lundi 26 novembre 2018

(Et, vous croyez toujours que la nomination d'un ancien de goldman sachs à la tête de la Banque Centrale Européenne est innocente ? note de rené)

Malaisie: 1MDB, le scandale politico-financier aux ramifications mondiales

Par Falila Gbadamassi avec AFP@GeopolisAfrique | Publié le 02/08/2016 à 20H15, mis à jour le 02/08/2016 à 21H51 source ; France Info
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1MDB
Un homme passe devant un panneau publicitaire où s'affichent les ambitions du fonds d'investissement 1 Malaysia Development Berhad (1MDB) à Kuala Lumpur (Malaisie) le 1er mars 2015. © REUTERS/Olivia Harris
Un ancien banquier suisse, une journaliste britannique, un Premier ministre malaisien et un fonds de développement... Ce sont les principaux acteurs d'un scandale financier qui secoue la pouvoir malaisien et mobilise la justice dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis où l'affaire touche même Hollywood.

Le fonds souverain malaisien 1Malaysia Development Berhad (1MDB) est au cœur d’un scandale financier qui ébranle le Premier ministre malaisien Najib Razak et place, entre autres, dans le collimateur de la justice américaine les producteurs du film Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese.

La fiction raconte l'histoire vraie du trader new-yorkais Jordan Belfort qui a fait fortune en escroquant ses clients. Riza Aziz, le beau-fils du Premier ministre malaisien, co-fondateur du studio de cinéma hollywoodien Red Granite, a financé l'oeuvre grâce à l'argent détourné du fonds 1MDB.

Les révélations «rémunérées» de Xavier Justo
A l'origine du scandale 1MDB, les révélations du Suisse Xavier Justo. L'ancien directeur informatique de la firme PetroSaudi à Genève purge une peine de trois ans en Thaïlande «pour avoir tenté de "faire chanter" son ex-employeur», explique le quotidien suisse Le Temps. 

Après avoir exigé une rémunération de deux millions de dollars qu'il ne touchera pas finalement, l'ancien employé de la société de négoce PetroSaudi, la première firme à avoir signé un accord d’envergure avec 1MDB, a transmis des données informatiques dérobées (90GB de données dont 227.000 emails) à la journaliste britannique Clare Rewcastle Brown et à Tong Kooi Ong, le propriétaire de l'hebdomadaire économique malaisien The Edge en 2015, rapporte The Guardian.

Les premiers éléments sur l'affaire sont mis en ligne sur le site d'informations Sarawak Report, basé à Londres. L'article de sa rédactrice en chef Clare Rewcastle Brown, publié le 28 février 2015, explique comment près de 700 millions de dollars ont été subtilisés du fonds souverain malaisien. A la manoeuvre, l'homme d'affaires Low Taek Jho alias Jho Low, un proche du Premier ministre malaisien qui a participé à la création du fonds 1MDB. Sarawak Report a été censuré à plusieurs reprises dans le pays.

Début juillet 2015, le Wall Street Journal révèle (article payant) également l'implication du Premier ministre malaisien Najib Razak en s'appuyant, cette fois-ci, sur une enquête des autorités malaisiennes. Il aurait touché au moins 681 millions de dollars (618 millions d'euros) sur ses comptes en banque personnels. L'information sera démentie par le responsable malaisien ainsi que le fonds.

Affiche 1MDB
Une femme passe devant une affiche du fonds d'investissement 1 Malaysia Development Berhad (1MDB) à Kuala Lumpur (Malaisie) le 27 janvier 2014. © REUTERS/Samsul Said


Des poursuites judiciaires partout dans le monde
1MDB est un fonds d'investissement public créé par le Premier ministre malaisien à son arrivée au pouvoir en 2009 pour moderniser ce pays d'Asie du Sud-Est qui compte quelque 30 millions d'habitants. Les soucis ont commencé en 2014 quand 1MDB s'est retrouvé avec un trou de quelque 11 milliards d'euros.

Selon le Wall Street Journal, les fonds du 1MDB ont été notamment utilisés par l'entourage de Najib Razak pour acquérir des appartements de luxe à New York, des toiles de Van Gogh et les droits sur le film Le Loup de Wall Street réalisé par Martin Scorsese.

