blockchain : une partie de la solution à la crise du capitalisme ?
source : TV5 monde
Le Bitcoin est basé sur la blockchain, un procédé informatique révolutionnaire et décentralisé (ThinkStock - Oez)
Alors qu'une nouvelle crise bancaire et financière pourrait surgir à l'automne en Europe, de nombreuses initiatives de créations monétaires libres et décentralisées voient le jour dans le monde. Les monnaies alternatives et les crypto-monnaies sont-elles une partie de la solution à la crise sociale et économique mondiale ?
17 AOÛ 2016
Mise à jour 18.08.2016 à 13:51
Des monnaies locales d'échanges
Depuis le début des années 90, des initiatives de monnaies parallèles et locales (ou d'alternatives à la monnaie) ont fleuri un peu partout sur la planète. Les SEL (Systèmes d'échanges locaux) ont permis par exemple en France d'échanger des services contre une unité de "valeur temps". Malgré tout le SEL est un système d'échange qui ne "fabrique" pas une véritable monnaie en tant que telle. Il peut d'ailleurs rapidement être confondu avec du troc et a été attaqué par l'Etat comme une forme d'incitation de "travail au noir".
Plus récemment, le SOL (abréviation de solidaire), une monnaie complémentaire solidaire (encore expérimentale) a été lancé en 2007 par plusieurs structures bancaires, d'assurance et soutenu par le Fonds social européen. Mais là encore, les principes de la création monétaire ne sont pas entièrement au rendez-vous, puisque le SOL reste surtout un complément à la monnaie nationale, et ne peut s'échanger en dehors de son propre circuit. Le SOL expérimente plusieurs supports différents d'échange comme les coupons-billets mais aussi des systèmes dématérialisés de type carte à puces, téléphone, ou internet?
Ces initiatives d'échanges monétaires locaux ont avant tout une vocation sociale et solidaire, et permettent — à une petite échelle — de pratiquer des échanges différemment de ceux que le système économique global propose. Leur impact est encore mineur, mais ces alternatives locales permettent de créer du lien social, des initiatives, et d'inventer une autre économie qui refuse la compétition, les profits, ou la croissance commerciale. Le mouvement issu du SOL se définit ainsi sur son site :
Plus récemment, le SOL (abréviation de solidaire), une monnaie complémentaire solidaire (encore expérimentale) a été lancé en 2007 par plusieurs structures bancaires, d'assurance et soutenu par le Fonds social européen. Mais là encore, les principes de la création monétaire ne sont pas entièrement au rendez-vous, puisque le SOL reste surtout un complément à la monnaie nationale, et ne peut s'échanger en dehors de son propre circuit. Le SOL expérimente plusieurs supports différents d'échange comme les coupons-billets mais aussi des systèmes dématérialisés de type carte à puces, téléphone, ou internet?
Ces initiatives d'échanges monétaires locaux ont avant tout une vocation sociale et solidaire, et permettent — à une petite échelle — de pratiquer des échanges différemment de ceux que le système économique global propose. Leur impact est encore mineur, mais ces alternatives locales permettent de créer du lien social, des initiatives, et d'inventer une autre économie qui refuse la compétition, les profits, ou la croissance commerciale. Le mouvement issu du SOL se définit ainsi sur son site :
Les citoyens du Mouvement Sol s'engagent à tendre vers la transition financière et à participer avec tous les autres acteurs pour faire grandir le pouvoir d'agir citoyen et les structures qui font le choix du développement durable, de l'économie solidaire, des valeurs plus respectueuses des humains et de la nature.
Le SOL est considéré comme une monnaie fondante : quand elle n'est pas utilisée, elle est automatiquement réaffectée au collectif. Ce principe permet de créer un "coût à l'utilisation" de la monnaie au cours du temps, qui se déprécie ainsi de façon automatique. Mais le SOL a une limite importante : c'est une monnaie cantonnée à quelques domaines spécifiques qui sont la coopération entre entreprises de l’économie sociale et solidaire (Sol Coopération ou économique), l’engagement dans des activités d’entraide (Sol Engagement - temps) et les politiques sociales à travers une monnaie affectée (Sol affecté - temps et gestes éco-citoyens).
Entre 500 000 et 1 million de personnes dans le monde, dans une quarantaine de pays à travers 3000 associations utilisent ces monnaies locales alternatives qui se dénombrent… par milliers.
Entre 500 000 et 1 million de personnes dans le monde, dans une quarantaine de pays à travers 3000 associations utilisent ces monnaies locales alternatives qui se dénombrent… par milliers.
Les crypto-monnaies et la blockchain : une révolution en marche ?
Le Bitcoin (BTC) est la première et la plus célèbre des monnaies dématérialisées. Elle est devenue en quelques années — depuis 2009, année de son apparition — la référence mondiale de ce que l'on nomme les "monnaies cryptographiques". Le Bitcoin est une monnaie virtuelle, sécurisée par un protocole de cryptographie qui n'existe donc que sur Internet, mais qui s'échange sur toute la planète et est acceptée par de nombreux commerces en ligne. Cette crypto-monnaie peut même être convertie dans les principales monnaies officielles (dollar, euro, yen, yuan, etc).
Le Bitcoin utilise un système de paiement décentralisé, basé sur le principe du P2P (protocoles peer-to-peer, systèmes d'échanges numériques de pair à pair) qui est le plus important au monde, avec une capitalisation proche de 10 milliards d'euros en 2016. La monnaie Bitcoin s'appuie sur un procédé informatique appelé "blockchain" (chaîne de blocs) qui permet de créer un système chiffré de confiance de pair à pair. C'est cette sécurité par consensus, alliée à la transparence et la décentralisation de l'ensemble qui a fait le succès du Bitcoin : chaque possesseur d'un portefeuille Bitcoin est sa propre banque, et chacun peut effectuer des transactions "protégées" sans organe centralisateur.
Le code informatique du Bitcoin a été publié en open-source (utilisable et modifiable par tous) par son mystérieux créateur, Satoshi Nakamoto et permis ainsi de créer des alternatives au BTC, basées sur le même système, celui de la blockchain. Ucoin, devenu aujourd'hui Duniter, est l'une de ces alternatives : un logiciel de cryptomonnaie basé sur le code source de la blockchain de Bitcoin, mais qui intègre de nouveaux concepts, comme ceux de dividende universel et de toile de confiance.
Le vote, la gestion du cadastre, la garantie d’antériorité, sont autant de projets qui ont déjà été testés avec succès à travers des blockchains
Bruno Spiquel, spécialiste réseaux et promoteur associatif de la blockchain
Les applications tirées de la blockchain ne permettent pas seulement d'effectuer des transactions bancaires décentralisées, elles peuvent aussi permettre de transférer des actifs, comme des titres, ou des votes, des actions, des obligations. Il est possible d'utiliser une application blockchain pour effectuer de la traçabilité de produits et même exécuter des contrats… sans intervention humaine.
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.
Ces nouveaux outils, aux vastes possibilités, pourraient à terme offrir des alternatives au fonctionnement financier, social et économique actuel, selon les promoteurs de la blockchain, qui pensent qu'un monde plus équitable pourrait en émerger, en développant entre autre une blockchain publique…
Pour mieux comprendre l'intérêt des crypto-monnaies, Bruno Spiquel, entrepreneur spécialiste réseaux, militant des logiciels libre et instigateur d'un tiers-lieu (lieu associatif multi-activités à vocation sociale et solidaire) qui doit bientôt créer sa propre crypto-monnaie, a bien voulu répondre à nos questions :
On parle de monnaie libre pour les crypto-monnaies basées sur le principe de blockchain, pourquoi « monnaie libre » ?
Bruno Spiquel : Le fait qu'elles soient libres n'est pas nécessairement lié à l'aspect cryptographique ou même à la blockchain. Elles sont libres parce qu'en fait n'importe qui peut les manipuler, les dupliquer pour son usage propre — ou l'usage de sa communauté— et, dans le cas des crypto-monnaies, elles sont libres car non dépendante d'un individu, d'une institution ou d'une structure privée. Elles sont simplement définies par un algorithme qui sert de consensus de base, rien d'autre.
Bruno Spiquel, spécialiste blockchain participe aussi à lutter contre les zones blanches internet en zone rurale. Ici, lors d'une conférence pour "apprendre à devenir son propre fournisseur d'accès Internet".
La blockchain est un procédé informatique qui garantit une "qualité de confiance des échanges entre les opérateurs", totalement décentralisé : vous pouvez nous expliquer de façon simple, pourquoi et comment ?
B.S : Pourquoi ? Parce qu'avant la blockchain, on avait le choix entre une monnaie de grande envergure gérée par une autorité centrale — souvent un Etat, ou plutôt les banques d'un Etat, plus ou moins chapeautées par une banque centrale — ou bien par quelque chose qui pourrait s'approcher d'une gestion démocratique mais gérable uniquement à petite échelle (les SEL par exemple). Comment ? Et bien, en pratiquant la transparence totale. Chaque transaction étant publiquement accessible et vérifiable, on peut se passer de l'intermédiaire bancaire, dont le rôle principal n'est au fond que celui de la vérification de validité. L'algorithme sous-jacent est prévu pour rendre infalsifiable cette liste de transaction en l'organisant en une chaîne de blocs se faisant successivement référence et rendant la falsification de moins en moins possible à mesure que le temps passe et que de nouveaux blocs s'empilent.
Qu’est-ce que le procédé de Blockchain apporte d’autre que la confiance au sein des échanges ?
B.S : Pour ce qui est de la monnaie, pas grand chose. L'univers de la blockchain est par contre beaucoup plus vaste, et intéresse tout ce qui avait besoin d'un intermédiaire de confiance dans l'ancien monde. Le vote, la gestion du cadastre, la garantie d’antériorité, sont autant de projets qui ont déjà été testés avec succès à travers des blockchains. Il est par contre capital de se souvenir que la blockchain n'est qu'un concept et qu'il en existe des tas, on peut même créer la sienne propre. La confiance qu'on peut apporter à une blockchain donnée (par exemple celle du bitcoin) se mesure à la quantité de personnes qui s'en servent. Autant dire que ma petite blockchain personnelle n'offre qu'une sécurité toute relative à quelqu'un d'autre que moi. Un projet naissant se doit donc de s'appuyer sur une blockchain existante pour avoir une sécurité valable dès son démarrage. Certaines blockchains sont même des "sous-blockchain", dans le sens ou elles sont systématiquement adossées à une blockchain "mère".
Créer une crypto-monnaie est donc parfaitement possible, et c’est ce que vous comptez faire dans le cadre d’un lieu associatif (un tiers-lieu dans l'Yonne, LabDispak). Quelle en est la raison, quels sont les objectifs de cette cryptomonnaie dans le cadre d’une association ?
B.S : Pour le tiers lieu en lui même, le but est d'avoir une monnaie locale. Elle pourrait être une SEL sans existence numérique, mais le tiers lieu en question étant assez axé autour du numérique, il semble logique de tenter l'expérience d'une cryptomonnaie locale. Le besoin de l'adosser à une blockchain réputée et utilisée est faible, l'idée étant de réguler des échanges locaux. Il s'agira donc de créer une monnaie locale numérique intégrant les principes du revenu de base. Il existe une suite logicielle — Duniter — faite spécifiquement pour ça. Le challenge serait de lui donner une existence physique et matérielle pour favoriser son usage dans le lieu, notamment pour les personnes ayant du mal avec le numérique.
Une nouvelle économie, parallèle, peut donc se créer grâce à ces crypto-monnaies… Ces crypto-monnaies peuvent-elles amener des alternatives au système financier capitaliste un peu essoufflé, renforcer des nouvelles formes d’échanges économiques, selon vous ?
B.S : Renforcer des nouvelles formes d'échanges économiques, je ne sais pas, mais, sans être primordiales, elles sont un atout complémentaire aux envies de chacun de faire et vivre autrement, c'est certain…
Mise à jour 18.08.2016 à 13:51
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