mercredi 24 mai 2017


En Birmanie, dissolution du mouvement bouddhiste extrémiste Ma Ba Tha
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Le puissant mouvement birman de moines fondamentalistes mené par Ashin Wirathu, connu pour ses diatribes islamophobes, a été interdit dans le pays, selon une décision du clergé bouddhiste annoncée le 23 mai.

Le conseil des moines du gouvernement du Myanmar prie lors de la conclusion de la réunion de deux jours à Yangon le 14 juillet 2016, où le conseil s'est officiellement éloigné du groupe Ma Ba Tha
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Le conseil des moines du gouvernement du Myanmar prie lors de la conclusion de la réunion de deux jours à Yangon le 14 juillet 2016, où le conseil s'est officiellement éloigné du groupe Ma Ba Tha / Romeo Gacad/AFP
C’est par une lettre de la haute assemblée bouddhiste de Birmanie, la Sangha, envoyée au gouvernement de Rangoun le 23 mai (et dont l’AFP a obtenu une copie), que le puissant mouvement bouddhiste extrémiste de Ma Ba Tha a été dissous.
« Il est interdit pour toute personne ou groupe d’entreprendre quelques actions sous la bannière de Ma Ba Tha », est-il écrit dans cette lettre. « Toutes les pancartes de Ma Ba Tha dans le pays doivent être retirées d’ici au 15 juillet au plus tard », est-il encore précisé.

Un documentaire accablant à Cannes

Cette décision est annoncée concomitamment avec la présentation, au festival de Cannes, en sélection officielle hors compétition, d’un documentaire du cinéaste suisse Barbet Schroeder (1) sur le moine Ashin Wirathu, 48 ans, leader depuis 2001 de Ma Ba Tha. Depuis son monastère de Mandalay, sur les réseaux sociaux, le moine attise l’islamophobie à travers le pays, provoquant campagnes de diffamation et de boycott, incendies de mosquées et assassinats de musulmans birmans, notamment des Rohingyas, une minorité de l’ouest du pays, fortement persécutée.
Car ce mouvement qui se réclame du bouddhisme (son nom, en birman, est le chiffre 969 qui énumère les trois joyaux du bouddhisme) prospère en professant ouvertement la haine et l’exclusion des musulmans, dans un pays à 90 % bouddhiste où l’islam ne représente que 5 % des habitants.

Une création des services secrets birmans

« Le moine Wirathu est une création des services secrets birmans sous la junte », estime Régis Anouil, rédacteur en chef d’Église d’Asie, l’agence d’information des Missions étrangères de Paris (MEP). « Certes, il a été emprisonné plusieurs années, mais il n’était jamais loin des services secrets birmans », poursuit Régis Anouil qui considère que les discours haineux et les incitations à la violence du moine ont fini par « coûter cher » en termes d’image à l’international pour la Birmanie. Rien d’étonnant donc, selon Régis Anouil, que « ses soutiens politiques aient préféré le lâcher ».
Il faut dire qu’en juillet 2016 déjà, Aung Ko, le ministre birman des affaires religieuses, avait mis en garde Ma Ba Tha. Son avenir « pourrait être incertain si ses membres propagent un discours de haine pour créer des conflits entre les religions », déclarait-il alors, en ajoutant que « le gouvernement tentait de créer de la stabilité ».

Après la visite d’Aung San Suu Kyi au Vatican

C’était la première fois qu’un ministre du gouvernement d’Aung San Suu Kyi, mis en place quatre mois auparavant, émettait une critique contre le mouvement. Dans le même temps, la Sangha avait, pour la première fois, officiellement pris ses distances avec le groupe, sans toutefois demander sa dissolution.
Cette dissolution de Ma Ba Tha intervient également deux semaines après la visite au Vatican de la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, et l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Birmanie. Comme le rappelle Mgr Charles Bo, archevêque de Rangoun, dans une interview accordée le 15 mai à Rangoun à Églises d’Asie et à KTO, « le pape François, cette année, a parlé trois fois des Rohingyas et la dernière fois, il a dit que les Rohingyas formaient un peuple apatride pour lequel les Birmans devaient avoir de la compassion ».
Claire Lesegretain

(1) Ce documentaire (1 h 40), « Le Vénérable W. », sort en salle le 7 juin.

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