La CIA en open source : 13 millions de pages accessibles au public sur le web
Loïc Chauveau
Sciences et Avenir
L’Agence américaine de renseignement extérieur met en ligne toutes ses archives couvrant la période de 1947 à1987. Mais il a fallu insister pour obtenir cette transparence.
Quelles révélations renferment les pages déclassifiées de la CIA ?
© ANDREW HARNIK/AP/SIPA
EXHAUSTIF. La Central Intelligence Agency (CIA) met tout sur la table. Depuis début janvier 2017, le programme CREST (pour CIA Record Search Tool) est immédiatement accessible sur le site de l’agence. On y trouve de tout au long de ces 775.000 documents représentant 13 millions de pages : les mémos quotidiens de l’agence déposés sur le bureau des présidents des États-Unis, les notes économiques sur les alliés comme sur l’ennemi russe, les publications scientifiques intéressant le contre-espionnage, des synthèses sur des programmes de recherche prometteurs et l’essentiel des rapports des 25 ans de recherches sur la télépathie, la voyance et la divination, ou encore la compilation des témoignages sur les soucoupes volantes. Les historiens devraient se régaler des 40.000 pages des archives d’Henry Kissinger, l’inamovible secrétaire d’État du président Richard Nixon (1968-1974) et des 129.000 documents écrits par les cinq premiers directeurs de la CIA aux pontes du Congrès et de la Maison-Blanche.
Le document historique y côtoie le farfelu. Les très sérieux Joint Publication Research Service (JPRS) constituent de véritables et pointilleuses monographies sur les économies mondiales ; on pourra notamment lire la mutation industrielle des élevages de volailles dans l’URSS entre 1980 et 1985 entraînant une hausse de la production d’œufs et une baisse des prix. Les Président’s Daily Briefs (PDB) ponctuent les principaux mouvements de la guerre froide et des conflits dans lesquels les États-Unis sont impliqués. Ainsi, le PDB du 7 juin 1972 a dû singulièrement plomber le moral de Richard Nixon : « Le troisième anniversaire cette semaine du gouvernement révolutionnaire provisoire viêt-cong a donné aux Soviétiques la première occasion d’exprimer publiquement leur soutien aux communistes vietnamiens. À la réception de l’ambassadeur viêt-cong le 5 juin, et dans un message aux leaders communistes, les Soviétiques ont condamné "l’agression américaine" en Indochine et affirmé que l’URSS remplirait son devoir international de soutien du Viêt Nam.» En deux phrases, le PDB informe que la Chine n’est plus seule à soutenir le Viêt Nam et que la politique de rapprochement de Richard Nixon avec l’URSS a du plomb dans l’aile.
De l'histoire et du futile
A l’opposé, on y trouvera par le menu les expériences du programme Star Gate qui, de 1970 à 1995, a tenté de prouver que la "vision à distance" avait une réalité physique. Y figurent les expériences menées avec le « magicien » israélien Uri Geller qui tordait des petites cuillères avec le regard. D’un intérêt évidemment inégal, ces archives montrent cependant les diverses préoccupations d’une centrale de renseignement cherchant à anticiper les soubresauts de l’histoire et à dénicher en exclusivité les plus récentes inventions scientifiques pouvant révolutionner la marche du monde.
La CIA n’a pas publié ses archives de gaieté de cœur. Cette transparence provient d’une loi sur la liberté d’information de 1995. Celle-ci stipulait qu’à partir du 31 décembre 2006, les archives remontant à vingt-cinq auparavant devaient être déclassifiées. À la date dite, les documents datant de 1947 à 1981 ont bien été mis à la disposition du public, mais dans des conditions d’accès difficiles. Les pages scannées ne pouvaient en effet être consultées que sur quatre ordinateurs de la bibliothèque de College Park dans l'État du Maryland. Un seul employé était en charge du service qui ouvrait de 9 h à 16 h 30 du lundi au vendredi. Malgré ces obstacles, en dix ans, 1,1 million de pages ont été photocopiées presque uniquement par des chercheurs. La mise en ligne a été obtenue grâce aux plaintes de l’association Muckrock, militant pour l’accès des citoyens aux documents administratifs et à l’acharnement d’un journaliste bloggeur Michael Best. La règle des 25 ans continue de s’appliquer. En toute logique, en décembre dernier, c'est l'année 1991 qui a été déclassifiée.
Le dernier brief de Kennedy
C'est John Fitzgerald Kennedy qui fut le premier à réclamer un résumé de la journée à la CIA le 17 juin 1961. Le Président a ressenti le besoin d'être mieux informé à la suite de l'épisode calamiteux de la baie des cochons, où un contingent de Cubains aidés par les Etats-Unis avaient échoué à débarquer sur l'île pour virer Fidel Castro du pouvoir. Le 22 novembre 1963, jour de l'assassinat, les rédacteurs publient un deuxième brief en hommage au premier Président pour qui fut écrit ces mémos quotidiens. Les agents, écrivent-ils, ne trouvent pas d'autres mots que ceux prononcés par Kennedy à des journalistes le jour où il a appris que des missiles russes étaient installés à Cuba. Une étrange citation tauromachique qui est aussi la seule "révélation" qu'on trouvera en ces pages sur l'affaire Kennedy.
"Critiques taurins alignés sur les bancs
foule énorme dans la plaza pleine
Mais il n'y en a qu'un qui sait
et c'est l'homme qui combat le taureau"
C'est John Fitzgerald Kennedy qui fut le premier à réclamer un résumé de la journée à la CIA le 17 juin 1961. Le Président a ressenti le besoin d'être mieux informé à la suite de l'épisode calamiteux de la baie des cochons, où un contingent de Cubains aidés par les Etats-Unis avaient échoué à débarquer sur l'île pour virer Fidel Castro du pouvoir. Le 22 novembre 1963, jour de l'assassinat, les rédacteurs publient un deuxième brief en hommage au premier Président pour qui fut écrit ces mémos quotidiens. Les agents, écrivent-ils, ne trouvent pas d'autres mots que ceux prononcés par Kennedy à des journalistes le jour où il a appris que des missiles russes étaient installés à Cuba. Une étrange citation tauromachique qui est aussi la seule "révélation" qu'on trouvera en ces pages sur l'affaire Kennedy.
"Critiques taurins alignés sur les bancs
foule énorme dans la plaza pleine
Mais il n'y en a qu'un qui sait
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