Algérie. Le scandale de l’autoroute Est-Ouest refait surface
source : Orient XXI
L’autoroute Est-Ouest, le plus gros investissement de la présidence Bouteflika — avec au moins 20 milliards de dollars (18 milliards d’euros) engloutis — revient en force dans l’actualité algérienne. Un conseil interministériel présidé par le premier ministre Nourredine Bedoui a décidé, le 24 août 2019, l’instauration d’un droit de péage sur ses 1 216 km à partir de 2021. En attendant une probable réouverture d’un procès sur les conditions de réalisation du projet, trois ministres des travaux publics qui ont présidé à sa construction sont en prison.
Quand Abdelaziz Bouteflika arrive au pouvoir au printemps 1999, l’autoroute Est-Ouest (AEO) dort dans les dossiers du ministère des travaux publics depuis les années 1960. Moins de 300 km ont été construits dans les années 1980 par des entreprises algériennes, souvent publiques, financées par des prêts de la Banque européenne d’investissement, de la Banque mondiale et d’un fonds koweïtien. Le ministre des finances penche pour continuer dans la même voie, réaliser des tronçons d’autoroute là où la circulation est la plus forte, associer des sociétés nationales algériennes à des entreprises étrangères spécialisées qui financeront les travaux. Les unes amélioreront leur savoir-faire, les autres trouveront un marché. Le président ne le suit pas et reprend une autre piste défendue depuis 2003 par le président du Conseil constitutionnel Mohamed Bedjaoui, secondé par un intermédiaire sulfureux, Pierre Falcone, un « pied-noir » bien en cours à Alger, mais condamné à 6 ans de prison en France pour trafic d’armes : confier la réalisation de toute l’autoroute à un ou deux conglomérats et payer les travaux avec l’argent du pétrole qui connait alors une envolée de ses prix sans précédent.
Abdelaziz Bouteflika est pressé, il entend solliciter un troisième mandat présidentiel en avril 2009 et veut aller vite ; le projet doit être suffisamment avancé, sinon achevé, à l’échéance. Le délai retenu est très bref, à peine 40 mois, d’autant que le démarrage est laborieux : les études n’existent pratiquement pas, ce sera aux entreprises choisies de les réaliser au fur à mesure des travaux. La question des prix n’est plus une obsession pour les autorités algériennes, vu que le ministre des finances a changé en mai 2005.
UN ATTELAGE BIZARRE
Après deux séjours en Chine et deux audiences par le premier ministre Ahmed Ouyahia et le patron de la Direction du renseignement et de la sécurité (DRS), le général Mohamed Mediène, dit « Tewfik », le lobbying du tandem Bedjaoui-Falco aboutit. Deux concurrents, l’un chinois, l’autre japonais, remportent au printemps 2006 l’appel d’offres d’une 2x3 voies devant des candidats occidentaux plus réputés, comme l’américain Bechtel — qui d’ailleurs portera plainte pour « favoritisme » contre les autorités algériennes.
Le partenaire chinois associe deux groupes qui n’ont jamais travaillé ensemble : China International & Investment Company (Citic), un fonds d’investissement fondé en 1979 par un vice-président de la République populaire de Chine, Rong Yiren, un vieux capitaliste d’avant la Révolution adoubé par le leader de l’époque Deng Xiao Ping. À ses côtés, pour faire le travail, une entreprise spécialisée dans les travaux ferroviaires, China Railway Construction Corporation (CRCC), fondée en 1948 par le Parti communiste. Le Consortium japonais pour l’autoroute algérienne (Cojaal) regroupe pour sa part six entreprises de l’industrie lourde.
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