Bienvenus à Idlib. La patrie d’al-Nusra et le modèle américain de ville syrienne
source : Arrêt sur Info
Un rapport publié par The Century Foundation (TCF), un groupe de réflexion sur les politiques américaines, aide à éclairer le fonctionnement interne de la petite ville du nord de la Syrie, Idlib.
Idlib est à l’organisation terroriste Jabhat al-Nusra (également connue sous le nom de Jabhat Fateh al-Sham ou al-Qaïda en Syrie), ce que la ville d’al-Raqqa est au soit disant État islamique, sa « capitale ».
Mais la ville abrite également un large éventail d’autres groupes militants coopérant avec l’organisation terroriste, ainsi qu’une myriade d’organisations non gouvernementales (ONG) financées et dirigées par les États-Unis, l’Europe, la Turquie et les États du Golfe.
Bien que de grands espoirs soient proclamés dans les déclarations des politiciens des États-Unis, de l’Europe et du Golfe, espoirs répercutés par leurs plates-formes médiatiques respectives, pour le rôle possible de cette ville comme « capitale » alternative pour un « gouvernement » alternatif, c’est-à-dire opposé à l’État et à la nation syrienne, ce rapport est une douche froide sur ce qui n’était qu’une étincelle, pas même une flamme d’espoir.
L’« opposition » n’existe que grâce au soutien d’intérêts étrangers
Le rapport intitulé Garder les lumières allumées dans l’Idlib rebelle, décrit une ville si dangereuse et dysfonctionnelle que les auteurs du rapport n’ont même pas pu s’y risquer pour réaliser leurs entrevues, qui ont plutôt été menées à distance de l’autre côté de la frontière turco- syrienne.
Le rapport admet même que le « conseil provincial », destiné à remplacer le gouvernement syrien, est resté en Turquie pendant des années et y maintient encore un bureau.
Ce rapport dit :
« Dans la province d’Idlib détenue par les rebelles en Syrie, les habitants ont créé des organes locaux de gouvernance qui fournissent les services nécessaires et posent simultanément un défi politique au régime de Bachar al-Assad. Aucune autorité dominante n’a remplacé l’État après qu’il a été évincé d’Idlib. Les groupes armés islamistes et jihadistes détiennent le pouvoir au niveau local et ont développé des organes de coordination des services relativement sophistiqués. Pourtant, le pouvoir décisionnel ultime reste généralement entre les mains des organisations donatrices étrangères. »
Le rapport souligne que les groupes armés sont en compétition non seulement pour exercer une influence au sein d’Idlib, mais aussi pour avoir accès au flux constant de ressources dont disposent les bailleurs de fonds étrangers. Le rapport admet que cette aide étrangère (dominée par l’USAID) soutient les occupants d’Idlib qui n’ont pas la capacité d’unifier la ville, de financer leurs activités, et encore moins de contester l’État syrien par eux-mêmes.
Le rapport admet également qu’au départ, le gouvernement syrien était en mesure de protéger les centres urbains d’Idlib et qu’ils ne sont tombés qu’après la prise de possession de la frontière de Bab al-Hawa, qui rejoint la Turquie. Cela suggère qu’un afflux d’armes, de fournitures et de combattants passant par la frontière turque, avec le soutien des Turcs et d’autres sponsors étatiques, ont aidé à inverser la tendance contre les forces syriennes, et non l’élan du « soulèvement » lui-même.
La province d’Idlib est maintenant l’une des rares régions du pays qui a encore une frontière non sécurisée avec la Turquie, ce qui explique qu’Idlib continue à échapper au contrôle du gouvernement syrien. Le rapport admet également que les organisations terroristes (Ahrar al-Sham et al-Nusra) dominent cette région, contrairement à la rhétorique américaine et européenne [qui l’a dit aux mains de « modérés », NdT].
Le dysfonctionnement d’Idlib reflète ceux de la Libye ou de l’Afghanistan
Le rapport de TCF explore les différentes facettes du dysfonctionnement qui afflige Idlib, y compris la corruption, le népotisme et l’ingérence des groupes armés. La dépendance à l’égard de l’aide étrangère et les luttes intestines constantes ne sont pas qu’un avant goût des choses à venir dans tout le pays si le gouvernement syrien était renversé, c’est aussi le reflet de la situation en Libye et en Afghanistan après l’intervention des États-Unis et de l’OTAN.
Avec des entrepreneurs intéressés seulement par être payés, et des groupes locaux consumés par les luttes intestines, Idlib fournit le dernier exemple de l’échec de la politique de « construction de nation » occidental.
Idlib une ville faillie, présiderait un État failli.
Le rapport présente Idlib comme un « microcosme de la guerre ». Il stipule :
« L’administration et le secteur des services d’Idlib ont été, à bien des égards, un microcosme de la guerre syrienne et du mode de gouvernance des rebelles. Comme pour l’opposition armée de la province, une tendance au localisme et des flux disparates et non coordonnés de soutien extérieur ont abouti à un secteur des services déchiré et inefficace. »
Même si les États-Unis et leurs alliés pensaient qu’il était politiquement possible de présenter Idlib comme une « capitale » pouvant remplacer Damas, en réalité un tel rôle lui serait impossible à assumer. Entre sa petite taille, le fait qu’elle soit dominée de façon transparente par des terroristes armés et complètement dépendante de l’aide étrangère signifie qu’Idlib ne peut même pas s’auto-administrer, ni la province dans laquelle elle réside, et encore moins tout le pays. Tout État soumis au pouvoir de la ville défaillante d’Idlib serait sans aucun doute un État failli.
Idlib ne sert qu’à entretenir l’illusion d’une opposition viable. L’administration de la ville et de la province est aussi artificielle que le conflit armé qui est la cause de son état actuel de dysfonctionnement. L’administration municipale et provinciale dépend entièrement du soutien étranger qui ne s’intéresse qu’au renversement de Damas, pas à la paix ni à la prospérité d’Idlib.
Comme l’Afghanistan, l’Irak et la Libye, une fois la guerre terminée et le changement de régime accompli, les entrepreneurs chercheront à faire autant d’argent que possible sur la reconstruction, plus intéressés à retourner à la maison pour dépenser leurs nouvelles fortunes qu’à partir en laissant un État-nation libre et fonctionnant bien.
Le rapport conclut sur la question de savoir si oui ou non le gouvernement syrien peut se réinstaller à Idlib. Le gouvernement syrien possède absolument tout ce qui manque aux « administrateurs » actuels d’Idlib, à savoir l’unité, la capacité et les ressources. Tout comme ce qui se passe à Alep, quand les zones sont finalement retournées au contrôle syrien et la fourniture d’aide étrangère sous forme d’armes a été arrêté, l’illusion d’une opposition s’est d’elle-même arrêté.
Par Ulson Gunnar – Le 18 décembre – New Eastern Outlook
Traduit par Wayan pour le Saker Francophone
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