Algérie : lâché par l'armée, Bouteflika est en sursis
Si l'on voulait caricaturer, on dirait qu'en Algérie, l'armée rejoint la rue. C'est un peu plus compliqué que ça, mais le chef d'État-major a bien appelé au retrait du président Bouteflika. Un tournant.
Aujourd'hui 06:55 , actualisé à 06:57 Vu 547 fois source : L'Alsace
Que s'est-il passé. On savait Abdelaziz Bouteflika contesté par la rue, qui demande son départ depuis le 22 février. Le président, affaibli par la maladie, a annoncé qu'il ne briguerait pas de cinquième mandat. Las, la contestation s'est étendue, rejointe par de nombreux corps de l'État (juges, postiers, enseignants, etc.), jusqu'à ce que des proches mêmes du chef de l'État demandent son départ.
Mardi, le chef d'État-major, Ahmed Gaïd Salah, a demandé l'application de l'article 102 de la Constitution algérienne, applicable quand le président de la République "pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions" ou en cas de démission. Bref, il s'agit rien de moins que de déposer Bouteflika.
Pourquoi c'est important. En Algérie, l'armée n'est pas une institution anodine. Depuis l'indépendance, c'est même la plus puissante de toutes. Celle qui dans l'ombre fait et défait les présidents. Bouteflika lui a tenu la bride. "L’armée prend beaucoup de place en période de crise. Il y aura un peu plus de discrétion (de la part de l’armée) une fois que la gouvernance se mettra en place", explique Abed Charef, écrivain et chroniqueur politique algérien.
Du coup, l'annonce de Gaïd Salah a donné le signal de l'hallali : au lendemain, mercredi, le RND, parti le plus proche du FLN de Bouteflika, a à son tour lâché le président. Ahmed Ouyahia, ex-Premier ministre, est pourtant un fidèle parmi les fidèles. Pareil pour l'UGTA, principal syndicat du pays, qui a demandé à son tour l'application de l'article 102, par la voix d'Abdelmajid Sidi Said, autre barbon du régime.
Le "système" se protège. Gaïd Salah, Ouyahia, Sidi Said. Trois visages du régime. L'armée, la politique, le syndicat. Trois cadres du "système" dont la rue ne veut plus. Car au-delà du cas Bouteflika, c'est toute une pratique du pouvoir qui est dénoncée. Du coup, l'empressement soudain à lâcher le président surprend. Selon Louisa Dris-Aït Hamadouche, politologue algérienne, Gaïd Salah l'a "sacrifié pour préserver le régime".
C'est aussi le sentiment d'Abed Charef : "La contestation permet au pouvoir de se délester du président et des figures les plus contestées. Si le pouvoir joue bien, il pourrait se présenter avec un look nouveau, présentable et aura réussi une belle opération".
Que va-t-il se passer ? Il faut noter qu'il ne s’agit aucunement d’un coup d’Etat militaire. L’armée est dans ses casernes, le général Gaïd Salah a invoqué la Constitution pour sortir de la crise et Abdelaziz Bouteflika n’est pas démis de ses fonctions.
Constitutionnellement, rien ne l’empêche, au moins juqu’au 28 avril, date à laquelle expire son actuel mandat. Personne ne peut non plus obliger le Conseil constitutionnel - dont le président est également un fidèle du chef de l’Etat - à actionner l’article 102. Mais Abdelaziz Bouteflika est désormais sous pression. Il est possible, si ce n’est probable, que des négociations sont déjà engagées au sommet de l’Etat pour un départ du président Bouteflika sans un passage humiliant par une déclaration "d’empêchement" due à la maladie.
Restera alors à mettre en place une transition qui satisfasse toutes les parties : la rue, les politiques, l'armée - les barons du régime - l'opposition. Tout un défi...
(Bonne décision, virez-moi la momie pour que rien ne change ! note de rené)
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