L’Ukraine multi-ethnique était aussi multi-religieuse comprenant différentes communautés, chrétiennes bien sûr mais aussi musulmanes par la présence par exemple des Tatars. Le résultat de l’explosion de haine du Maïdan a tout changé. Les vieux démons du passé ont ressurgi, dans tous les conflits entre peuples et ethnies cousines, la religion a été et reste un problème majeur. Les médias français ont peu communiqué sur ce fait, mais l’Ukraine était aussi une zone de fracture non pas seulement entre l’Europe occidentale et la Russie, entre les russophones de l’Est et ceux de langue ukrainienne de la lointaine Galicie mais une zone de fracture religieuse. Protestants, catholiques, catholiques uniates, orthodoxes, pour ces derniers ceux obéissant à différents patriarches, celui de Kiev ou celui de Moscou, la confusion répandue par la guerre a mis les prêtres au premier rang des victimes.
L’un des remparts de la résistance, comme dans toutes les guerres civiles ou les occupations étrangères, ce sont les prêtres au cœur des résistances passives ou actives. C’est le cas du Père Andreï Novikov, théologien célèbre et qui eut l’audace d’écrire sa critique de la Junte de Kiev dans un livre. Menacé d’une arrestation par le SBU ce qui l’aurait conduit immanquablement à une arrestation, un emprisonnement et le sort peu enviable des torturés, il décida de s’enfuir et se trouve réfugié actuellement en Russie. D’autres prêtres sont dans le même cas. C’est celui d’André Tkachev lui aussi écrivain et prédicateur qui dénonçait la nature du régime ukrainien. Lui aussi en fuite. Sans parler encore d’Oleg Trofimov, missionnaire, écrivain connue pour ses actions pastorales, le rétablissement d’églises orthodoxes dans le pays, la création d’une école à Severodonetsk. Il est aujourd’hui poursuivi par la justice ukrainienne et recherché par le SBU pour « terrorisme ».
Ceux qui ont eu en quelque sorte la chance de ne pas se retrouver prisonnier dans la zone occupée par les Ukrainiens sont bombardés. Leurs églises réduites en poussière ainsi que leurs maisons, c’est le cas du prêtre mais aussi avocat Gennady Eremenko, fondateur de l’Union des avocats orthodoxes de Lougansk et activiste défenseur des droits de l’Homme célèbre dans la région. C’est le cas de Maxime Volounets du même diocèse qui exerçait aussi la profession de journaliste. Que dire du Père Théophane désormais vénéré comme un Saint dans le Donbass. L’homme avait dénoncé les manœuvres de Kiev pour diviser et séparer l’Eglise orthodoxe en diabolisant la Russie. Il avait été le fondateur d’un monastère dans le Donbass qui fut un lieu d’asile au début de l’attaque et des répressions ukrainiennes, jusqu’à qu’il fût lui-même arrêté. Les agents du SBU le torturèrent pendant deux mois dans les prisons de Marioupol et Kharkov. A sa libération par échange, il témoigna de l’extrême violence des tortures qui lui furent infligées : battu et roué de coups sauvagement, strangulations, nous plongeons là dans l’horreur absolue.
Parmi les autres martyrs nommons encore le Père Vladimir Maretsky. Arrêté par le SBU (mai 2014), il fut lui aussi soumis à des tortures innommables pendant plusieurs mois dans une prison de Kharkov. Et les tortures et répressions se poursuivent. C’est le cas du Père Artëm Barabach, saisi par la police politique ukrainienne non loin de son église. Il se rendait à l’enterrement d’une vieille femme, beaucoup d’hommes d’églises officient en effet entre les deux lignes du front, passant de l’une à l’autre pour les besoins de leur sacerdoce. Plusieurs comme lui ont été arrêtés. Certains indiquent avoir été gardés pieds et poings liés pendant des semaines et avoir encore un sort meilleur que de pauvres hères en train littéralement de mourir sous les coups des nazis ou des agents du SBU. Certains prêtres ont disparu complètement, probablement sauvagement assassinés, leur arrestation pose parfois des problèmes aux autorités, car derrière eux se trouvent des communautés de croyants entières.
En visant le berger, c’est le troupeau que l’on veut effrayer. Ce fut le cas du Père George Dorosh, arrêté pendant le Jeudi Saint en train de réciter les évangiles près d’Odessa. Sous la pression populaire et la colère montante des habitants et paroissiens, un ordre fut donné par Porochenko pour le libérer ce qui prouve que les décrets d’arrestations passent en fait entre les mains des plus hauts dirigeants. L’arrivée au poste de gouverneur du sieur Saakachvili a vu à nouveau des persécutions dirigées à son encontre et il se trouve à cette heure sous la menace d’une nouvelle arrestation. Dans le même district d’Odessa nous pouvons aussi citer le Père Alex Grekou poursuivi également pour « terrorisme ».
Mais il nous faut revenir sur le cas du Père Maretsky car il fut torturé par les sbires du bataillon Aydar en présence de la fameuse néonazie Savtchenko « dire qu’ils nous ont battu n’est rien, cela ne veut rien dire, ils nous ont tué. Nous avons été battus à mort, pour nous briser les os, frappant à coups de poings et de pieds mais aussi de crosses de fusil, Savtchenko était présente, elle voulait nous rançonner à notre église puis nous faire fusiller et elle a participé activement à nos tortures se livrant personnellement à des actes sadiques à notre encontre, je ne suis pas prêt d’oublier sa voix, je m’en souviendrais jusqu’à la fin de mes jours ». L’homme ne fut échangé qu’après quatre mois d’un tel traitement qu’aucun média occidental ou français n’a relaté. Au contraire, des Français se sont déshonorés en supportant la cause de la néonazie parfois jusque dans l’hémicycle du Sénat ou du Parlement européen.
L’accumulation de preuves et de témoignages est grande, la vérité déborde de tous les côtés, mais nos journalistes gardent honteusement le silence. A l’heure où je vous parle d’autres prêtres sont encore emprisonnés. Le retour aux pratiques des terribles guerres de religion, en Ukraine aussi c’est possible. Pendant ce temps-là les portes de l’Elysée sont grandes ouvertes à ceux qui orchestrent et ordonnent ces persécutions.
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