jeudi 29 août 2019

 L’hydrogène … un bien commun pour une nouvelle Europe

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Mis en ligne le 28 Août 2019 – Synopia/Alexandre MALAFAYE* source : Sans à Priori

Cet article met en lumière la pertinence d’élaborer une nouvelle stratégie énergétique européenne reposant sur l’hydrogène.

L’analyse collective, menée au sein du comité éditorial de Synopia et synthétisée par l’auteur, souligne la double impasse à laquelle fait face la politique énergétique actuelle de l’Europe, double impasse liée tant à l’intermittence des sources d’énergie renouvelables qu’aux limites intrinsèques de l’électricité comme vecteur de distribution.
Sans occulter les défis majeurs posés, l’analyse propose de miser sur l’hydrogène dans le cadre d’un grand projet européen, soutenu par l’axe franco-allemand.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent pas le CSFRS.
Les références originales de cet article sont : « L’hydrogène : un bien commun pour une nouvelle Europe », dans La Note de Synopia n°4 – Mai 2019.
Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être téléchargés et consultés sur le site de Synopia.
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La question de l’utilisation du gaz hydrogène pour le stockage et la distribution d’énergie aux consommateurs mobiles semble être arrivée à maturité.

Certes, on pouvait encore lire récemment dans un magazine automobile que « même si la filière a fait de gros progrès, imaginer que les particuliers pourront rouler demain à l’hydrogène est parfaitement utopique car le problème de sa distribution est presque insurmontable… ». Et si précisément cet obstacle pouvait être transgressé aujourd’hui ?
Car dans cet article, on lit également qu’« après la Toyota Mirai et la Honda Clarity Fuel Cell qui ont déjà démontré les qualités des véhicules électriques à pile à combustible (agrément de conduite, zéro pollution, ravitaillement rapide), le Hyundai Nexo ajoute la touche de sex-appeal qui jusqu’alors faisait défaut ».
Combien d’opportunités laisserons-nous encore passer, comme hier l’électronique ou le numérique au profit du Japon, de Taiwan, de Singapour ou des États-Unis, et plus récemment les panneaux solaires au profit de la Chine ? Combien d’occasions manquées d’imposer nos normes pour que l’Europe imprime enfin son leadership sur un secteur clé ?

Il en est de la transition écologique et solidaire comme de l’immigration. Ainsi, Synopia proposait dans sa note n°2 publiée en décembre 2018 sur l’immigration et l’asile, la création entre États européens de bonne volonté d’un espace contrôlé de solidarité. Il devrait en être de même en ce qui concerne la politique énergétique de l’Union, à l’instar de la création de la première Communauté européenne qui s’est nouée autour du charbon et de l’acier (la CECA).

Pour toutes ces raisons, il nous parait pertinent de défendre une stratégie européenne en matière énergétique, basée cette fois-ci sur l’hydrogène, un bien commun pour l’Europe et pour l’humanité.

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1. Une politique de l’énergie dans une double impasse

Dans sa note n°1 publiée en octobre 2018 et intitulée « Faire exister l’Europe parce que le monde en a besoin »Synopia faisait l’inventaire des grandes menaces qui pèsent sur l’humanité. La première que nous avons identifié est le risque écologique, et en particulier le réchauffement et le dérèglement climatiques.
Sur ce sujet d’importance capitale pour l’avenir de l’Europe et du monde, il devient urgent de proposer des remèdes qui soient à la fois efficaces (donc réalisables), enthousiasmants pour les Européens (pour susciter leur adhésion), et acceptables par les États qui ont bien souvent des visions divergentes en matière de politique énergétique.
Chercher à réduire l’émission de gaz à effet de serre a conduit à favoriser la « génération électrique » à partir de sources d’énergie renouvelable. Plus récemment, et avec un peu plus d’hésitation de la part des grands pays industrialisés – Chine comprise – l’accent a été mis sur le véhicule électrique. De la même façon, l’isolation thermique et l’électricité produite par les pompes à chaleur et les panneaux solaires, font partie des dispositifs permettant de réaliser rapidement de fortes économies d’énergie fossile dans les habitations et l’immobilier tertiaire.

Malheureusement, si l’électricité se transporte facilement, elle ne se stocke qu’en quantités très limitées et pour un coût élevé. Le scénario de la « transition énergétique » est, dès lors, dans une double impasse.

1èreimpasse :les sources d’énergie renouvelable sont, pour l’essentiel, intermittentes, ce qui oblige, d’une part, à compléter le parc de production d’électricité par des centrales à énergie fossile facilement disponibles, et d’autre part, à mailler le pays d’un réseau électrique de transport à haute tension onéreux et peu compatible avec la densification d’occupation de nos territoires. La situation de l’Allemagne est à cet égard intéressante, la production de ses centrales thermiques – et donc les émissions de CO2 associées – augmentant avec la puissance installée de sources d’énergie renouvelables. Quant au réseau de 7 700 km de câbles supplémentaires qui avait été jugé nécessaire dès 2011, il n’est réalisé qu’à hauteur de 12 %, et aucun calendrier crédible n’est publié compte-tenu des difficultés rencontrées, en particulier des oppositions sur le terrain.
2ndeimpasse :le véhicule électrique à batteries inertes ne pourra guère dépasser un rôle d’appoint citadin ou de proximité. L’équilibre autonomie / puissance massique / temps de rechargement de tels engins est, en effet, trop loin du point de fonctionnement de nos véhicules terrestres – qu’il s’agisse d’une auto/moto, d’un car ou d’un camion, d’un tracteur ou d’un engin de chantier – pour prétendre les remplacer. Par ailleurs, des voix s’élèvent pour dénoncer le bilan carbone défavorable du cycle de vie des grosses batteries embarquées, et pour prédire des tensions internationales autour de l’approvisionnement des métaux rares nécessaires à leur réalisation.

Ainsi, bannir les combustibles fossiles du transport terrestre (puis fluvial et maritime) et subventionner massivement la production d’électricité dite verte n’aboutira à rien de bon si l’électricité comme vecteur de distribution n’est pas remise en cause.

La « solution hydrogène », une voie explorée de longue date, est aujourd’hui à la portée de l’utilisation par le grand public : c’est à la fois un moyen de stockage massif d’énergie en complément de la production des renouvelables, et un combustible pour les véhicules terrestre et maritime, et sans doute aéronautique.
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2. L’hydrogène comme grand projet franco-allemand, puis européen

Il convient de miser sur l’hydrogène dans le cadre d’un grand projet européen. Mais, dans ce secteur, le fossé franco-allemand n’a cessé de se creuser durant la dernière décennie, faisant obstacle à l’élaboration d’une politique européenne de l’énergie ambitieuse.
Si les deux pays s’entendaient pour accorder une place majeure, voire la priorité au développement de l’hydrogène comme fluide de stockage et de distribution d’énergie pour la mobilité, cela permettrait sans doute de relancer une politique européenne en matière énergétique.
Il est par ailleurs intéressant de noter que les français et les allemands ont annoncé récemment un soutien massif et coordonné au développement d’une filière européenne de conception et de réalisation de batteries pour la voiture électrique (700 millions d’euro en France et plus d’un milliard en Allemagne dans les cinq ans).

Le développement de la mobilité hydrogène présente deux défis majeurs pour l’Union européenne : 

1erdéfi :la capacité de production et l’infrastructure de distribution d’hydrogène n’existent quasiment pas à ce jour et devront être créées de toute pièce. De ce fait, les besoins financiers sont significatifs et les investisseurs demeurent attentistes. Aujourd’hui, les programmes pilotés par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) favorisent la mise en œuvre de « solutions H2 » en particulier par les collectivités (bus, taxis, etc.) et donc sa distribution. Mais les efforts déployés sont encore bien timides, et la source de la production reste essentiellement carbonée.
Associer éoliennes et unités industrielles d’électrolyse de l’eau constituerait une première étape à franchir pour avoir de l’hydrogène « vert » (« dé-carboné ») en grande quantité. Des unités de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau jusqu’à 100 MW de puissance sont d’ailleurs en construction en Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark. Et au Japon, le site de Fukushima a été retenu pour ce faire, tout un symbole !
2nddéfi : déjà déstabilisée par la perspective du tout électrique, l’industrie automobile des pays européens devra affronter une reconversion d’envergure hors du thermique, qui constitue pourtant son cœur de métier d’origine, voire une concurrence sauvage comme on le voit avec l’américain Tesla [1] . Plus tôt sera pris cette direction, plus grandes seront nos chances de réussir cette transformation.
Faut-il insister sur le fait que le véhicule électrique arrive tard en Europe, tandis que les premières voitures H2 de marque Toyota circulent déjà dans Paris comme taxis (100 et bientôt 500 en service), et que la Suisse a commandé au Coréen Hyundai 1 000 camions fonctionnant à l’hydrogène ?

Pourtant, la grande industrie et l’industrie spécialisée se mobilisent déjà :

