(Tellement invisible grâce aux médias des milliardaires que je n'en avais pas entendu parler. C'est lui mon candidat. note de rené)
Invisible, mais combatif : Howie Hawkins, candidat écolo à l’élection étasunienne
Durée de lecture : 7 minutes
3 novembre 2020 / Maxime Carsel (Reporterre)Biden et Trump ne sont pas les seuls concurrents dans la course à la Maison-Blanche. Parmi les candidats de « parti tiers », l’écologiste Howard Hawkins, ancien compagnon de route de Murray Bookchin.
Biden ou Trump ? Trump ou Biden ? La bipolarité des campagnes présidentielles étasuniennes est une vieille habitude. Tout le monde se souvient des duels entre deux candidats et finalement de deux courants de pensée seulement, comme si le pays ne connaissait pas d’autres animaux que l’âne démocrate et l’éléphant républicain. Or, il existe d’autres programmes incarnés par des hommes ou des femmes qui tentent de se frayer un chemin dans l’arène politique. Cette année, c’est le cas de Howard Hawkins.
Ce pacifiste de 67 ans, ancien maçon puis membre des Teamster (le syndicat des conducteurs routiers) dans l’entreprise postale UPS où il déchargeait les colis la nuit, est un membre actif de la pensée écologiste depuis vingt ans. Howie — c’est son surnom officiel — est le fils d’un éminent avocat ayant travaillé au sein du contre-espionnage dans le programme Manhattan (nom du projet de recherche qui produisit la première bombe atomique). C’est tout jeune que sa fibre militante se révéla quand, en 1964, le président Lyndon Johnson empêcha le développement du Mississippi Freedom Democratic Party (Parti pour la liberté et la démocratique du Mississippi), qui luttait pour l’émancipation des Afro-Américains. Hawkins fonda en 1988 le parti Left Green Party (Parti vert de gauche) avec le philosophe Murray Bookchin, fondateur de l’écologie sociale. Puis, deux ans plus tard, il créa le Green Party, qui propose notamment de redessiner les frontières des États de l’Union en respectant les lignes naturelles du territoire et la biodiversité.
À trois reprises, il s’est présenté au poste de gouverneur de New York jusqu’à obtenir en 2014 un score de 5 %, ce qui est particulièrement élevé pour un parti minoritaire (qu’on appelle un third party aux États-Unis, littéralement un « parti tiers »). En mai 2019, il annonçait à Brooklyn (un quartier de New York) qu’il serait le candidat officiel des verts pour l’élection de 2020 sous le logo fait sur-mesure : « H20 » (Howard Hawkins 2020).
Éviter un « holocauste climatique »
Son programme écosocialiste est aux antipodes de celui de Donald Trump. Il veut, entre autres, tailler dans le budget de l’armée pour le recentrer sur le social, comme le proposait le candidat Robert Kennedy en 1968. « Ces programmes peuvent être financés par des réductions [du budget] du plus grand pollueur en carbone de la planète : l’armée, ainsi que par une taxation plus progressive du revenu, de la richesse et des successions (…). Les banques publiques peuvent fournir un financement à faible coût pour les investissements en capital à long terme », explique-t-il.
Le second axe du programme, et finalement le plus important, est l’arrêt pur et simple de la destruction de notre planète. Hawkins propose un Green New Deal pour éviter une catastrophe climatique et stipule qu’« il faut une mobilisation majeure des ressources et la transformation de l’économie pour faire passer la protection de la planète et les nécessités de la population avant les profits ». Il demande un retournement de table de la société étasunienne afin d’éviter un « holocauste climatique » :100 % énergies renouvelables en 2030, réforme agraire, services publics d’électricité, système ferroviaire à grande vitesse inter-États, nationalisation des grands pétroliers et gaziers.
Angela Walker, sa colistière de 46 ans, est une ardente défenseure des droits des peuples noirs, autochtones et de la communauté LGBT. Par ailleurs, elle se réclame du socialiste Fred Hampton, leader des Black Panthers de l’Illinois assassiné dans son sommeil par le FBI en 1969, ainsi que d’Assata Shakur, également militante des Black Panthers et réfugiée à Cuba depuis son évasion de prison en 1979. « Je me présente en tant que candidat du Parti vert parce que les deux principaux partis ne proposent rien pour enrayer les vrais problèmes des communautés noires », précise-t-elle.
