Inquiétante augmentation de la mortalité maternelle aux Etats-Unis
Poster
Chaque année aux États-unis, de 700 à 900 femmes meurent des suites de leur grossesse ou accouchement révèle une enquête du site d’investigation américain ProPublica, publiée mi-mai. Pourtant, partout dans les pays du Nord, le taux de mortalité maternelle diminue (en France, 85 femmes décèdent d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, soit un taux de mortalité maternelle quasiment deux fois inférieur à celui des Etats-Unis [1]). Aux États-unis, il a augmenté entre 2000 et 2014. « Les femmes américaines ont trois fois plus de probabilités de mourir pendant leur période maternelle (qui court du premier jour de leur grossesse jusqu’à 12 mois après la naissance) que les Canadiennes, et six fois plus de probabilités que les femmes scandinaves », précise l’auteure de l’enquête, la journaliste Nina Martin qui s’intéresse aux questions féministes et de santé depuis plus de 30 ans. Selon une récente étude, 60% de ces morts sont évitables.
La mortalité maternelle est plus élevée parmi les afro-américaines, les femmes à bas revenus et celles qui habitent dans les zones rurales. Ce fléau touche cependant des femmes de toutes origines et milieux sociaux, partout dans le pays : enseignantes, journalistes, femmes sans-domicile, fondatrices de site web à succès, docteures ou infirmières spécialisées en pédiatrie... Il semble ne pas y avoir de "profil type" des femmes qui meurent, quelques jours ou quelques semaines après avoir quitté l’hôpital, de problèmes cardiaques, d’hémorragies, d’infections ou de pré-éclampsie, un type d’hypertension qui se produit seulement au cours de la grossesse ou pendant la période postpartum.
Soins des bébés vs soins des mères ?
Les raisons de cette haute mortalité maternelle sont multiples, explique Nina Martin. Les femmes deviennent mères plus tard qu’avant, avec des dossiers médicaux complexes plus nombreux. De nombreuses naissances ne sont pas planifiées et les femmes tardent à signaler à leur médecin leurs éventuels soucis de santé. La fragmentation du système de santé, largement privé, fait que les jeunes mères, et notamment celles qui n’ont pas de bonne assurance, ont beaucoup de difficultés à bénéficier d’un suivi médical adapté. Enfin, les connaissances cliniques des équipes sont clairement insuffisantes, avec de vraies défaillances en matière de reconnaissances des symptômes inquiétants, susceptibles de déboucher sur la mort des femmes.
Cette hausse des décès contraste étrangement avec les progrès accomplis pour sauver les bébés, notamment prématurés. Ces dernières décennies, supposant qu’il avait résolu la questions de la mortalité maternelle, le système médical américain s’est concentré sur la sûreté des fœtus et des nouveaux nés, et s’est détourné de la santé et du bien être des mères, déplore l’enquête de ProPublica. La spécialisation en médecine maternelle et fœtale a tellement dérivé vers le soin des fœtus que des jeunes docteurs souhaitant travailler dans le domaine peuvent être diplômés sans avoir posé le pied dans une salle d’accouchement, malgré plusieurs années de formation.
« Aux États-Unis, à la différence d’autres pays développés, on traite des morts maternelles comme une tragédie privée, plutôt que comme une catastrophe de santé publique », ajoute Nina Martin. Une mort dans l’accouchement peut être pleurée sur Facebook ou immortalisée sur GoFundMe, mais elle est rarement annoncée dans les nouvelles. La plupart des nécrologies ne mentionnent pas comment une mère est morte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire