En Serbie, des migrants iraniens déguisés en touristes
source : Romandie.news
Ramin Lovimi, sa femme Shahla et leur fille Asma, une famille iranienne interrogée par l'AFP dans un camp de migrants à Belgrade le 14 mars 2018 / © AFP / OLIVER BUNIC
Originaires d'Ahvaz (sud-ouest), ils font partie de ces Iraniens qui ont pris un billet d'avion pour Belgrade pour un voyage on ne peut plus légal depuis que, en août 2017, les deux pays ont choisi de dispenser de visas leurs ressortissants.
Mais la famille Lovimi, passée par Istanbul, n'est pas venue faire du tourisme. La Serbie est une étape dans leur chemin vers l'Allemagne où cette femme de ménage, ce mécanicien et leurs deux fils de 11 et 17 ans espèrent commencer une nouvelle vie.
Quelque 7.000 Iraniens sont arrivés à Belgrade depuis la libéralisation des visas. Les associations estiment que parmi eux, plusieurs centaines sont en fait des migrants qui tentent de rejoindre l'Union européenne.
Quelque 485 ont demandé l'asile en Serbie, selon Belgrade. Mais la majorité entend poursuivre la route.
"Nous n'avions pas l'intention de passer par Belgrade. Nous sommes allés en Turquie et le passeur nous a fait venir ici. Nous n'avions jamais entendu parler de Belgrade. Nous voulions passer par l'Italie", dit à l'AFP Shahla Lovimi, 40 ans.
- Le passeur disparaît -
Elle explique qu'elle a payé 22.000 euros pour le voyage de sa famille jusqu'en Allemagne depuis sa ville, capitale du Khouzestan, majoritairement peuplé d'Arabes.
Ils ont vécu deux mois dans des foyers et divers appartements, attendant en vain que leur passeur vienne les récupérer. Mais celui-ci n'a pas donné signe de vie depuis quatre mois.
La famille est désormais aidée par une association locale d'aide aux migrants en Serbie, Info Park.
Ces migrants qui utilisent la libéralisation des visas "sont souvent des gens persécutés pour des raisons politiques, pour leur orientation sexuelle ou leur religion", dit Stevan Tatalovic, d'Info Park. Comme la famille Lovimi, "leur plan était de continuer leur voyage", dit-il.
- Inquiétude occidentale -
S'il n'est en rien comparable au passage de centaines de milliers de migrants par la Serbie en 2015 et 2016, le phénomène commence à inquiéter les chancelleries occidentales.
Selon le ministre serbe du Commerce, Rasim Ljajic, son pays est juste intéressé par le développement de son secteur touristique, qui "ouvre la voie aux hommes d'affaires".
Il a assuré que Serbie et Iran tentaient de mettre au jour des abus de la libéralisation des visas. Les contrôles doivent être renforcés à Téhéran.
Deux compagnies exploitent depuis mars des vols directs entre les deux capitales. Les avions sont pour la plupart complets jusqu'à l'été. Une troisième va se lancer en avril. Quelque 600 Iraniens pourraient arriver en Serbie chaque semaine, estime Stevan Tatalovic.
Dans un communiqué, Info Park a appelé les autorités en Europe à "s'adapter à cette nouvelle route".
"J'ai eu une conversation désagréable avec certains de l'Union européenne et d'Allemagne qui m'ont demandé pourquoi nous avions décidé cette libéralisation des visas pour nos nouveaux amis", a récemment dit le ministre des Affaires étrangères Ivica Dacic. Selon lui, les craintes que son pays n'ait ouvert une nouvelle voie de migration "est un non-sens".
Faute de passeur et à cours d'argent, la famille Lovimi va continuer à pied, tentant de passer clandestinement dans l'Union européenne.
En mars, ils sont parvenus à entrer en territoire croate mais ont été interceptés et renvoyés en Serbie. Une poursuite de périple plus classique: depuis la frontière des frontières de l'UE en mars 2016, des milliers de migrants se sont retrouvés coincés en Serbie.
Chaque jour, beaucoup tentent de déjouer la surveillance de la police croate, dont la brutalité envers les migrants a été dénoncée par les organisations non gouvernementales, comme Médecins sans frontières. Mais les Lovimi expliquent ne pas avoir le choix: "Toutes les autres frontières sont fermées", dit Shahla qui exclut tout retour en Iran.
(©AFP / 30 mars 2018 10h07)
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