  • L’Hydrogen Council réunit tous les grands groupes mondiaux se sentant concernés. 11 nouvelles adhésions venant principalement d’Asie ont été enregistrées en 2018 sur une cinquantaine de membres de cette organisation. Du côté de la France, Air Liquide, Engie, EDF, Total, Faurecia, Plastic Omnium et Airbus en font partie. Ce Conseil de l’Hydrogène a publié à l’automne 2017 une étude intitulée « Hydrogen Scaling up » qui envisage que 25 à 30 % des véhicules circulant sur la planète seront mus à l’hydrogène en 2050, et que 20 millions de barils de pétrole seront ainsi économisés chaque jour. 
    • La courbe d’investissements annuels requis devrait prendre son régime de croisière en 2020. Ainsi, dès 2030, tout sera joué industriellement : impossible désormais de demeurer passifs.
  • En France, l’AFHYPAC, association regroupant les acteurs du secteur – véritable « société française de l’hydrogène » – rassemble la recherche, l’industrie à tous les niveaux, ainsi que les utilisateurs avec une forte représentation des territoires.
    • Les coopérations prospèrent, les accords industrie-recherche se multiplient, et des rapprochements industriels se font, tels Michelin et Faurecia qui ont annoncé le 11 mars 2019 la création d’une filiale commune dans les Piles à Combustible, cœur de la propulsion à Hydrogène.
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Quant aux initiatives gouvernementales, après le Japon, la Californie, la Corée, l’Allemagne et la Chine, la France a lancé son plan par la voix de Nicolas Hulot le 9 juillet 2018, avec une première dotation de 100 millions d’Euros par an.
Si la dynamique est là, il reste à trouver les fonds nécessaires pour la développer davantage et plus rapidement : un programme européen d’initiative franco-allemande sur le sujet de l’hydrogène pourrait, très probablement, renforcer cette dynamique.
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Un engagement en faveur d’un transport terrestre zéro émission,qui ne produit ni CO2, ni particule fine, mais uniquement de l’eau, constituerait un signal fort de l’Europe envoyé au reste du monde.

Une avancée significative dans ce domaine représenterait :

  • plusieurs tonnes de CO2 par personne économisées chaque année ;
  • plusieurs dizaines de millions de tonnes de combustibles fossiles (essentiellement du pétrole) économisées chaque année en France, et plusieurs centaines de millions de tonnes à l’échelle de l’Europe.

Il est encore temps – mais désormais urgent – de se positionner pour prétendre au leadership mondial sur l’emploi de l’hydrogène en stockage et mobilité, et une telle initiative ne pourrait que séduire les responsables politiques français et allemands en leur apportant des solutions fédératrices :

  • s’engager dans des baisses massives et rapidement visibles de production de CO2 ;
  • économiser une grande partie du maillage territorial de distribution d’électricité, très coûteux.
***
Tout comme l’immigration ou les crises économiques, la question du réchauffement climatique transcende les frontières nationales, et oblige les États européens à agir de manière solidaire. Aujourd’hui, l’Europe fait face aux replis nationaux dont on sait qu’ils n’apportent pas de solutions viables à nos démocraties. Elle fait également face aux peurs grandissantes qui s’installent dans nos sociétés occidentales.

Dans ce contexte anxiogène, le développement d’espaces et de projets reposant sur la solidarité apparait comme une nécessité vitale pour tous.L’Union européenne pourrait être la clé de voûte de cette solidarité en saisissant l’occasion qui lui est offerte d’imposer ses normes et son leadership dans des secteurs clés du progrès humain.

L’Union européenne peut et doit reprendre la main sur son avenir. 

Références
  1. Le constructeur Porsche a récemment reconnu à l’occasion du lancement de sa première voiture électrique, La Taycan, qu’elle serait « moins rentable que ses aînées thermiques »

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220px-Alexandre-malafayeBiographie
Alexandre Malafaye est originaire du Sud Ouest de la France, il a passé son enfance entre le Bordelais et le Périgord. Son intérêt pour l’Histoire, l’actualité et la géopolitique se forge entre 1982 et 1985 lorsqu’il anime avec deux amis une émission politique sur une radio libre. À 18 ans, il écrit un essai intitulé La 6° République. De cette première expérience, il conserve de nombreuses relations dans les milieux politiques, économiques et culturels. En parallèle, il s’intéresse à l’histoire des civilisations et des religions.
Autodidacte, il se lance dans les affaires en 1986, d’abord au sein d’une entreprise familiale, crée plusieurs sociétés, puis en 1993 il rejoint deux grands groupes internationaux au sein desquels il occupe différents postes de direction, jusqu’en 2008, année à partir de laquelle il se consacre pleinement à l’écriture.
En 2012, il crée le think tank Synopia et publie, en août 2014, (RE)PRENONS LE POUVOIR ! Manifeste pour notre droit à être bien gouvernés.
Régulièrement invité à s’exprimer sur LCI et sur CNews (dans « les voix de l’Info » de Sonia Mabrouk) ou encore sur France Info1, Alexandre Malafaye est polémiste dans l’émission On refait le monde sur RTL, et chroniqueur sur France Culture2 (« Elysez-moi »3). Il participe à l’émission Débat d’Expert [archive] sur Sud radio et signe souvent des articles et des tribunes4,5,6,7 dans la presse écrite. Enfin, il tient la chronique « Vox civili »8 qui paraît chaque mardi dans le journal l’Opinion.
Début 2017, il co-fonde avec Jacky Isabello le collectif 3 débats sinon rien [archive] qui interpelle9 le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans le but de moderniser le dispositif des débats télévisés de la présidentielle : trois débats avec l’ensemble des candidats avant le premier tour, et trois débats entre les deux tours avec les deux finalistes.
Il est auditeur de l’IHEDNcapitaine de corvette au sein de la réserve citoyenne de la Marine nationale, membre du Cercle de l’Union Interalliée et sociétaire de la Société des gens de lettres.
Alexandre MALAFAYE*/https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Malafaye

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