mardi 27 août 2019


Le miscanthus, une plante pour remplacer le plastique ?
source : Kaizen

Originaire de l’Asie du Sud-Ouest, le miscanthus est une graminée vivace à rhizomes dont la durée de vie varie entre 15 et 20 ans. La plante non-invasive a fait son apparition dans les campagnes françaises depuis près de 12 ans. Utilisé comme combustible, litière ou paillage avec succès, le miscanthus pourrait probablement remplacer le pétrole dans la production de plastique. C’est du moins le pari d’entrepreneurs et d’agriculteurs en Seine et Marne.
Remplacer l’hydrocarbure du plastique par…. le miscanthus ?  Face à la hausse du prix du pétrole et à son impact sur l’environnement, un plastique 100% végétal semble prometteur et pourrait susciter l’intérêt de nombreux secteurs industriels. L’idée qui vient d’être brevetée, est actuellement conçue par Polybiom, une filière commerciale française de nouveaux agro-bio matériaux.
Le miscanthus est une plante à graminée qui peut atteindre les quatre mètres de hauteur. 20 espèces  existent, mais le  miscanthus x giganteus, un hybride interspécifiqueest la seule  cultivée en France. stérile et non invasive, elle ne nécessite ni engrais ni pesticides ni même d’arrosage. Sa multiplication est végétative et ne passe pas par la graine, mais pas son organe souterrain : le rhizome. Ce dernier recycle les éléments minéraux nécessaire à la croissance de la plante.  Elle est récoltée à partir de la deuxième année, en hiver quand sa canne est sèche.  Les copeaux de la tige sont réduits en paillis dont la première forme est destinée à la chaufferie, à la litière ou au paillage pour les animaux.
Une filière plastique biodégradable et locale
Afin d’être transformé en matière base 100 % biodégradable, le miscanthus va subir trois étapes. Tout d’abord, la tige va être micronisée : la paille réduite en bouillie va être plongée dans un bain d’eau pour produire une décantation du produit actif pendant quelques heures. Puis l’extrait de miscanthus va subir une première filtration avant la polymérisation : la matière va subir des chocs thermiques à travers une chaîne de micro-ondes de tailles industriels. Enfin, la pâte qui en ressort va être mélangée avec de la gélatine de porc ou de bœuf achetée aux abattoirs. « On se retrouve avec une matière à base d’eau, de plante et d’animal : 100 % naturel ! Une gélatine autre qu’animal n’aurait aucun intérêt puisque des adjuvants compris dedans élimineraient le taux de biodégradabilité », explique Olivier Suty, directeur général de la société d’économie mixte Moret Seine & Loing (MSL), membre de la société Polybiom.
« Au-delà de l’absence de pétrole, pour que l’article soit totalement biosourcé et biodégradable, aucun additif ne doit être ajouté pendant la phase de production », précise le directeur au CNRS Polymères et Composites BIO-sourcés, Patrick Navard.
L’entreprise MSL produit 6 à 8 tonnes par mois de miscanthus qu’elle vend sous la forme de pâte à une entreprise qui en élaborera un produit fini. La première entreprise cliente devrait débuter sa commercialisation début 2020. Gobelets, tissus, nappes, présentoirs et mobilier, visant à remplacer le bois ou le plastique ou le métal, seront vendus en Belgique, en Allemagne et au Canada. Un sac plastique biodégradable en miscanthus n’est pas réalisable pour l’instant, en raison des propriétés d’élasticité que demandent la matière plus fine du sac.
Outre des objets produits à partir du bio plastique thermo formé ou moulé dans des machines classiques de plasturgie et de la pétrochimie, le miscanthus se dérive en deux autres gammes de produits. La résine de miscanthus peut également remplacer le polystyrène des petites boites ou la vaisselle jetable de la restauration rapide. « Nous ne sommes pas encore normés alimentaire, mais notre résine peut s’y prêter. On attend avant de se lancer, car ce sont des investissements relativement lourds » explique Olivier Suty.
Enfin, le miscanthus pourrait également remplacer la colle synthétique ou la colle à solvant hydrocarbure, dont les composantes sont issues du pétrole, selon Olivier Suty. La production et l’impact de ces colles industrielles qu’elles soient dérivées du néoprène ou du bois sont dévastateurs sur l’environnement. « Une colle dérivée du miscanthus n’atteint pas les 100 % de bio-dégrabilité, mais au moins les 97 %. Ce qui est largement au-dessus des norme françaises et européennes », atteste le directeur de MSL.

Matière souple à base de miscanthus

Boite à base de miscanthus ©Polybiom

Une plante aux multiples vertus écologiques
Au sud de Rennes à côté de Fougères, Philippe Foucret fait partie des quelques pépiniéristes français de miscanthus. Il a découvert la culture de cette plante en Allemagne où elle est majoritairement utilisée comme bio combustible. Tout comme en France où le miscanthus sert principalement de combustible écologique et économique pour les chaudières à biomasse individuelles ou collectives. Avec son taux de matière sèche supérieur à celui du bois, le pouvoir calorifique du miscanthus est comparable à celui des plaquettes de bois.
Philippe Foucret utilise également la tige du miscanthus pour le paillage agricole et la litière animale. « Le miscanthus, comme le jonc, est plein de cellulose. Sa paille est donc 3 fois plus absorbante que la paille de blé qui est creuse », explique l’agriculteur. « La teneur élevée en cellulose s’explique par la récolte du miscanthus  « à sur-maturité » à la fin de l’hiver où nous avons observé plus de cellulose qu’avec une coupe en vert à l’automne »  selon la chercheuse Maryse Brancourt, directrice de recherche à l’INRA AgroImpact. « Les communes et les villes en applique sur les massifs de fleurs et les plantations d’arbustes car ils n’ont plus le droit d’utiliser le glyphosate », explique Philippe Foucret. Le miscanthus empêche les mauvaises herbes de pousser et maintient la fraîcheur, grâce à son PH. « Le PH neutre du miscanthus limite l’acidification  du sol », développe Caroline Wathy, ingénieure agronome à Novabiom. Dans le secteur de l’éco-construction, le Miscanthus giganteus peut également faire  office de matériaux. La fibre de la plante possède et bonne capacité d’isolation et un excellent pouvoir absorbant.

Le miscanthus, une plante pour remplacer le plastique ?

récolte du miscanthus lorsque les tiges sont sèches ©Polybiom

Un dépolluant ?
Si le développement du miscanthus peut apparaître comme concurrent aux cultures vivrières, il se prête en revanche à des sols pollués. Le rhizome ou la racine de la plante agglomère et concentre certains métaux lourds.  « Les polluants sont stabilisés dans la couche superficielle sans descendre le sous-sol ou monter dans la tige », soulève Caroline Wathy, ingénieur agronome à Novabiom. Si l’aspect stabilisant est prouvé, l’aspect dépolluant est en revanche en cours d’étude. Le miscanthus capte plus de CO2 dans ses rhizomes qu’il n’en rejette lors de sa combustion.  « Sa culture produit un enrichissement du sol en carbone via les résidus au sol », explique Maryse Brancourt. Un puits de CO2 qui peut contribuer aux réductions de gaz à effets de serre.
Le miscanthus permet notamment de de réduire localement les problèmes de qualité de l’eau. En outre, le caractère pérenne de sa culture et sa production de biomasse souterraine pourraient améliorer la structure du sol, augmenter la capacité de rétention en eau et ainsi réduire le ruissellement et l’érosion. « Au lieu de s’écouler dans les nappes phréatiques, le miscanthus favorise l’infiltration verticale vers le sol dans les parcelle », précise Caroline Wathy.
Pour la biodiversité, la culture du miscanthus est un bon couvert faunistique pour les petits animaux. « Les sols sont plus riches en verre de terre et favorisent la fertilité », atteste Patrick Navard.
L’Allemagne compte 50 000 hectares de miscanthus et la France, un peu plus de 5 000 hectares. Malgré son empreinte écologique faible, sa valorisation de la terre agricole et ses nombreux débouchés, le miscanthus reste une plante encore trop peu cultivée. L’INRA s’y intéresse depuis 2006 et son unité AgroImpact travaille en particulier sur l’adaptation du miscanthus aux nouveaux usages dont la bioénergie et la chimie biosourcée ainsi que ses contraintes environnementales.
Par Louna Boulay

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