Lutte sournoise pour la succession du maréchal Haftar (Libye)
le 23.04.18 | 12h00 Réagissez source : El Watan
Les observateurs redoutent que la succession de Khalifa Haftar provoque...
Les luttes de pouvoir semblent s’exacerber en Libye. C’est du moins le cas en Cyrénaïque où les prétendants à la succession du maréchal Khalifa Haftar, foudroyé par un AVC au début du mois, se livrent une guerre sourde.
La première personnalité à avoir fait les frais de cet affrontement sournois est l’actuel chef de l’état-major de l’Armée nationale libyenne (ANL), le général Abdelrazak Al Nadhouri. Pressenti pour succéder à Khalifa Haftar, il est le militaire le plus ancien et le plus haut gradé. C’est d’ailleurs lui qui dirige actuellement l’ANL. Le général Al Nadhouri a, en effet, miraculeusement échappé, mercredi dernier, à un attentat à la voiture piégé à Sidi Khalifa, une localité située dans la périphérie de Benghazi.
Un groupe terroriste a certes revendiqué l’attaque, cependant de nombreux analystes imputent la tentative d’assassinat aux cercles qui s’opposent à sa promotion en tant que commandant de l’ANL. Cet ancien colonel des forces spéciales de l’armée d’El Gueddafi a pourtant l’avantage d’avoir le soutien de nombreux pays, dont la Russie, l’Egypte, les Emirats arabes unis et l’Italie, qui voient en lui un candidat «sérieux» et «un partenaire efficace dans la lutte contre le terrorisme».
Les autorités françaises n’ont rien contre lui, mais il semblerait, selon des sources libyennes, qu’elles lui préfèrent le chef des opérations de l’ANL, le général Abdeslam El Hassi. Des informations éparses soutiennent que les Turcs et les Qataris ont également activé leurs réseaux dans le but de peser sur la succession. Les gens qui veulent voir Abdelrazak Al Nadhouri éjecté du circuit sont donc nombreux aussi.
Au-delà de la guerre d’influence que peuvent se livrer certaines puissances en Libye pour imposer «leurs hommes» au sommet de la pyramide du pouvoir dans l’Est libyen, il faut savoir que les opposants au général Al Nadhouri se recensent aussi parmi certaines tribus, ce qui a pour effet de rendre la situation encore plus complexe et surtout plus dangereuse. Il n’est pas exclu, en effet, que le retrait de Khalifa Haftar de la scène politico-militaire crée une nouvelle donne sur le terrain en Cyrénaïque.
Guerres d’influence
Une succession cataclysmique du chef de l’ANL peut, par exemple, causer une fracture au sein de l’Armée nationale libyenne. Un expert du dossier libyen soutient que ce scénario catastrophe n’est pas à exclure, surtout que Khalifa Haftar n’a pas réussi à créer une armée homogène. Malgré ses victoires sur le terrain, l’ANL reste en effet une institution fragile car constituée de groupes idéologiquement divergents. La montée au créneau la semaine dernière des salafistes libyens confirme d’ailleurs cette fragilité.
Mécontents d’être tenus à l’écart du débat sur la succession, ils ont d’ailleurs appelé dimanche dernier le Parlement à dire la vérité sur Haftar et à procéder sans plus attendre à son remplacement dans la transparence. Il est certain que le chef du Parlement de Tobrouk, Aguila Salah, ait pris l’injonction de ces salafistes au sérieux. Il doit savoir mieux que quiconque qu’ils constituent une part importante de l’ANL et que sans eux il ne tiendrait pas 24 heures au pouvoir.
Le maréchal s’est beaucoup appuyé sur eux dans ses nombreux combats contre les islamistes à l’est du pays. Si demain ces salafistes décidaient pour une raison ou pour une autre de faire cavalier seul, il n’est pas certain que l’ANL puisse y survivre. Mais Aguila Salah n’est certainement pas le seul à se plaindre de la maladie de Haftar.
L’hospitalisation de l’homme fort de l’Est libyen a dû brouiller aussi les cartes du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, qui avait notamment prévu cette année d’amender l’accord de Skhirat, de réconcilier les Libyens et d’organiser des élections générales. Et à l’heure actuelle, il doit certainement prier très fort pour que les séquelles de l’AVC dont a été victime Haftar ne soient pas irréversibles.
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