jeudi 8 août 2019

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Durant l’année 2017, plusieurs stations de mesure réparties à travers le monde détectent un nuage radioactif constitué de ruthénium-106 au dessus de l’Europe. Si jusqu’à présent, des hypothèses sur l’origine russe de ce pic de radioactivité avaient été formulées, aucun indice ne permettait de les confirmer. C’est aujourd’hui chose faite avec une nouvelle étude internationale pointant du doigt le complexe nucléaire russe de Mayak.
Le pic de radioactivité — sous la forme d’une concentration extrêmement élevée dans l’air de l’isotope radioactif ruthénium-106 — a été détecté par des scientifiques en octobre 2017, mais la source de ce rayonnement (presque 1000 fois supérieur aux taux normaux) n’avait jamais été définitivement confirmée.
À l’époque, beaucoup avaient émis l’hypothèse que les installations nucléaires en Russie étaient responsables de ce qui était perçu comme une libération accidentelle de ruthénium-106, malgré les dénégations de l’époque par les autorités russes.
Mais de nouvelles recherches, publiées dans la revue PNAS, visent à confirmer et détailler l’hypothèse de l’origine russe, selon une équipe internationale de près de 70 scientifiques dirigée par Olivier Masson, chercheur en radionucléides, à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en France.

Libération radioactive massive : l’usine nucléaire russe de Mayak

« Sur la base de la dispersion de concentration dans l’air et de considérations chimiques, il est possible de supposer que le rejet a eu lieu dans la région sud de l’Oural (Fédération de Russie) » expliquent les chercheurs dans leur nouvel article. D’après ce qu’ils prétendent être l’évaluation la plus complète de l’incident à ce jour, Masson et son équipe ont analysé plus de 1300 mesures du nuage radioactif, enregistrées par 176 stations de mesure dans près de 30 pays.
carte radioactivite
Carte recensant les différentes mesures de radioactivité effectuées par plusieurs stations européennes en 2017. Les valeurs sont données en mBq·m−3. Crédits : O. Masson et al. 2019
Bien que les matières radioactives libérées dans l’air ne soient pas nocives pour la santé humaine, elles constituaient néanmoins le rejet de matières radioactives le plus grave depuis l’accident de Fukushima en 2011, avec des valeurs maximales de 176 millibecquerels d’isotope par mètre cube d’air.
Peu de temps après la libération, des responsables russes ont laissé entendre que le pic radioactif pourrait avoir été provoqué par le crash d’un satellite, l’isotope étant libéré par la batterie de l’engin lors de sa rentrée dans l’atmosphère terrestre. Cependant, ce n’est pas ce que cette nouvelle étude conclut.
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Carte indiquant les concentrations atmosphériques de ruthénium-106 en Europe. Crédits : O. Masson et al. 2019
« Les mesures indiquent la plus importante libération singulière de radioactivité provenant d’une usine de retraitement civile » déclare l’un des chercheurs, le radioécologue Georg Steinhauser de l’Université de Hanovre. Plus précisément, les nouvelles preuves — basées sur la modélisation des mouvements de masse d’air au moment de l’accident — indiquent que le complexe nucléaire russe Mayak dans le sud de l’Oural « devrait être considéré comme un candidat probable à la libération » concluent les chercheurs.

Ruthénium-106, césium-144 et neutrinos

Cela correspond exactement aux premiers soupçons remontant à novembre 2017, bien que la compagnie nucléaire russe Rosatom ait depuis lors insisté en affirmant que les mesures normales dans le sol autour de l’installation montraient que l’usine de Mayak ne pouvait en être responsable, car la concentration en ruthénium-106 aurait été des milliers de fois plus élevée.
Les nouvelles découvertes font cependant douter de la véracité de ces affirmations, l’équipe ayant émis l’hypothèse que l’accident aurait pu se produire à Mayak, alors que des scientifiques tentaient de produire l’isotope cérium-144, pour une utilisation ultérieure dans des expériences sur les neutrinos au Laboratoire national du Gran Sasso, en Italie, comme cela a déjà été spéculé.
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Simulation estimant la demi-vie du radioruthénium concernant différents types de réacteurs, basée sur le ratio 103Ru/106Ru. Les résultats sont en accord avec une origine pointant vers la centrale nucléaire russe. Crédits : O. Masson et al. 2019
« Nous avons pu montrer que l’accident était survenu lors du retraitement des éléments combustibles usés, à un stade très avancé, peu de temps avant la fin de la chaîne de traitement » explique Steinhauser. « Même s’il n’y a actuellement aucune déclaration officielle, nous avons une très bonne idée de ce qui pourrait s’être passé ».

Un faisceau d’indices concordant

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Si la modélisation des chercheurs est correcte, l’accident est survenu fin septembre 2017, le 25 ou le 26 du mois, soit presque exactement 60 ans après l’un des pires accidents nucléaires de l’histoire sur le même site : le désastre de Kyshtym, classé comme le troisième accident nucléaire le plus grave de l’histoire des événements nucléaires internationaux.
Bien qu’aucun élément dans la nouvelle recherche ne puisse définitivement prouver qu’un accident sur le site de Mayak était à l’origine du panache radioactif, d’autres éléments de preuve vont dans le même sens.
La recherche sur les neutrinos devant être menée en Italie — appelée SOX (Oscillations à courte distance avec boreXino) — n’a été annulée que plusieurs mois après la libération du nuage radioactif à la fin de 2017, après que le cérium-144 requis pour les expériences n’ait pas été obtenu. Les informations relatives à l’annulation du projet expliquaient « lors de la purification du matériel, des problèmes inattendus se sont produits, entraînant une perte d’activité et une augmentation du niveau d’impuretés ».
Sources : PNAS

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