Le Nigéria a pointé du doigt les travers des accords de partenariat économique que l’UE négocie avec les pays d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes. Mais la commissaire Cecilia Malmström a écarté toute réouverture des négociations.
Le 24 janvier, Cecilia Malmström, auteure et partisane de la nouvelle politique « éthique » de l’UE intitulée « commerce pour tous », s’exprimait lors d’un événement pour ActionAid et le European Trade Union Syndicat à Bruxelles, lorsqu’elle s’est fait interpeller par un chargé d’affaires nigérien sur l’accord de partenariat économique (APE).
Les APE sont des accords commerciaux réciproques passés avec les États d’Afrique, des Caraïbes, et du Pacifique (ACP) et visent à donner aux pays en développement un accès sans droit de douane au marché unique européen en échange d’une ouverture progressive de leurs marchés nationaux.
Ils ont été créés dans les années 1970 dans le cadre de l’accord de Lomé, et mis à jour en 2000 à Cotonou. Aujourd’hui, les négociations visant à préparer l’après 2020 lorsque l’accord de Cotonou arrivera à échéance, sont enlisées.
Certaines des ONG les plus radicales ont critiqué la forme qu’ont pris les APE et, lors de la dernière rencontre à Dakar entre l’UE et les pays ACP, de grandes inquiétudes ont été soulevées.
Suleiman Umar, de l’ambassade nigérienne dans l’UE, s’est adressée à Cecilia Malmström de but en blanc : « ce n’est pas que nous ne voulons pas signer l’APE, ce que nous disons, c’est que nous voulons renégocier certaines choses […] certains points peuvent toujours être ajustés ».
« Durant la dernière réunion des ministres du Commerce des pays de l’ACP, je me souviens que je me suis plains des mêmes sujets à la DG commerce », a-t-il ajouté. « La DG nous a dit qu’elle était désolée, mais qu’il n’y avait pas de renégociations possibles. Et que soit nous l’acceptions comme ça, soit il n’y avait pas d’accord. »
Renégociation impossible
Cecilia Malmström a répondu que 13 pays en Afrique de l’Ouest s’étaient déjà engagés dans ces accords de partenariat et attendaient leur entrée en vigueur le plus tôt possible.
« Par conséquent, tout renégocier maintenant parce que le Nigéria a quelques problèmes n’est pas possible. Quand il entrera en vigueur, il y aura bien sûr un mécanisme de révision, il existe toujours un moyen d’améliorer les choses, mais ces 13 pays ont déjà attendu de nombreuses années et ils croient en cet instrument puissant de régionalisation, de coopération, d’industrialisation pour développer leur économie. J’espère donc que nous trouverons une solution pour le Nigéria pour que vous nous rejoigniez également », a-t-elle expliqué.
Le chargé d’affaires a ensuite reconnu que d’autres pays d’Afrique de l’Ouest avaient bien signé des APE. « Oui, certains pays et groupes régionaux ont signé cet accord avant nous et nous n’avons rien contre cela, ils ont le droit d’utiliser leur souveraineté. Or, un État souverain est lié à ses propres actions et ne peut pas les étendre à un autre pays. Voilà pourquoi, même si l’accord APE vise à créer de l’emploi, ce qui est en ligne avec notre propre politique, nous craignons que, ayant les matières premières à notre disposition, l’UE encourage ses investisseurs à débarquer et à commencer à investir. »
Cecilia Malmström, généralement perçue comme l’une des commissaires les plus influentes, est aussi la cible de Nuria Molina, de l’ONG Global Social Justice, qui estime que les APE sont souvent négociés « de manière tout à fait asymétrique », où « les plus faibles sont parfois blessés ».
Nuria Molina a souligné que les pays occidentaux industrialisés avaient largement construit leur pouvoir économique tout au long des 18ème et 19ème siècles en protégeant leurs propres industries tout en « déplaçant leur chaîne de valeur ».
Elle a également soutenu que la forte croissance africaine annoncée dépendait fortement de l’extraction de ressources, « un modèle de croissance qui a ses limites ».
ALE contre APE
Outre la question des accords avec les pays ACP, Thao Hoanh Phuong, directeur d’ActionAid, a pour sa part dénoncé le modèle « aide contre commerce » des accords de libre-échange de l’UE (ALE) avec des pays au revenu intermédiaire comme le Vietnam.
Pour Thao Hoanh Phuong, l’ALE avec le Vietnam, pas encore ratifié, revient à dire que « nous ne sommes qu’un simple fournisseur de matières premières : l’UE les raffine et les commercialise. Nous sommes un esclave permanent de la chaine de valeur ».
Il considère que de tels ALE sont néfastes pour l’environnement et entrainent une dérèglementation des normes du travail ». En effet, en dehors de Ho Chi Minh, seuls 60 % des travailleurs touchant le salaire minimum recevaient l’assurance santé et sociale obligatoire de la part de leurs employeurs, a-t-il expliqué.
À cela, Cecilia Malmström a répondu que la distribution des richesses à l’intérieur de ce pays était de la responsabilité de ce pays souverain et que même s’il n’existait pas de sanctions imposées si les ALE n’étaient pas mis en œuvre, l’ultime recours était d’y mettre fin.
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