France : Paluel : Erreur de branchement et surpression dans le circuit primaire : Le réacteur 4 a fonctionné hors des limites autorisées
2 août 2019 source : Sortir du Nucléaire
Une toute petite erreur, qui aurait pu être très lourde de conséquence : une inversion de branchement, et la pression du circuit primaire augmente au lieu de diminuer. Les faits ne datent pas d’hier, janvier 2019. Et pourtant c’est 8 mois plus tard qu’on les apprend. Durant 30 minutes, la pression du circuit primaire du réacteur 4 de la centrale de Paluel (Normandie) a été supérieure de plus de 5 bars à la pression maximale autorisée. Et c’est alors un inquiétant enchainement de manquements qui s’ensuit : la baisse de la pression ne sera mise en œuvre qu’au bout de 26 minutes. Pendant tout ce laps de temps, l’action à l’origine de la montée en pression du circuit primaire ne sera pas interrompue, les équipes poursuivent le test malgré l’effet inverse à l’attendu. L’exploitant mettra plus de 6 mois à réaliser que la situation était redevable d’une déclaration d’évènement significatif (le 16 juillet 2019), il ne s’est pas aperçu être sorti du domaine autorisé de fonctionnement lors de l’essai réalisé en janvier, démontrant sa profonde méconnaissance des règles d’exploitation. Enfin, une fois son erreur réalisée, EDF attendra encore 2 semaines avant de déclarer l’évènement à l’Autorité de sûreté nucléaire.
Cette déclaration d’incident finalement faite le 1er août par la direction de la centrale nucléaire survient juste après l’arrêt automatique du réacteur 3 pour cause de méduses. Venant jusque dans les filtres de la station de pompage, elles ont empêché un apport suffisant en source froide. Mais sur le coup, les équipes d’EDF n’avaient pas identifié le problème. Le réacteur s’est arrêté le 31 juillet, ne pouvant plus être refroidi correctement. Réacteur qui a par ailleurs connu courant juillet plusieurs baisses de puissance en raison de "défaillances". Un peu avant, c’était une erreur de manœuvre d’une vanne sur le réacteur 1. Erreur qui, passée inaperçue durant 15 jours, a fait prendre un risque de perte de confinement de l’enceinte du réacteur. Défaillances récurrentes, erreurs passées inaperçues, prise de risque avec le confinement, perte de refroidissement, surpression et sortie du domaine autorisé de fonctionnement... les problèmes de sûreté se cumulent à Paluel.
Ce que dit l’ASN :
Sortie du domaine de fonctionnement autorisé du réacteur 4 de Paluel
Publié le 02/08/2019
Centrale nucléaire de Paluel - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 1er août 2019, EDF a déclaré à l’ASN un événement significatif pour la sûreté relatif à la sortie du domaine de fonctionnement autorisé par pression élevée du circuit primaire principal [1] du réacteur 4. Cette sortie constitue un écart aux règles générales d’exploitation, approuvées par l’ASN, qui définissent le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation et les prescriptions de conduite associées.
Le 6 janvier 2019 à 0h12, le réacteur est en arrêt à chaud [2] et le circuit primaire est à une pression de 155 bar. Un essai est réalisé dans le but de simuler une augmentation de 5 bar de la pression primaire, par l’injection d’un signal approprié dans le contrôle-commande [3]. La réaction attendue est, du fait de la régulation, une diminution effective de pression de 5 bar du circuit primaire, à 150 bar. Cependant, c’est une augmentation qui est constatée. Elle se stabilise à 160,3 bar, au-delà du domaine de fonctionnement autorisé.
A 0h38, l’injection du signal est interrompue. Une baisse de la pression primaire s’ensuit.
A 0h41 celle-ci rejoint le domaine de fonctionnement autorisé. L’action, qui s’est avérée corrective, est intervenue 26 minutes après le début de l’essai et la sortie du domaine de fonctionnement du réacteur 4 a duré 29 minutes. De plus, ce transitoire n’a été correctement caractérisé comme relevant d’une déclaration d’évènement significatif pour la sûreté que le 16 juillet 2019, dans le cadre de la préparation d’un essai similaire sur le réacteur 1. La déclaration elle-même est intervenue 16 jours plus tard, plus de six mois après l’évènement.
L’analyse de cet évènement a révélé une inversion de câblage entraînant la simulation d’une baisse et non d’une hausse de la pression primaire et l’évolution inverse de celle-ci sous l’effet de la régulation.
Cet écart n’a eu de conséquence ni sur le personnel ni sur l’environnement. Toutefois, compte-tenu de la sortie du domaine de fonctionnement, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES*.
Ce que dit EDF :
Sortie temporaire du domaine de pression pendant un essai programmé sur le pressuriseur de l’unité de production numéro 4
Publié le 05/08/2019
Le 6 janvier 2019, l’unité de production numéro 4 est en arrêt programmé pour maintenance et rechargement du combustible.
A 22 heures, un essai de fonctionnement de la régulation de la pression du pressuriseur [4] est réalisé. Il prévoit de simuler une variation de la pression de 5 bars afin de faire baisser automatiquement la pression du pressuriseur, sous l’effet de la régulation.
A 0h12, du fait d’une inversion de câblage, le signal simulé a pour effet d’augmenter la pression du pressuriseur, sans jamais dépasser le seuil de de déclenchement de l’alarme.
A 22 heures, un essai de fonctionnement de la régulation de la pression du pressuriseur [4] est réalisé. Il prévoit de simuler une variation de la pression de 5 bars afin de faire baisser automatiquement la pression du pressuriseur, sous l’effet de la régulation.
A 0h12, du fait d’une inversion de câblage, le signal simulé a pour effet d’augmenter la pression du pressuriseur, sans jamais dépasser le seuil de de déclenchement de l’alarme.
A 0h38, le signal simulé est interrompu et la pression revient à sa valeur initiale de 155 bars.
Tous les systèmes de protection et de sauvegarde sont restés disponibles. Cependant, en raison du délai de détection de cet aléa supérieur au délai requis, la direction de la centrale nucléaire de Paluel a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le 1er aout 2019, un événement significatif de sûreté de niveau 1 sur l’échelle INES, qui en compte 7.
* INES : International nuclear and radiological event scale (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) - Description et niveaux ici - https://www.asn.fr/Lexique/I/INES
[1] Le circuit primaire est un circuit fermé, contenant de l’eau sous pression. Cette eau s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact des éléments combustibles. Dans les générateurs de vapeur, elle cède la chaleur acquise à l’eau du circuit secondaire pour produire la vapeur destinée à entrainer le groupe turboalternateur. Le circuit primaire permet de refroidir le combustible contenu dans la cuve du réacteur en cédant sa chaleur par l’intermédiaire des générateurs de vapeur lorsqu’il produit de l’électricité ou par l’intermédiaire du circuit de refroidissement à l’arrêt lorsqu’il est en cours de redémarrage après rechargement en combustible. La température du circuit primaire principal est encadrée par des limites afin de garantir le maintien dans un état sûr des installations en cas d’accident.
[2] Situation d’un réacteur nucléaire à l’arrêt dans lequel la pression et la température du fluide de refroidissement sont maintenues à des valeurs proches de celles du fonctionnement en puissance.
[3] Le controle-commande est constitué de l’ensemble des systèmes qui, dans une installation nucléaire, effectuent automatiquement des mesures et assurent des fonctions de régulation ou de protection.
[4] Le pressuriseur est un réservoir de forme cylindrique dont la fonction est de réguler la pression du circuit primaire en maintenant l’eau du circuit primaire sous une pression de 155 bars.
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