vendredi 2 décembre 2016

Brésil: le président du Sénat mis en accusation, la crise politique est relancée

mediaMM. Renan Calheiros (à gauche) et Michel Temer, le 22 novembre 2016 à Brasilia.REUTERS/Ueslei Marcelino
Renan Calheiros, membre du parti de centre-droit PMDB du président Michel Temer, a été mis en accusation par le Tribunal suprême fédéral brésilien, jeudi 1er décembre. Le président du Sénat va être jugé pour détournement de fonds publics. Dans le même temps, le géant du BTP Odebrecht, qui est au cœur de la tentaculaire affaire de corruption Petrobras, a annoncé qu'il avait passé un accord de collaboration avec la justice qui risque d'en inquiéter plus d'un. La classe politique du Brésil tremble.
Fin août dernier, la présidente Dilma Rousseff se voyait destituée par le Sénat fédéral brésilien, reconnue coupable d'avoir maquillé les comptes publics du pays en 2014 pour favoriser sa réélection. L'ancienne numéro deux de Lula, membre du Parti des travailleurs (PT, gauche), était alors remplacée par son vice-président de centre-droit, Michel Temer, du parti PMDB, après une procédure qu'elle qualifiait elle-même de « coup d'Etat institutionnel ».
A l'automne, nouveau coup de théâtre : c'était au tour d'Eduardo Cunha, principal artisan de la chute de Mme Rousseff, d'être emporté par la vaste crise politico-judiciaire qui ébranle le Brésil depuis le début de l'affaire Petrobras. Le sulfureux président de la Chambre des députés, membre du même parti que Michel Temer, était démis de ses fonctions à son tour, inculpé pour corruption et placé en détention.
Le Brésil replonge une troisième fois dans une zone de turbulences politico-judiciaires extrême cette semaine, avec la possible chute du numéro trois de l'Etat, le président du Sénat fédéral brésilien, Renan Calheiros, pour détournement de fonds publics. Le Tribunal suprême fédéral (STF), réuni en audience plénière, a décidé à la majorité de ses juges de mettre en accusation cette autre figure du PMDM de M. Temer.
Quand vient l'heure du grand « déballage »
Pour Dilma Rousseff, tombée via une procédure controversée dans le pays, à l'occasion de laquelle ses anciens alliés du centre avaient rejoint ses détracteurs, non seulement pour la charger mais également pour faire le procès de sa politique économique et reprendre les rênes du pouvoir, ces développements ne doivent pas manquer de saveur. Il s'agit en effet d'un nouveau coup dur pour Michel Temer.
M. Calheiros va être jugé dans l'une des douze procédures judiciaires qui le concernent. Il avait pris la tête d'une fronde des parlementaires contre le pouvoir judiciaire qui s'intéresse particulièrement à son cas dans la vaste enquête ouverte pour détournements de fonds autour du géant pétrolier public, le fameux groupe Petrobras. Huit des procédures qui le visent concernent cette affaire.
Sa mise en accusation cache d'ailleurs un autre développement, potentiellement dévastateur pour des dizaines de personnalités politiques du Brésil : la collaboration annoncée entre le groupe Odebrecht et la justice. A l'instar de l'ancien PDG Marcelo Odebrecht, 77 anciens dirigeants et cadres du géant du BTP brésilien ont commencé jeudi 1er décembre à signer des accords individuels de collaboration en échange de remises de peine. Ils se mettent à table, en somme.
Un passage en force mis en échec au Sénat
Odebrecht, qui avait formé un cartel avec ses concurrents pour truquer les marchés de sous-traitance de Petrobras, s'est engagé à payer une amende de 6 800 milliards de réais (2 milliards de dollars). Mais les enquêteurs voulaient plus. Car en mars, ils avaient aussi découvert une comptabilité secrète regroupant, sous des noms codés, des versements en faveur de 200 hommes politiques divers, pour les élections municipales de 2012 et les élections générales de 2010 et 2014.
Dans le secret de la procédure judiciaire, les anciens dirigeants et cadres d'Odebrecht auraient dénoncé au moins 130 hommes politiques issus de 24 formations différentes ces derniers mois. Une bombe à retardement qui a créé le « clash » entre pouvoirs politique et judiciaire. Mercredi à l'aube, les députés ont ainsi adopté en première lecture un amendement prévoyant des peines de deux ans de prison pour les juges et procureurs se rendant coupables d'abus d'autorité dans l'exercice de leurs fonctions.
La mise en accusation de M. Calheiros est la réponse à sa tentative de faire passer en force cet amendement au Sénat. Malgré la réaction indignée des procureurs en charge du dossier Petrobras, qui avaient menacé de démissionner en bloc si cette mesure visant selon eux à les museler était votée par les deux chambres et promulguée par le président, il s'était en effet entêté à vouloir faire voter en urgence le texte mercredi soir par la chambre haute. Vaine tentative avortée, ouvrant en grand la voie à son procès.

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