Mais de nombreux démocrates voient une menace en la candidature de Howie Hawkins et Angela Walker. Ce n’est pas tant le programme que leur présence qui dérange, au même titre que les autres candidats, comme le pieux Kanye West ou Jo Jorgensen, du Parti libertaire. Des « partis tiers », c’est moins de votes pour Biden. Beaucoup d’Étasuniens ne perdent pas de temps à consulter ces autres candidats et ont coché Biden automatiquement, comme Joshua, un artiste qui réside à New York. « J’ai déjà voté et je ne connais pas cet Howie. Je n’accepterais même jamais ce genre d’option, c’est impossible dans la politique américaine moderne. Car, un vote pour n’importe qui sauf pour Joe Biden est un vote pour Donald Trump, même si Howie pourrait être une bonne solution », dit-il au téléphone à Reporterre. « C’est malheureusement comme ça que ça marche dans notre pays-patrie de la “liberté”, où tout est corrompu. »
« Trump dit que le dérèglement climatique est un mensonge, mais Biden agit comme si ce dérèglement n’existait pas »
Loin d’avoir le budget des deux autres mastodontes, le Parti vert a dû s’organiser seul pour obtenir le nombre de parrainages suffisant dans chaque État, condition sine qua non du système étasunien. « Les conditions d’accès aux urnes aux États-Unis sont bien plus lourdes que dans les autres démocraties électorales », explique Howie. D’autant que le nombre de parrainages diffère selon les États. À titre d’exemple, c’est plus de 15.000 dans l’Illinois, 20.000 en Géorgie et en Ohio, 30.000 en Alabama et plus de 40.000 dans l’Indiana.
Conscients que les votes en faveur des Verts peuvent jouer en leur faveur, les Républicains ont, d’après le New York Times, tenter d’inscrire le nom d’Hawkins dans certains États, comme le Wisconsin, la Pennsylvanie ou le Montana. Une technique qui rappelle les déboires de Hillary Clinton, qui affirmait avoir perdu en 2016 à cause du résultat de la candidate des Verts, Jill Stein. Pour elle, Stein aurait été pilotée par les Russes afin de faire gagner Donal Trump. Une « idée folle », selon l ’écologiste qui avait recueilli 1,1 % des votes, ajoutant : « Vous ne pouvez pas simplement calomnier les gens. Vous devez présenter des arguments et des faits. »
Hawkins est loin de ces histoires picrocholines et poursuit son infatigable campagne pour tenter de peser dans le score final. L’antédiluvien système étasunien veut que seuls ceux qui sont crédités de 15 % d’intentions de vote aient le droit de débattre à la télé. Pour obtenir ce score confortable, il faut se faire connaître auprès de la population et donc dépenser des centaines de millions d’euros. Mais les Verts ne sont pas riches. C’est l’une des raisons pour lesquelles les élections aux États-Unis sont cadenassées entre le bleu et le rouge depuis des lustres. Aujourd’hui, le duel se joue entre Biden l’ancien, sénateur pendant 40 ans, et Trump le bateleur et agressif président, ex-animateur de télé et héritier de la fortune de son père. À eux deux, ils ont dépensé durant la campagne présidentielle des sommes de campagnes astronomiques qui frisent les 14 milliards de dollars selon les projections du Center for Responsive Politics, ce qui correspond à deux années de budget pour une ville comme Paris. Un record dans toute l’histoire étasunienne. Hawkins tente de grappiller quelques points en s’opposant fermement à Trump mais aussi au camp démocrate. « Trump dit que le dérèglement climatique est un mensonge, mais Biden agit comme si ce dérèglement n’existait pas », a-t-il affirmé dans une discussion avec l’influenceur militant Ryan Knight.
À ce jour, les Étasuniens peuvent choisir le candidat Howie Hawkins dans 48 états sur 52. Les chances de voir les Verts peser dans le résultat final sont inexistantes. « Les gens votent contre ce dont ils ont peur et non pour ce qu’ils croient », admet Jill Stein.
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