dimanche 2 septembre 2018


 « La France est le seul grand pays développé qui continue à se désindustrialiser »

GUILLAUME DE CALIGNON Le 07/08 à 19:16Mis à jour à 19:48  
source : Les Echos.fe




Patrick Artus, directeur de la recherche chez Natixis - Marc BERTRAND/CHALLENGES-REA
Selon Patrick Artus, directeur de la recherche de Natixis, seul l'investissement dans les compétences de la population active permettra à terme d'améliorer la compétitivité.
Comment expliquez-vous l'incapacité de la France à réduire son déficit commercial ?
Sur le premier semestre de 2018, il faut d'abord mettre de côté l'effet pétrole. Il est important et c'est une vraie question de savoir comment va se comporter le prix du pétrole au cours des prochains trimestres. Je pense que, malgré la hausse de la production américaine, comme la demande mondiale de pétrole est appelée à être forte dans un proche avenir, les prix peuvent continuer à grimper. Ce serait un vrai problème pour la croissance française et le déficit commercial. Mis à part ce problème que l'Hexagone ne maîtrise pas, il faut comprendre que la France est le seul grand pays développé qui continue de se désindustrialiser. L'Espagne a réussi à inverser la tendance, l'Allemagne tient bon, mais pas la France. Notre production reste chère étant donné notre niveau de gamme. En clair, les prix sont trop élevés au vu de la qualité des produits.
Les mesures pour réduire le coût du travail ne devraient-elles pas se traduire à terme en investissements et donc en meilleure qualité des produits ?
Certes, on voit que le taux d'investissement des entreprises françaises se situe dans la moyenne des pays développés. Mais il y a un problème de qualité d'investissement en France. La part des investissements en nouvelles technologies reste faible. Les entreprises françaises investissent dans du capital peu sophistiqué. L'augmentation de l'intensité capitalistique ne génère pas de gains de productivité. Or, avec un capital peu moderne et un coût du travail élevé, un pays ne peut pas être compétitif. La vraie question, c'est de savoir pourquoi le patronat industriel français investit si peu en nouvelles technologies et en robots ? Il y a là un mystère... Les entreprises françaises sont deux fois moins nombreuses à se lancer à l'exportation que les entreprises italiennes, elles investissent peu en R & D. Cela pose question sur la culture des dirigeants mais aussi sur le manque de compétence de la population française.

Comment inverser la tendance ?
Schématiquement, il y a deux façons. Ou la France fait une énorme dévaluation salariale en baissant le coût du travail comme l'ont fait l'Espagne et le Portugal ces dernières années par exemple. Cela ne paraît ni faisable ni souhaitable même si la transformation du CICE en baisse directe de charges est tout de même favorable. Ou l'Hexagone augmente les compétences de la population active, notamment en nouvelles technologies. Car c'est le facteur essentiel. La seule stratégie possible pour la France, c'est de réformer la formation professionnelle et d'investir dans la formation et l'éducation. Cela prendra plus de temps qu'une dévaluation salariale, mais cela sera plus bénéfique à terme.
Guillaume de Calignon

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