Le scandale financier, lié au fonds 1MDB, a des répercussions dans le monde entier. Des enquêtes ont été déjà ouvertes en Suisse, à Hong Kong et en Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont lancé mercredi 20 juillet 2016 une offensive judiciaire pour récupérer plus d'un milliard de dollars d'actifs. Ils sont soupçonnés d'avoir été acquis grâce à des détournements massifs et ont conduit le fonds au bord de la faillite.

L'enquête américaine s'intéresse également au rôle de Goldman Sachs : elle cherche à déterminer si la banque n'a pas omis d'avertir les autorités de transactions suspectes.

L'établissement financier et Tim Leissner, ex-président de Goldman Sachs en Asie du sud-Est, sont d'ailleurs attaqués en justice par la société de capital-investissement Primus Pacific Partners, actionnaire d'un de ses clients, pour conflit d'intérêt supposé lié au vaste scandale 1MDB.

La firme accuse Goldman Sachs d'avoir dissimulé leurs liens avec le Premier ministre malaisien Najib Razak lors de l'acquisition pour 1,7 milliard de dollars en mai 2011 de la banque EON Capital par Hong Leong Bank, un établissement ayant des liens étroits avec deux frères du chef du gouvernement malaisien.

Les Américains ne sont pas les seuls à faire pression sur le fonds 1MDB. Plus récemment, à la mi-juillet 2016, 163 millions d'euros (180 millions de dollars) d'actifs ont été saisis à Singapour.

Le Premier ministre malaisien Najib Razak 8 juillet 2015
Le Premier ministre malaisien Najib Razak, le 8 juillet 2015, lors d'une présentattion destinée aux stagiaires du gouvernement à  Putrajaya, la capitale administrative de la Malaisie, dans les bureaux du chef de gouvernement. © REUTERS/Olivia Harris TPX IMAGES OF THE DAY

Najib Razak, présumé coupable
En Malaisie, à mesure que le scandale a pris de l'ampleur et que les appels à la démission se sont multipliés, le Premier ministre a limogé des membres de son gouvernement réclamant la transparence sur cette affaire et freiné l'enquête dans le pays.

En juillet 2016, Najib Razak a pourtant promis la coopération de la Malaisie à l'enquête américaine qui ne le nomme pas formellement mais fait une allusion à peine voilée au responsable politique en mentionnant un «Officiel malaisien 1».

En attendant, une nouvelle loi sur la sécurité renforçant les pouvoirs d'un gouvernement, toujours plus répressif, est entrée en vigueur le 1er aôut 2016. Pour ses pourfendeurs, le texte est une atteinte à la démocratie et vise les opposants au Premier ministre. Les intimidations, c’est ce que Laura Justo, la compagne de Xavier Justo, a dénoncé dans la presse suisse.


Xavier Justo est emprisonné en Thaïlande ici 17 août 2015
Le ressortissant suisse Xavier Justo, emprisonné en Thaïlande, quitte le tribunal de Bangkok le 17 août 2015. © PORNCHAI KITTIWONGSAKUL / AFP

Pressions politiques 
«La police des Etats-Unis a tenté d’interroger mon mari en Thaïlande, car ils le considèrent comme un témoin clé dans cette affaire du fonds 1MDB. Mais ils m’ont confié que c’était la première fois de leur histoire que l’accès à un détenu leur avait été refusé», déclare-t-elle, citée par Le Temps. C’est sans compter les pressions de l’ancien employeur de Xavier Justo, PetroSaudi.

«Le dossier à charge de Laura Justo, peut-on lire dans Le Temps, décrit par le menu les techniques d’intimidation musclées du dirigeant britannique de PetroSaudi à l’égard de ceux qui oublieraient de "tenir leur langue" (...). Mais aussi les pots-de-vin versés aux autorités thaïes, les efforts pour blanchir la réputation de la société pétrolière via les services d’un communicant vaudois. Sans oublier le rôle opaque de l’ancien avocat genevois de Xavier Justo et les aveux qu’il n’a jamais écrits mais qui l’ont fait plonger. Pour finir, l’évidence que l’homme fort de Kuala Lumpur (Najib Razak) tirait les ficelles des opérations, depuis le début».

Quant à Xavier Justo, sa défense tente d’obtenir son rapatriement en Suisse. L’ancien cadre n’est pas la seule victime suisse du scandale 1MDB. Le père du banquier genevois Pascal Najadi, indique Le Temps, a été «assassiné il y a trois ans à Kuala Lumpur, pour avoir tenté d’alerter les autorités sur le détournement spectaculaire de deniers publics par l’homme fort du pays».

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