Idlib: Ankara a cédé à Poutine
Le rédacteur en chef du journal Rai al-Youm Abdel Bari Atwan s’est penché dans son dernier article sur les récentes évolutions en Syrie notamment la bataille pour la libération d’Idlib, qu’il qualifie de « mère de toutes les batailles ».
L’annonce par la Turquie de placer Hayat Tahrir al-Cham (HTS) dont le Front al-Nosra est la principale composante, sur sa liste noire, est un événement en soi: il témoigne du fait que le gouvernement turc a donné son aval pour interrompre tout lien explicite ou implicite avec le Front al-Nosra afin de dissiper ainsi toutes les ambiguïtés à ce sujet et donner son feu vert à la coalition russo-syrienne qui s’apprête à lancer sa vaste offensive à Idlib pour la nettoyer de la présence des terroristes. C’est la réponse d’Ankara aux pressions russes.
Il semblerait que Erdogan ait fini par se rendre compte que la Russie était déterminée à aider Assad à libérer Idlib et à y placer tout son poids politique et militaire, quand bien même cette offensive aboutirait à une confrontation militaire avec les États-Unis. Par ce geste, la Turquie véhicule un message fort à son allié américain et à ses alliés au sein de l’OTAN : elle a choisi son camp. En Syrie, Ankara a changé son fusil d’épaule en faveur de la Russie.
En effet, M. Erdogan ne peut pas couper ses liens, politique et économique, avec le président russe Vladimir Poutine et s’opposer aux plans de ce dernier à Idlib. Par ailleurs, sans la Turquie, la guerre d’Idlib sera infiniment plus coûteuse pour Damas et Moscou . Il y a eu certainement un compromis en coulisse entre la Turquie et la Russie, dont les détails ne seront connus qu’ultérieurement, mais une chose est sûre : la détérioration des relations entre la Turquie et les États-Unis a largement poussé Erdogan à céder à Idlib. La guerre économique féroce menée par le président Donald Trump contre la Turquie avec en filigrane l’effondrement de la livre a ôté à Erdogan tout courage de résister aux pressions syro-russes.
Mais l’inverse est aussi vrai : sans le rapprochement turco-russe, il n’y aurait pas de guerre économique US contre la Turquie. Anraka a en outre péché en signant des accords commerciaux pour augmenter le niveau de ses échanges commerciaux avec la Russie à 100 milliards de dollars par an, en misant sur le gazoduc russe, «TurkStream », et en s’achetant des missiles « S-400 ». La Turquie s’est aussi engagée à rester aux côtés de l’Iran face à des sanctions économiques des États-Unis. C’est trop pour que les Américains ferment les yeux. Mais cette dynamique nouvelle a des acquis qui risquent d’aller au-delà du seul cadre des liens Ankara-Washington.
Le sommet de Téhéran qui se tiendra le 7 septembre et auquel participeront les présidents iranien, russe et turc mettra au point la feuille de route de « la nouvelle Syrie unifiée », et lancera le processus de réconciliation nationale, et le maintien au pouvoir du président syrien Bachar al-Assad pour des années, voire des décennies à venir. Mais encore, cette réunion tripartite élaborera la carte d’une « nouvelle alliance au Moyen-Orient », une alliance non sectaire qui se dressera face à l’axe « arabe modéré ». Cet axe est bien mal parti même si le président US s’apprête à le lancer en octobre prochain en présence de six États du golfe Persique ainsi que de Jordanie, de l’Égypte et d’Israël.
La bombe du président turc en plaçant le Front al-Nosra sur la liste noire aura d’importantes répercussions à travers toute la région : de grandes réconciliations, en particulier la réconciliation syro-turque sont à venir. Et c’est à peut-être le début de la fin de l’un des chapitres les plus sanglants de l’histoire du Moyen-Orient.
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