Le Medef européen se résigne à envisager une taxe carbone aux frontières
Par : Frédéric Simon | EURACTIV.com | translated by Manon Flausch
2 mai 2019
Le plus grand lobby d’affaires européen semble prêt à envisager une taxe carbone aux frontières de l’UE comme une solution de dernier recours. Un ouverture timide par rapport à son refus initial d’envisager toute discussion sur le sujet.
« Pour la première fois, nous avons discuté d’un mécanisme d’ajustement carbone », confirme Markus J. Beyrer, directeur général de l’association de producteurs BusinessEurope, lors de la présentation des nouvelles stratégies du lobby pour le changement climatique et la politique commerciale.
« Nous essayons de montrer aux autres grands acteurs mondiaux que nous ne nous contentons pas d’atteindre nos objectifs [climatiques], mais que nous voulons aussi les faire appliquer. » a-t-il poursuivi.
Emmanuel Macron a défendu l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’UE pour les produits provenant de pays qui n’ont pas signé l’accord de Paris sur le changement climatique. Un tel « mécanisme d’ajustement aux frontières » est nécessaire « afin d’éviter que nos engagements climatiques ne pénalisent nos entreprises », estime le président français.
Un bilan mondial sur l’accord environnemental et son application aura lieu en 2023. La taxe carbone pourrait alors être envisagée « si les autres grandes économies ne convergent pas » vers les normes climatiques européennes, estime BusinessEurope. « Nous sommes prêts à en parler comme dernier recours », indique Markus J. Beyrer.
Malgré toutes ces précautions, le lancement d’une discussion interne au sein de BusinessEurope n’est pas anodin. Jusqu’ici, ce puissant lobby refusait catégoriquement la proposition, craignant une guerre commerciale avec les partenaires de l’UE.
Paris appelle à la création d’une taxe carbone aux frontières de l’UE pour les pays qui ne respectent pas l’Accord de Paris. Une idée qui cible directement les États-Unis.
Évolution
Cette position n’a par ailleurs pas complètement changé. L’organisation est toujours « très prudente » face à la taxe carbone aux frontières, qui pourrait entraîner des « représailles » de la part de certains pays et nécessiterait une adaptation aux règles de l’OMC.
Mais la décision des États-Unis de se retirer de l’accord a fait évoluer les opinions au sein de l’organisation, assure son directeur. « Nous avons adopté une attitude tout à fait différente vis-à-vis de certains acteurs mondiaux », précise-t-il, ce qui « nous a mena à discuter une plus large liste d’outils » potentiels pour protéger les industries européennes d’une concurrence déloyale.
BusinessEurope est généralement peu enclin à embrasser les politiques climatiques. Un mémo interne, obtenu par Euractiv l’an dernier, a révélé que le groupe se préparait à « s’opposer » à toute action climatique supplémentaire au niveau européen, grâce aux « arguments habituels » selon lesquels l’Europe ne peut pas se lancer seule dans l’action et devrait plutôt tenter d’établir un consensus mondial avant de se lancer.
La stratégie de communication de BusinessEurope est de « s’opposer » à toute hausse des ambitions climatiques de l’UE. Mais en affichant un soutien de façade, explique une note interne obtenue par Euractiv.
Parmi les sujets à l’étude dans le cadre de deux nouveaux documents stratégiques de l’association – sur l’énergie et le changement climatique et sur la politique commerciale – on trouve, outre la taxe carbone aux frontières, une série d’instruments politiques visant à améliorer la compétitivité des industries à très énergivores de l’UE, telles que la sidérurgie, qui sont les plus exposées à la concurrence internationale.
« Il est clair qu’il faut trouver une solution à ce problème de compétitivité et il est évident que les ajustements tarifaires aux frontières pourraient être une solution », juge Eliot Whittington, directeur du Prince of Wales’s Corporate Leaders Group, une association regroupant des entreprises qui souhaitent accélérer la transition vers une économie à faible émission de carbone.
Toutefois, il prévient que ce « serait complexe et difficile à mettre en œuvre », exigeant, par exemple, une plus grande transparence dans l’approvisionnement mondial et le suivi des matériaux utilisés dans les processus industriels. Cette taxe carbone devrait également être alignée sur les accords commerciaux et les politiques existantes telles que le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’UE.
« Donc, oui, oui, quelque chose que nous devons examiner et discuter, mais pas, à mon avis, être en première ligne en termes d’innovations politiques nécessaires », conclut-il.
Markus J. Beyrer l’affirme, l’option politique favorisée par BusinessEurope est toujours la même : la distribution gratuite de permis d’émissions carbone à l’industrie européenne dans le cadre du système européen de plafonnement et d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.
« Nous sommes en phase d’évaluation », rappelle-t-il, ajoutant que BuinsessEurope est « encore loin » de parvenir à une décision définitive sur la question de la taxe aux frontières. « Aurions-nous une majorité pour demander cela ? – Non. Avons-nous une majorité pour dire qu’il faut se pencher là-dessus ? – Oui. »
Le think tank la Fabrique écologique publie 8 propositions environnementales pour nourrir le prochain débat électoral. Un article de notre partenaire le Journal de l’Environnement.
(Cela pénalisera qui ? La Chine, les States, les deux ? En tout cas, une grosse bagarre, encore une, à prévoir pour trump. note de rené)
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