mardi 25 avril 2017


Des électeurs radiés des listes saisissent le tribunal


De nombreuses personnes ont eu la mauvaise surprise de découvrir dans leur bureau de vote qu’elles n’étaient plus inscrites. Elles n’ont pas pu glisser leur bulletin dans l’urne.
LA SUITE APRÈS CETTE PUBLICITÉ
La mairie de Strasbourg l’a confirmé, dimanche soir 23 avril : 15 000 personnes ont été radiées des listes électorales lors de la traditionnelle mise à jour des fichiers qui a eu lieu cette année ; un chiffre important pour une ville de 270 000 habitants.


Mais à la suite de cette réactualisation, prévue par la loi, de très nombreux électeurs ont eu la mauvaise surprise de découvrir au dernier moment dans leur bureau de vote qu’ils n’étaient plus inscrits pour voter.
Selon les témoignages recueillis par Le Monde dans la capitale alsacienne, il s’avère que plusieurs électeurs ont été radiés pour avoir omis de signaler un déménagement, qui remontait, pour certains, à plus de dix ans.

« C’est proprement hallucinant ! »

Ainsi, Patrick L., 43 ans, avait changé d’adresse il y a sept ans. Mais il avait pu voter aux quatre dernières élections dans le bureau de vote rattaché à son ancien domicile. Cette fois, lorsqu’il s’est présenté, on lui a annoncé qu’il n’était pas inscrit sur la liste. Bizarrement, sa femme, qui est dans le même cas que lui, a pu voter. « c’est proprement hallucinant ! J’avoue je tombe de haut… », lâche-t-il.
Un peu plus loin, Esther L. est choquée ; elle vote dans le même bureau depuis quinze ans mais elle vient de découvrir qu’elle avait été radiée. Et en ce 23 avril, elle est loin d’être la seule ; des dizaines de personnes, qui ont aussitôt déposé un recours au tribunal d’instance, attendent dans le hall de savoir si elles vont finalement pouvoir voter.

Bureaux de vote à la Cité internationale à Rennes, le 23 avril. NICOLAS LEGENDRE / LE MONDE

Le cas strasbourgeois n’est pas unique. A Nancy, à Clichy (Hauts-de-Seine), ou dans des communes plus petites comme La Queue-en-Brie (Val-de-Marne), les témoignages d’électeurs mécontents qui ont découvert le jour même du vote qu’ils ne figuraient plus sur les listes électorales affluent, souvent postés sur les réseaux sociaux.
Là aussi, dans la plupart des cas, les radiations semblent être liées à des changements d’adresse non signalés. Mais selon les témoignages recueillis par France Bleu Alsace, des personnes ont également été radiées en raison de problèmes d’état civil – notamment plusieurs femmes mariées, dont la carte d’électeur avait été établie à leur nom de jeune fille.

Contestations en justice

Les radiations semblent avoir été plus massives dans certaines communes que d’autres. Une carte participative en cours d’élaboration par les internautes recense les municipalités où des dysfonctionnements ont été signalés.
Pour pouvoir voter, au moins au second tour, les électeurs concernés doivent saisir la justice. A Strasbourg, une personne s’occupe au tribunal d’instance de réceptionner les dossiers sur lesquels les juges doivent statuer. « Depuis 8 h 30, je n’arrête pas », lançait-t-elle dimanche.

Pour contester leur radiation, il faut que les électeurs se rendent au siège de la communauté d’agglomération pour y récupérer le courrier recommandé leur annonçant leur radiation, se munir d’un justificatif de domicile, et rédiger une lettre manuscrite.
Chaque dossier doit ensuite être porté au tribunal d’instance pour être examiné par le juge de permanence, qui l’examine en temps réel.

« Je suis trop déçu »

Ceux qui n’avaient pas signalé un changement d’adresse ont vu leur requête rejetée ; ils ne pourront pas voter à la présidentielle ni aux législatives. D’autres, victimes « d’erreurs matérielles » ont pu voter, dont un homme, radié à tort après le décès d’une autre personne qui avait les mêmes nom et prénom.

Bureau de vote à l’école Bayard à Toulouse, le 23 avril. Ulrich Lebeuf Myop pour Le Monde

Comprenant que les requêtes qui font suite à un changement d’adresse n’ont aucune chance d’aboutir, Tirango, 28 ans, hésite à entrer dans le tribunal. « Je suis trop déçu de pas pouvoir voterC’était tellement important cette année. Surtout pour nous, les jeunes. Avec les attentats terroristes, le chômage… Pour une fois, j’avais fait mon choix, la politique, j’étais à fond cette année. » Il secoue la tête et baisse le regard, abattu. S’il avait pu voter, c’est Jean-Luc Mélenchon que ce demandeur d’emploi aurait plébiscité.
Les personnes dont la requête a été rejetée ont désormais la possibilité de saisir la Cour de cassation. A Strasbourg, celles qui se sont croisées au tribunal au cours de la journée se sont d’ailleurs donné rendez-vous pour faire leur déclaration au greffe ensemble, mardi.
Chaque année, La Poste recense près de trois millions de foyers qui s’installent dans une nouvelle commune. Or, seul un électeur sur cinq pense à se réinscrire.

Aucun commentaire: