Le plan diabolique du « Grand Israël » s’ensable en Syrie, par Laurent Glauzy.
EXCLUSIVITE LE LIBRE PENSEUR
« Plus le Moyen-Orient est emporté par la destruction et les horreurs sectaires, plus il devient facile de parler d’un des grands tabous de l’histoire contemporaine : le célèbre ‘Plan Yinon[1]’ pour construire un ‘Grand Israël’ à coups de guerres, de génocides et de complots.
Toujours plus de citoyens de descendance hébraïque dénoncent les injustices commises par l’Etat d’Israël. Et, si un temps Norman Finkelstein était un mouton noir, aujourd’hui il est considéré comme d’excellente compagnie…
Nous pouvons espérer que ce processus de conscience continue, pour comprendre et mettre fin à la grande duperie du gouvernement israélien… »
(Martina Smercan)
Quand on refuse de dénoncer le mal, on court le risque d’être démasqué par quelqu’un qui a l’intention d’agir. Ce schéma s’est produit en Amérique avec l’entrée de la Russie dans la lutte contre l’Isis en Syrie. Les objectifs stratégiques en Syrie ne sont pas révélés par les médias. Car, il n’a jamais été question de sauver le peuple syrien des horreurs de la dictature d’Assad, mais de faciliter l’hégémonie régionale d’Israël.
Comment faisons-nous pour le savoir ? C’est simple. Au cours des dernières décennies, d’importants protagonistes des élites responsables de la politique israélo-américaine ont exprimé cette volonté de manière étonnamment claire à travers des documents et des déclarations publiques.
La clé, c’est comprendre ce que notre formation culturelle ne nous a pas préparé à entendre. En 1982, le parti du Likoud (à savoir l’incarnation institutionnelle du sionisme, au commencement articulé par Jabotinsky) parle dans« the Iron Wall » d’utiliser contre les Arabes une force implacable et de conduire à leur fragmentation culturelle. Un fonctionnaire du nom d’Oded Yinon, qui avait travaillé auprès du ministre des Affaires étrangères israéliens, publia un article dans lequel il traçait l’approche stratégique que son pays devait avoir dans les années à venir.
Voici quelques extraits de la version en anglais du texte du soi-disant « Plan Yinon », traduite par le Pr Israel Shahak (1933-2001) :
La dissolution du Liban en cinq provinces sert de précédent pour tout le monde arabe, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Irak et la péninsule arabique. Le processus est déjà entamé. (…)
La dissolution de la Syrie et de l’Irak en aires distinctes par ethnie ou religion, comme dans le cas du Liban, est l’objectif premier d’Israël sur le front oriental. La dissolution du pouvoir militaire de ces Etats constitue l’objectif à court terme. La Syrie tombera en pièces, en conformité avec sa structure ethnique et religieuse, divisée en différents Etats, comme cela se passe aujourd’hui au Liban.
L’Irak, riche en pétrole et divisé à l’intérieur, est le principal candidat à devenir le berceau des intérêts d’Israël. Sa dissolution est encore plus importante pour nous que celle de la Syrie.
Dans une période brève, le pouvoir irakien constitue la plus grande menace pour Israël. Une guerre entre l’Irak et l’Iran réduira en pièces l’Irak et provoquera un front large de lutte contre nous. Chaque type de conflit infra-arabe nous servira.
En Irak, il est possible de réaliser une division en province sur une ligne ethnico-religieuse, comme en Syrie, pendant la période ottomane. Ainsi, au moins trois États existeront autour des trois principales villes : Bassora, Baghdad et Mossoul. La zone chiite dans le sud sera séparée par celle des Sunnites et des kurdes au nord. (…)
Si l’Égypte tombe en pièces, des pays comme la Lybie, le Soudan ou encore les États cesseront d’exister dans leur forme actuelle et s’uniront à la ruine et à la dissolution de l’Égypte. (…)
La Jordanie ne peut pas continuer à exister dans sa structure actuelle encore pour longtemps. La politique d’Israël, aussi bien en période de guerre que de paix, doit être orientée vers la liquidation de la Jordanie. »
La vision de Yinon réapparaît dans le célèbre rapport Clean Break de 1996, signé par un consortium de penseurs américains et israéliens, parmi lesquels figurent Richard Perle, Douglas Feith, David et Meyrav Wurmser, qui s’étaient réunis avec l’objectif de fournir un guide pour la politique étrangère du premier mandat de premier-ministre de Benjamin Netanyahou. Il y est mentionné : « Israël peut donner forme à son territoire stratégique, en « coopération » avec la Turque et la Jordanie. Cet effort peut se concentrer en Irak en enlevant Saddam Hussein du pouvoir. Il représente un important objectif stratégique pour Israël, de rendre vaines aussi les ambitions régionales de la Syrie. (…) Logiquement, il est d’un premier intérêt qu’Israël supporte au niveau diplomatique, militaire et opérationnel les actions de la Turquie et de la Jordanie contre la Syrie, par exemple, en s’alliant avec les tribus arabes présentes sur le territoire syrien et hostiles à l’élite dominante ».
Comme cela est démontré récemment par Dan Sanchez, David Wurmser qui est entré encore plus dans le détail à propos du besoin de balkaniser le voisin septentrional d’Israël. Dans les articles publiés dans la même période, ce spécialiste de politique étrangère discute plutôt ouvertement sur le moyen de « provoquer à court terme un collapsus chaotique » de la Syrie baathiste.
Ensuite, c’est l’entretien accordé par le général Wesley Clark, en 2007, dans lequel sont révélés les vrais objectifs stratégiques des acteurs de la politique étrangère américaine au lendemain des attaques du 11 septembre. L’ancien Commandant suprême de l’OTAN rapporte une conversation qu’il eût avec un officiel du Pentagone, et duquel il avait appris que le vrai plan était d’attaquer et de détruire les gouvernements des six pays, en cinq années. Selon le général Clark, ces pays sont l’Irak, la Syrie, le Liban, la Somalie, le Soudan et enfin l’Iran.
Dans le même discours, le général reconduit explicitement la création du plan de Richard Perle, conseiller politique, et souligne l’absolue importance de mettre Israël dans les conditions de « donner forme à son territoire stratégique. »
Le 5 septembre 2013, dans les pages du New York Times, Alan Pinkas, ancien conseiller général israélien à New York et membre de l’élite politique conservatrice de Tel Aviv, a décrit en ces termes le conflit syrien : « Il s’agit d’une situation de déséquilibre dans laquelle il est nécessaire que les deux parties [le gouvernement d’Assad et les rebelles] perdent : nous ne voulons pas qu’il y ait un vainqueur. (…) Nous laissons les deux se saigner et mourir par hémorragie : c’est notre approche stratégique : tant que le conflit se prolongera par la Syrie, il ne se produira aucune vraie menace pour Israël. »
Il est impossible d’être plus clair. Le plan israélo-américain en Syrie n’a jamais été d’aider les citoyens de ce pays, mais de s’assurer l’effectif démembré de la Syrie, afin de poursuivre les « objectifs stratégique » conçus par l’État hébreux.
Le 9 octobre 2015, Tomas Alcoverro, correspondant au Moyen-Orient pour le quotidien La Vanguardia de Barcelone, a ainsi écrit à propos des attaques lancées par les gouvernements de la Russie et de la Syrie de début octobre 2015 : « Si cette offensive conjointe a du succès, le plan américain de fomenter la guerre de friction pour porter à l’épuisement les deux factions, partira en fumée. »
Mais, les Américains et les Israéliens ont eu leur plan contrarié par le président russe Poutine qui les a démasqués.
[1] Publié en Israël, en hébreu, en Février 1982, dans la revue du Département d’Information de l’Organisation Sioniste Mondiale Kivunim (Directions), ce document a aussitôt été traduit en anglais par Israël Shahak pour être porté à la connaissance du monde. Il a été alors publié par l’Association des Diplômés Universitaires Américano-arabes (AAUG) en juillet 2002 à Belmont Massachusets. Ce document vient d’être traduit en français par Maria Poumier et édité par Sigest : « Le plan sioniste pour le moyen orient » par Oded Yinon – mars 2015 – Ed. Sigest 29 rue Etienne Dolet – 94140 – Alfortville.
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