfait’ pour l’Afghanistan parce qu’il peut transporter plus de troupes et de matériel que le Black Hawk et qu’il est moins compliqué à piloter.’Soyons francs’, a-t-il dit à propos du remplacement. ’C’était surtout pour des raisons politiques.’
L’armée américaine a construit une force afghane à son image :
Les entraîneurs américains ont construit une armée afghane qui dépend fortement d’une puissance aérienne que l’armée de l’air pourrait ne pas être en mesure de fournir pendant encore des années, a déclaré John F. Sopko, l’inspecteur général spécial pour la reconstruction afghane.
Comment l’armée américaine, qui depuis le Vietnam s’est montrée incapable de lutter contre les tactiques de guérilla, a pu croire que sa technique de combat conviendrait à une force afghane, cela reste un mystère. Si les talibans réussissent à gagner la guerre sans armée de l’air, pourquoi l’armée afghane devrait-elle en avoir une ?
Les seules unités afghanes ’efficaces’ sont les brigades contrôlées par la CIA qui sont connues pour les atrocités qu’elles font subir à la population civile :
Alors que M. Khan était emmené pour être interrogé, il a vu sa maison s’enflammer. A l’intérieur se trouvaient les corps de deux de ses frères et de sa belle-sœur Khanzari qui avait reçu trois balles dans la tête. Les villageois qui se sont précipités vers la maison ont trouvé le corps calciné de sa fille de 3 ans, Marina, dans le coin d’une chambre incendiée.Les hommes qui ont fait une descente au domicile de la famille cette nuit de mars, dans le district de Nader Shah Kot, faisaient partie d’une force d’intervention afghane entraînée et supervisée par la Central Intelligence Agency dans le cadre d’une mission parallèle à celle de l’armée américaine, mais avec des règles d’engagement plus souples.
Le rapport, malheureusement publié le 31 décembre, contient de nombreux exemples de ce genre. Kate Clark mentionne aussi un incident plus récent :
Un survivant de l’attaque perpétrée dans le village de Surkai, dans le district de Zurmat, dans la province de Paktia, a raconté à l’AAN que cinq hommes de sa famille, dont trois étudiants universitaires, et un voisin, avaient été sommairement exécutés et qu’il avait été interrogé par un Américain en uniforme qui accompagnait les hommes armés afghans. Le porte-parole du gouverneur de Paktia a également confirmé que des ’troupes étrangères’ étaient impliquées dans l’opération (et le porte-parole militaire américain a affirmé que l’armée américaine n’était pas impliquée).
Pendant que les militaires et diplomates américains et l’armée afghane tentent de se concilier la population afghane, ces forces de la CIA continuent de se l’aliéner. Elles poussent la population dans les bras des talibans :
Les unités ont également opéré sans respecter les règles de la guerre conçues pour protéger les civils, en menant des raids nocturnes, en torturant et tuant presque impunément, dans le cadre d’une campagne secrète qui, selon certains responsables afghans et américains, sabote les efforts américains pour renforcer les institutions afghanes.
Ces abus poussent activement les gens vers les talibans, disent les responsables.
Il est probable que la grande attaque d’aujourd’hui contre les installations de la DSN vise des forces contrôlées par la CIA :
Bon nombre des forces d’attaque ont été officiellement placées sous le contrôle des services de renseignement afghans à partir de 2012. Mais de hauts responsables afghans et internationaux affirment que les deux forces les plus efficaces et les plus impitoyables, dans les provinces de Khost et de Nangarhar, sont toujours parrainées principalement par la C.I.A.
On a vu le même conflit apparaître entre les forces mercenaires militarisées de la CIA et les forces entraînées par l’armée américaine dans toutes les guerres récentes que les États-Unis ont menées. En Irak, des unités chiites parrainées par la CIA se sont heurtées à des milices sunnites parrainées par le Pentagone. En Syrie, des ’rebelles’ formés par la CIA ont fini par tirer sur des ’rebelles’ formés par l’armée américaine et vice versa. En Afghanistan, la force des nervis sous contrôle de la CIA compte entre 3 000 et 10 000 hommes. Elle aliène la population que l’armée afghane tente de protéger.
L’unité de commandement est une condition importante du succès des campagnes militaires. Du fait que les militaires du Pentagone travaillent dans une direction tandis que la CIA tire dans une autre, la campagne en Afghanistan continue d’échouer.
On observe un clivage similaire dans le domaine politique afghan. Il est notoire que La CIA soudoie des politiciens afghans, alors que l’armée lance des campagnes anti-corruption. Le système politique mis en place par ces deux forces en concurrence n’est pas viable.
Les dernières élections afghanes, dont les principaux candidats étaient le Pachtoun Ashraf Ghani et le Tadjik Abdallah Abdallah Abdallah, ont été entachées d’irrégularités. L’issue incertaine a conduit les États-Unis à truquer les résultats en faisant du président Ghani et d’Abudullah son ’directeur général’. Les deux hommes sont de nouveau en compétition l’un contre l’autre pour les élections qui se tiendront plus tard cette année. Elles seront aussi irrégulières que toutes les élections en Afghanistan. Le résultat contesté pourrait bien conduire à de nouveaux affrontements entre groupes ethniques.
Ce nouveau conflit va affaiblir davantage l’État afghan. Pourquoi rien n’a-t-il été fait pour l’empêcher ?
Traduction Dominique Muselet
Photo extraite d’une vidéo : Talibans
Photo extraite d’une vidéo : Talibans
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